Conflit ivoirien – de l’effritement de la convergence à la confusion dans le consensus

Beyllignont

Par Georges Beyllignont Auteur de: Les Polices Africaines face aux Défis de Prévention des Conflits (Harmattan)

Conflit ivoirien De la Réconciliation aux états généraux…de l’effritement de la convergence à la confusion dans le consensus

Au profit de la fête de la nouvelle année 2014, il y a eu des lectures relativement similaires de la situation socio-politique de la Côte d’Ivoire par les classes politiques ivoiriennes qui ont choisi de se consacrer publiquement à cette tradition. Les aspirations qui ont transparu de ces lectures ou mieux, qui s’en sont inspirées, mettent en présence deux états d’esprits dans l’approche des politiques par rapport à la crise ou par rapport au conflit ivoirien. Ceux qui pensent que la crise postélectorale est derrière nous et ceux qui pensent le contraire. Il est à noter que ces deux profils annoncent potentiellement l’effritement de notre convergence vers… et une confusion certaine dans le consensus. Lequel ?

Avant de déterminer le mode de ce consensus et l’objectif de cette convergence, et cela pour permettre aux uns et aux autres de méditer d’avantage leur approche par rapport au conflit ivoirien. Notons ensemble qu’ici se joue le destin d’un Etat et le devenir d’un peuple. Notre intelligence et savoir-faire collectifs en tant qu’ivoiriens se mesureront donc à la hauteur des défis qu’exposent « le mal » de la Côte d’Ivoire. Mais simultanément, les équations situationnelles pertinentes que cette situation a engendré dans son développement et soumet à la réflexion des ivoiriens de tout rang, grade et genre.

Premièrement, je tiens d’abord à clarifier qu’une crise est une situation de blocage, effectuée pas par l’existence d’un désaccord fondamental, mais par le refus réciproque d’adresser un tel désaccord. Donc sur ce plan de la réconciliation, par rapport à l’institution de la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR) ou du Programme National de Cohésion Sociale (PNCS), la proposition des Etats Généraux de la République (EGR) et les séries de Dialogue-Direct initiées conjointement par le Gouvernement et le Front Populaire Ivoirien (FPI), l’on peut intercéder que la crise ne vit pas de sa phase radicale aujourd’hui. Seulement, la profusion d’instruments alternatifs (de normalisation) avec des missions et objectifs relativement similaires (CDVR & PNCS) nous indiquent que le premier n’a pas atteint son objectif absolu ou que le deuxième par rapport à la suggestion des EGR, n’insuffle pas la dose de crédibilité ou de confiance nécessaire pour adresser les préoccupations de la Côte d’Ivoire, au moins selon les perspectives de normalisation d’une partie des protagonistes. Pouvons-nous donc sans réserve avancer que la crise est dernière-nous ? Surtout quand on est du mouvement de la gauche ou de la résistance et que la réconciliation n’a réellement jamais été amorcée ?

Faut-il aussi relever que la réconciliation est une disposition ad hoc ou exceptionnelle à laquelle nous faisons recours quand le système normatif échoue ou a échoué de consacrer le consensus général dans un Etat. L’administration régulière d’un Etat est dotée de mécanismes pour réconcilier les différends et réguler les comportements des citoyens. Si une crise fait voler en éclat sa crédibilité, sa légitimité et expose différente perception concurrente de son sens de responsabilité et cela sur l’ensemble des instruments de régulation, alors que ces instruments sont sensés supporter l’état normal des choses, j’ai du mal à comprendre l’intelligence qui tend à combiner la justice et la réconciliation.

On ne peut pas faire la réconciliation sans justice, avons-nous souvent entendu des personnalités dire. Alors la question que je leur retourne est la suivante ; pouvez-vous faire ou rendre justice sans la vérité, avec des demi-vérités ou avec des vérités « techniques » qui couvrent de voiles épaisses des faits et réalités insolites que cache la crise ivoirienne et les subtilités tendancieuses qui nous indiquent leurs motifs réels. Si quelqu’un peut m’expliquer et me convaincre au nom de quelle valeur morale ou objectif de société, une décision de justice met Gbagbo en prison et Soro en liberté ? Alors nous irons pour la combinaison des deux instruments de réconciliation en même temps que nous appliquons la justice systématique conventionnelle. Car dans une situation normale ou la loi est le premier repère de référence, il est facile de déterminer le coupable et la victime. Par contraste, dans une situation de conflit, et si c’est le contexte dans lequel prend pied la réconciliation, les acteurs au conflit s’approprient le statut de victime mutuellement et se rejette réciproquement la culpabilité. Faire donc les choses par rapport aux capacités de nuisances ou à la puissance de pouvoir de l’un ou de l’autre parti au conflit, est simplement la continuation ou la demeure de la situation de belligérance – Donc de conflit. Qu’elle loi en Côte d’Ivoire légitime la perpétration d’une rébellion ou excuse le bombardement d’un ex-président au profit d’un nouveau. Voilà la réalité de la déconfiture de notre communauté de destin que seule la bonne foi intellectuelle peut nous aider à effectuer.

Deuxièmement, le conflit ne s’observe pas seulement à partir des effets éclatants (violences physiques généralisées ou confrontations armées) d’une rivalité entre deux clans politiques comme c’est le cas en Côte d’ivoire et qui surviennent au « sommet » des crises aigues. Le conflit c’est les actes prémédités, exécutés selon comment chaque ivoirien perçoit les menaces qui pèsent sur sa propre liberté et contraignent les libertés collectives – Selon aussi la lecture que nous faisons de notre système judiciaire et comment celui-ci garanti les droits individuels et collectifs, protège les biens et s’inspire de la « vérité nue » au lieu des « vérités techniques » – Enfin, selon comment nous sous-pesons les risques réels qui pèsent sur l’état de notre communauté de destin et subséquemment celui de l’Etat de Côte d’Ivoire.
Notre convergence vers un état d’esprit de résistance par exemple, par opportunisme ou par intelligence idéologiquement motivée, détermine au moins un engagement de l’un des protagonistes au conflit. L’absence de guerre ou de violence généralisée ne saurait donc assimilée l’état de précarité actuel à une situation normale. A lire seulement les requêtes qui transparaissent à travers les vœux de nouvel an 2014, la division de la Cote d’Ivoire est réelle et le conflit est encore d’actualité et a assiégé nos esprits.

L’espoir pour moi est essentiel et consubstantiel à la vie et à l’existence, et les vœux de nouvel an du Chef de l’Etat a relevé une seule chose quantifiable et nouvelle pour moi ; c’était l’indice de sécurité que le Chef de L’Etat a estimé de 3,8 à 1,3. Dans un pays où la mort sévit au quotidien, l’incapacité de se soigner décemment est une préoccupation majeure – la corruption – la catégorisation systématique des ivoiriens à travers le système judiciaire – la disparité d’opportunité sur le plan du travail selon l’appartenance à une région – la peur d’une grande majorité d’ivoiriens de la diaspora à se rendre dans leur pays – l’existence de milliers d’exilés ivoiriens à travers le monde, je voudrais honnêtement en savoir plus sur les paramètres de l’indice de cette sécurité.

Bref ! Pour revenir aux motifs directeurs de ma note de cette fin d’année, je tenais simplement à dire que la résistance est née là où la disparition de l’opposition a plus ou moins été programmée. Si l’opposition systématique et protégée par l’Etat est un gage suffisant de démocratie, la résistance fut un précurseur pour réhabiliter la culture et les acquis démocratiques en Côte d’Ivoire. Il ne faut jamais oublier qu’en face d’un régime absolu qui conjugue des moyens de pouvoir, l’équilibre se construit par le nombre et l’inclusion de toutes les forces démocratiques. Sans la tolérance et le respect mutuel, l’effritement de la convergence devient une certitude et le consensus sur le modèle de Côte d’Ivoire que nous voulons vole en éclat.

Dans la confrontation des idées et des modelés restons un et indivisible.

Bonne et heureuse année aux ivoiriens et ivoiriennes

Que la recherche inlassable de la Paix et la stabilité soit notre motivation

Que Dieu nous accorde la sante tout le long de 2014

Georges Beyllignont
BA en Science de l’Investissement
Msc en Science de Police
Chercheur en Politique de Sécurité Publique

[Facebook_Comments_Widget title= » » appId= »331162078124″ href= » » numPosts= »5″ width= »470″ color= »light » code= »html5″]

Commentaires Facebook