Pour Koulibaly: « Les thèmes de l’Alliance permettront de battre Ouattara en 2015 »

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Interview de Mamadou Koulibaly (LIDER) par Bidi Ignace | Nord Sud | 05 février 2014

Faut-il considérer la réunion tenue vendredi à Abidjan par certaines formations politiques dont la vôtre comme la réponse à l’appel que vous avez lancé à l’opposition à former une coalition le 2 janvier dernier ?

Pr. Mamadou Koulibaly: En effet, cette réunion fait suite à l’appel que nous avons lancé le 6 mai 2013, lorsqu’à LIDER, nous avons dressé le bilan de l’an 2 du régime Ouattara. Nous n’avons eu de cesse de le réitérer depuis lors et nous sommes heureux de voir que nous avons finalement été entendus.

L’union fait la force, dit l’adage. Cela implique-t-il qu’en l’état actuel des adversités, l’opposition ne peut venir à bout du pouvoir que si elle est unie ?

Monsieur Ouattara, depuis trois ans qu’il est au pouvoir, n’a montré aucune volonté à aller à des élections transparentes et apaisées en 2015. Bien au contraire, il maille l’ensemble du territoire avec des milices, dozos et hommes en armes ; il maintient en place une commission électorale forclose, qui n’a jamais été capable d’organiser un scrutin sans violence ni mort d’homme et qui compte en son sein des groupements armés ; il refuse d’actualiser la liste électorale ; il envoie le recensement général de la population et de l’habitat aux calendes grecques ; il jette le statut et le financement de l’opposition à la poubelle et il empêche l’accès des partis d’opposition aux médias d’Etat. Si ces conditions perdurent, les échéances électorales à venir relèvent de la farce et il est impératif que non seulement les partis politiques, mais aussi la société civile et les populations s’unissent pour contraindre le régime à mettre en place un cadre pour des élections transparentes et crédibles. Si ces conditions sont réunies et que le peuple peut exprimer librement et en toute sécurité son suffrage, il n’y a aucun doute que le mandat de M. Ouattara prendra fin en octobre 2015.

Un regroupement des partis d’opposition n’est-il pas illusoire quand des individualités revendiquent ici et là un certain leadership ?

C’est possible et c’est certainement le cas dans certains regroupements, mais en ce qui concerne l’Alliance pour le changement démocratique (ACD) que nous venons de mettre en place avec 9 formations politiques, ce problème ne se pose pas, parce que notre objectif n’est pas de choisir un leader ou de regrouper des faire-valoir autour d’une formation politique soit disant dominante, mais d’œuvrer ensemble pour contraindre le régime Ouattara à mettre en place des conditions préalables aux élections : le recensement général de la population et de l’habitat, l’actualisation de la liste électorale, le reformatage de la commission électorale, le statut et le financement de l’opposition, l’accès de l’opposition aux médias d’Etat et la sécurisation des populations, des candidats et des suffrages lors des élections. Il ne s’agit pas de désigner un candidat pour l’élection présidentielle ni même de tomber d’accord sur un programme commun de gouvernement. Il n’y a donc aucune place pour des guerres de leadership en notre sein. Vous le constaterez quand les structures mises en place seront rendues officielles par les instances de l’ACD. Nous unissons nos efforts afin d’obtenir que les élections se déroulent dans des conditions univoques de transparence.

A en juger par le nombre de partis présents à cette concertation du vendredi, il apparait que l’idée de la coalition n’a pas l’adhésion de toute l’opposition. Comment expliquez-vous que seuls les membres du Cadre permanent de dialogue (Cpd), en plus de l’Udl de Martial Ahipeaud, se sentent concernés par le projet ?

Tout d’abord, il n’y a pas que des partis membres du Cpd dans notre coalition. L’Alliance pour le changement démocratique (Acd) regroupe, en dehors de LIDER, le Rpc-Paix d’Henriette Lagou, Cap-Udd de Gervais Coulibaly, Mnc Alternative de Kabran Appia, qui sont membres du Cpd, et les formations qui n’en font pas partie, telles que l’Udl de Martial Ahipeaud, le Congrès de la résistance ivoirienne de Jean Enoc Bah, le Congrès panafricain pour le renouveau de Doumbia Major, le Parti des démocrates républicains de Soko Gbalehi et l’Udt-Ci de Bertine Tia Monné. Par ailleurs, nous sommes confiants que cette alliance va s’élargir rapidement à d’autres participants, étant donné que les thèmes que nous défendons concernent toute la population et trouvent l’adhésion de nombreux acteurs politiques et de la société civile. Ceci n’est que le début.

Une coalition étant par tradition une union de partis qui l’allient contre un adversaire commun, la meilleure stratégie n’aurait-elle pas été que toute l’opposition se mette ensemble ?

Pour s’unir, il faut avoir des objectifs communs. Il ne sert à rien de faire des coalitions de façade alors qu’il n’y a aucune convergence de combat, de principes ou de valeurs. Notre objectif immédiat est clair : nous voulons un recensement de la population, l’intégration des nouveaux majeurs depuis 2009 et des exclus du scrutin de 2010 sur la liste électorale, le reformatage de la commission électorale, le statut, le financement, l’accès aux médias d’Etat des partis d’opposition et la sécurisation des élections.

Considérez-vous que l’opposition, c’est dorénavant un «front uni» et l’«Alliance pour le changement démocratique» ?

Nous sommes heureux de constater que l’appel à la coalition que LIDER a lancé depuis l’année dernière semble avoir été entendu par tous. Même ceux qui voulaient faire cavaliers seuls en dénigrant l’utilité de ceux qu’ils qualifiaient de «formations insignifiantes» semblent avoir compris la nécessité des «petits petits partis». C’est une avancée, même s’il y a encore du chemin à faire. Maintenant, le fond et la forme des deux entités sont pour l’instant très différents. Mais nous sommes ouverts au dialogue et dès lors que les interlocuteurs font preuve d’humilité et partagent une même volonté de rupture avec les systèmes et dérives qui ont mené la Côte d’Ivoire dans le chaos, il n’y a aucune raison pour que la situation n’évolue pas vers encore plus d’unité dans l’opposition. Vous savez, Ouattara et Konan Bédié, le créateur de la très funeste ivoirité mise en place pour écarter Ouattara du pouvoir et qui avait même lancé des mandats d’arrêt contre lui, ont réussi à devenir des grands alliés au sein du Rhdp pour chasser Gbagbo du fauteuil présidentiel. Quand le temps est mûr pour que les choses se fassent, elles se font.

La formation des deux entités, ‘’front uni‘’ et ‘’ACD‘’, quoi que les dénominations ne soient pas définitives, n’est-elle pas l’illustration du refus d’un chef de l’opposition par des opposants ?

Si les autres n’ont pas encore défini leur appellation, celle de notre groupement est bel et bien établie : c’est l’Alliance pour le changement démocratique. Nous ne nous sommes pas créés dans la précipitation, nous avons pris la peine de bien nous entendre sur le contenu avant de lancer officiellement notre alliance et avons peut-être pour cela quelques longueurs d’avance sur les autres. Maintenant, il n’a jamais été question d’avoir un chef de l’opposition. D’ailleurs, le projet de statut de l’opposition soumis il y a plus d’un an au gouvernement et signé par tous les partis membres du Cpd et le Fpi n’en faisait pas cas. Cette lubie est celle du gouvernement, qui souhaite voir ses adversaires se déchirer autour d’un fauteuil au lieu de préparer l’alternance. Elle n’a aucune chance de prospérer. Dans un régime parlementaire tel que nous le prônons à LIDER, le chef du parti qui arrive second aux législatives et qui ne fait pas partie de la coalition gouvernementale est d’office le chef de l’opposition parlementaire. Mais la vie démocratique ne s’arrête pas à l’hémicycle. Il y a des idéologies diverses, variées et qui n’ont pas vocation à se coaliser. C’est le peuple qui décide, pas des formations politiques ou un gouvernement.

En cette année 2014, des prétendants au fauteuil présidentiel affirmeront leur ambition. Parmi les opposants, faut-il d’ores et déjà compter Mamadou Koulibaly parmi les futurs candidats à l’élection présidentielle prochaine ?

Ce n’est pas un scoop. Cela fait belle lurette que j’ai annoncé que je serai candidat contre Ouattara en 2015, sauf si à l’orée du scrutin, LIDER fait partie d’une coalition qui s’est entendue sur un programme de gouvernement commun, avec des réformes clairement définies à mettre en place et un calendrier d’exécution très précis. Dans ce cas, c’est la coalition qui décidera qui sera la candidate ou le candidat qui sera le mieux à même de porter le projet et de fédérer la majorité des votes pour mettre fin à cinq années traumatisantes et clivantes de gestion Ouattara.

Une opinion ivoirienne, et même des observateurs de la politique internationale, pensent que vous avez le profil idéal pour briguer la présidentielle. Ceux de vos admirateurs qui pensent aussi ainsi sont-ils excessifs ?

Pourquoi voulez-vous qu’ils soient excessifs ? Si je ne pensais pas avoir le profil pour gérer la destinée de la Côte d’Ivoire, je n’aurais pas créé un parti politique ou alors annoncé ma candidature pour 2015.

Des voix s’élèvent de plus en plus sur l’échiquier politique pour demander la révision de la Constitution. Quelles raisons motiveraient-elles LIDER à soutenir une telle proposition ?

Notre constitution a été taillée sur mesure pour qu’un homme fort se retrouve avec les mains libres et des institutions faibles, au lieu d’avoir un pouvoir limité au juste nécessaire. Pour LIDER, la constitution est avant tout un document qui empêche les hommes qui ont le pouvoir d’Etat de faire impunément mal à leur peuple. En outre, LIDER trouve inutile et inconséquent la présence d’un premier ministre dans notre régime hyper présidentiel où seuls les desideratas du chef de l’Etat ont valeur de loi. La gestion de notre Etat par les présidents et le fonctionnement des institutions de la République montrent de manière scandaleuse la surpuissance du chef de l’Etat qui est la source de tous les pouvoirs : administratif, exécutif, législatif, judiciaire, budgétaire, économique, financier et monétaire. Le président, chez nous, est un monarque doublé d’un pontife avec des prérogatives illimitées et sans contrepouvoir. A LIDER, nous pensons qu’il faut rompre avec ces pratiques. Il ne faut pas pour cela des modifications partielles de tel ou tel article pour faire plaisir à quelqu’un ou pour sanctionner qui que ce soit. LIDER est favorable à une révision totale de la loi fondamentale pour donner à cette coquille actuellement vide un contenu. Il faut rompre avec le régime présidentiel et instaurer un régime parlementaire sur le modèle britannique de Westminster. Il faut rendre sa souveraineté au peuple et mettre en place les mécanismes qui font des dirigeants politiques les serviteurs intègres de l’Etat et non les maîtres corrompus et tyranniques des populations de qui ils tiennent leur pouvoir.

Quel (s) article(s) de la Constitution poserait problème pour la future présidentielle et pourquoi ?

Ce ne sont pas des articles qui sont en cause, mais le système que nous impose le régime présidentiel et qui fait que certains d’entre nous peuvent, sans conséquence, aucune infliger les plus grands maux à notre peuple, à notre pays, à notre économie : La constitution dans sa forme actuelle et le système qu’elle instaure impose la pauvreté, la guerre, la misère et toutes les frustrations qui vont avec à la population.

Entre autres réformes souhaitées par l’opposition et même des partis proches du régime, laquelle est la plus urgente ? Et comment devrait se faire ?

La réforme du foncier rural en premier. Il faut rendre la terre de Côte d’Ivoire aux populations qui en sont coutumièrement les premiers propriétaires et leur distribuer les titres fonciers négociables après un cadastrage systématique et propre de tout le territoire.

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