2014: Le temps du réveil
2013 vient de s’achever avec son lot de meurtrissures, de défis amis aussi d’images fortes et d’espoir. Et la tradition nous impose que nous adressions des vœux pour la nouvelle annéeà nos proches tout comme à l’ensemble de la société dans laquelle nous vivons. Devrais-je me soumettre à la tradition ou partager mes angoisses et douleurs pour que 2014 soit vraiment l’expression de ce que je souhaite pour moi, ma maison, mes proches, mes amis, mes ennemis et enfin pour l’ensemble de la Côte d’ivoire ? J’ai été aidé, dans ma prise de décision, par des évènements et surtout par un bout de message laissé par mon ami McKoy, sur la page Facebook de notre camarade de lutte, Tibet, qui me rappela simplement que la « la malonie » fait partie de ce que nous avions appris au sein de notre mouvement estudiantin, la Fesci.
Réponse certes anodine, pleine d’humour et d’espérance car nous rappelant que notre combat avait été pour une société juste mais avait développé en nous des attitudes adaptées au contexte de cette lutte. Car la malonie, pour ceux qui ne le savent pas, est un terme inventé par l’expérience de notre combat, qui consiste à faire de la mauvaise foi totale par rapport à une circonstance pour justifier une action décidée, soit par le bureau exécutif national, soit par un individu dans le cadre de la lutte. Et puis, réflexion faite, je me suis retrouvé à décrypter notre histoire commune et celle de la Côte d’Ivoire sous l’angle des effets pervers des luttes passées pour me poser la question fondamentale de savoir si nous avions été irréprochables pour nous mettre dans la position de ceux qui critiquent ? Et l’image forte qui revînt constamment fut celle du Christ qui s’adressait à la foule hypocrite qui voulait lapider la prostituée parce que justement, à leurs yeux, elle représentait l’anathème. Pouvais-je critiquer le Président dans sa stratégie passée comme actuelle si je ne me rendais pas compte que mon leadership de la Fesci avait aussi crée des maîtres « malo » dont l’action pouvait aussi trouver une réponse dans nos actions passées ? En somme, notre lutte avait-elle permis de créer un Ivoirien Nouveau comme on le proclamait en réponse à notre refus de reconduire le label de culture que le Meeci avait produit ?
Poussant la réflexion un peu plus loin, je me demandais si la société actuelle, dans ses dérives les plus scandaleuses comme les moins visibles, n’était-elle pas le résultat des effets pervers des luttes passées ? Sinon comment pouvait-on comprendre que les Ivoiriens soient outrés quand l’équipe nationale ne performe pas à la hauteur des espérances, exigeant des jeunes le don de soi, quand eux, dans leurs fonctions au quotidien, comme père, mère ou encore employés de l’état ou du privé, ne peuvent pas affirmer faire la même? Comment une république fondée sur des valeurs morales et politiques comme la primauté de soi par rapport au collectif, du clan et de la tribu par rapport à la nation, de l’argent par rapport aux valeurs, pouvait-elle ne pas être réduite à un état voyou, une république tribaliste, une société dévergondée, bref, une nation qui n’arrivera jamais à se construire ? Accuserai-je alors le PDCI et son état policier, l’Ivoirité et son état ultranationaliste, la transition militaire et ses « jeunes gens », la refondation et son état populiste, enfin la république des républicains et son état inqualifiable à tout point de vue, sans me dire aussi que les casses des voitures, les « lacry-baoulé » à mon époque, puis les violences extrêmes contre les militants, voire « la braise » et l’assassinat de personnes, sous d’autres responsables de la Fesci, seraient des cas à ne pas évoquer? La réponse est pourtant limpide : tous sommes responsables de la création de cet homme, psychopathe sociétal, qui peut détruire, tuer sans émotion aucune tout en rejetant la responsabilité sur l’autre qui est en fait, responsable de son propre malheur que nous avons commis, à notre corps défendant. Mais en même temps, on crie vengeance à-tue tête si nous sommes la victime et on appelle au meurtre de l’autre, puisqu’il devient, du coup, celui par lequel le malheur nous a frappé. La question est donc la suivante : qui est responsable alors de quoi dans une telle société ? Personne ! Voilà pourquoi, dans cette société ivoirienne, personne ne veut assumer ses fautes et récuse la justice puisque la faute, c’est l’autre qui l’a commise et jamais nous. C’est pour cela que personne ne veut assumer ce qui s’est passé parce que cette société est dans un état de négation de ses propres réalités parce qu’elle a réussit, au long de son histoire, à créer un homme nouveau, étranger à sa propre histoire de combattant pour la liberté et d’humaniste profondément ancré dans la culture de la paix.
Parce que lorsque la Côte d’Ivoire est évoquée, dans notre mémoire collective, c’est bien l’image de peuples qui ont traversé le temps soit à la recherche de la liberté de vivre en paix, soit en capacité ultime de défendre sa liberté mais toujours optimiste par rapport à la cohabitation avec l’autre, sans jamais voir en lui une menace immédiate, constante, finale, pouvant justifier une stratégie de « containment » comme l’aurait dit nos maîtres des relations internationales. Il importe donc que notre combat ne soit pas celui de la lutte contre un individu, encore moins un régime, mais celui de produire un être qui porte en lui les valeurs historiques de nos peuples et de notre histoire. Et cette lutte nouvelle ne peut être celle des partis mais de l’ensemble de ceux qui, ayant fait leur méa culpa et considérant que toute chose faite, il s’agit désormais de se battre pour faire en sorte que l’Ivoirien de demain ne porte plus en lui les dérives du passé mais les valeurs nouvelles qui prédisposent une société au progrès et à la prospérité commune, et s’uniront, dans l’humilité et le don de soi, pour que la lutte de mille génération construise la Côte d’Ivoire. Voilà mes vœux pour cette année, celle du temps du réveil collectif, donc du commencement d’une rupture culturelle, psychologique, donc systémique et sociétale.
Dieu vous bénisse !
Martial Joseph AHIPEAUD, PhD
Président de l’Union pour le Développement et les Libertés
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