Les Etats sont confrontés partout dans le monde à la même nécessité de réduire de manière drastique les charges et dépenses publiques. La crise n’épargne personne, et les institutions monétaires et financières tirent constamment la sonnette d’alarme, allant parfois jusqu’à imposer des réformes sévères à certains pays pour revitaliser les économies en difficultés. L’Espagne, l’Italie, la France, la Grèce, les Etats-Unis, etc., ont été obligés dans un passé récent, malgré les remous sociaux, de prendre certaines mesures pour juguler la crise à plus ou moins long terme. Que dire alors de nos pays, sous perfusion depuis l’indépendance, qui doivent affronter quasi quotidiennement toutes sortes de problèmes de trésorerie ? Dans un tel contexte, chaque zone économique, chaque pays et chaque Etat doit trouver lui-même, par ses propres moyens, les solutions pour faire face aux difficultés qui, en définitive, ont des conséquences sociales importantes et graves. Alors, en Côte d’Ivoire où l’on aspire à devenir un « pays émergent », que peut-on faire ?
Tous les systèmes et régimes politiques ont pour vocation et pour finalité le bien-être des populations. Cela exige la réalisation des infrastructures de développement, la création d’emplois pour éviter le chômage, l’augmentation régulière du pouvoir d’achat des populations, l’amélioration du cadre de vie, etc. En un mot, il faut trouver des moyens, ce qui signifie qu’il faut pouvoir, à la fois, augmenter les recettes du pays et faire des économies. Plusieurs « recettes » on le sait, ont été expérimentées (ou imposées) ici et là, avec des succès plutôt mitigés, puisque les difficultés persistent pour ne pas dire s’aggravent. Aussi voudrions-nous explorer d’autres voies qui tiennent comptent d’un certain nombre de réalités nationales, car il n’y a pas en la matière de « solution miracle » ou de potion universelle à administrer à tous et à chacun.
L’exploration de nouvelles voies pour trouver des solutions nous amène pour une fois à regarder au sommet de la pyramide et non en bas. Ainsi, considérant l’organigramme des ministères, leur fonctionnement, le budget qui est alloué à chacun d’eux, etc., il est clair que cela doit coûter cher, très cher aux contribuables. Mais nous laissons ici de côté cette question. Nous laissons aussi de côté la question de savoir qu’est-ce qu’un Ministre ? Quelle est sa véritable fonction dans l’exécutif ?
Penchons-nous plutôt du côté de la question pratique et pragmatique : qu’est-ce qu’on attend d’un ministre ? Quel résultat recherche-t-on à travers la fonction ministérielle ?
Manifestement, et au regard de l’expérience de nos Etats depuis les années 60, le Ministre semble jouer un rôle beaucoup plus politique qu’économique. Peu importe si le secteur à lui confié progresse ou pas. Le plus important, semble-t-il, c’est que, politiquement, il serve à « quelque chose ». Ce quelque chose peut être : faire comme en Occident, c’est-à-dire copier-coller ce qui se passe au niveau de l’exécutif ; contenter une région pour des questions géopolitiques en trouvant un poste au gouvernement à l’un de ses « fils » ; récompenser un bon militant pour service rendu au parti (au pouvoir ou non). Mais en aucun cas cette manière de faire ne semble obéir à la nécessité technique, concrète et matérielle de faire progresser les activités dans un domaine donné. Le résultat est que nos « petits Etats » (en superficie, en population et en ressources) s’offrent toujours le luxe de proposer une liste comportant une quarantaine (40) de ministres ! Quand on sait ce que coûte un ministère, les contribuables tirent-ils vraiment profit de cette « armada ministérielle » ? Apparemment non. Alors il faut revenir, si l’on veut aller vers l’ « émergence », à une démarche plus efficace, plus rationnelle, plus raisonnable et plus positive pour nos jeunes nations en construction. Aussi faut-il se poser la question : a-t-on véritablement besoin d’un Ministre pour développer des secteurs d’activité comme l’agriculture, la culture, le sport et les loisirs, la communication, l’environnement, la santé, l’artisanat, le tourisme, l’industrie, les P.M.E., les mines et l’énergie, etc. ? Ne serait-il pas plus judicieux, plus économique et plus efficace de nommer à ces postes des responsables qui feraient office de véritables chefs d’entreprise, avec obligation de résultat dans leurs domaines respectifs ? Le concept de Directeur général (D.G.) pouvant être source de confusion avec les patrons du secteur privé, on pourrait utiliser la notion de Directeur national (D.N.), avec pour objectif la mission précise de développement d’un secteur donné.
Cela aurait l’avantage de mettre fin aux querelles interminables et aux frustrations chaque fois qu’un changement interviendrait au niveau de la direction, car ce faisant, le critère de sélection ne sera plus politique (militantisme, tribalisme, etc.) mais essentiellement technique et fondé sur la base des résultats objectifs (positifs ou non).
En somme, il est temps de bâtir le développement du pays sur la base des compétences réelles des uns et des autres en sortant des calculs politiciens dans la gestion des affaires publiques. Il est temps de mettre fin aux colorations politique, ethnique, régionaliste, tribaliste, etc. qui minent la dynamique du développement, car la nécessaire synergie des forces citoyennes est brisée chaque fois qu’un Ministre est remplacé par un autre (les raisons implicites étant toujours politiques). Il est temps que les africains en général et nos Etats en particulier prennent des initiatives novatrices et salutaires pour définir et construire leurs propres objectifs de développement, au lieu de suivre des standards internationaux qui, très souvent, ne correspondent ni à nos besoins ni à nos capacités.
Pr Christophe Yahot, Université Alassane Ouattara – Bouaké – Côte d’Ivoire
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