Au Liban l’irakisation en marche ? une voiture piégée fait 5 morts et 66 blessés

Un homme protégeant une petite fille blessée. Issam Kobeissi / Reuters
Un homme protégeant une petite fille blessée. Issam Kobeissi / Reuters

C’est de plus en plus un ping-pong, atroce, de la mort: finir 2013 et commencer 2014 de la même façon, dans le feu et le sang, avec des morts dans chacune des deux grandes communautés musulmanes du Liban.

Six jours après la voiture piégée qui a explosé en plein centre-ville de Beyrouth tuant six personnes, dont l’ancien ministre haririen Mohammad Chatah, un autre véhicule, chargé selon les premières informations de 20 kilos de TNT, a explosé à 16h15 heure de Beyrouth en pleine zone résidentielle de la banlieue sud, rue el-Arid à Hareit Hreik, tuant 6 personnes et en blessant 66, selon un premier bilan officiel du ministère de la Santé. Le ministre sortant de la Santé, Ali Hassan Khalil, a d’ailleurs pressé les riverains de ne pas s’agglutiner autour de la scène de l’attentat (on a au début craint une deuxième voiture piégée), avant de les exhorter à donner du sang, tous groupes confondus, dans l’ensemble des hôpitaux de la zone. Selon la chaîne de télévision Future, des éléments du Hezb ont tiré en l’air pour forcer les gens à s’éloigner. La police judiciaire a été dépêchée sur les lieux de l’attentat où opérait déjà le magistrat Sakr Sakr.
Quatre victimes ont été identifiées : Imane Hijazi, sa fille Malak Zahoui, Adnan Awali et Abbas Karnib, qui a succombé à ses blessures. La cinquième, ainsi qu’une nouvelle victime, trouvée sur place, une femme, n’ont pas été identifiées.


La saga de la voiture

Le Comité de gestion des catastrophes a immédiatement été convoqué pour une réunion urgente au Sérail, sous la présidence du Premier ministre démissionnaire Nagib Mikati.

C’est un des premiers immeubles reconstruits après l’offensive israélienne de juillet 2006 qui a le plus souffert de l’explosion. La charge était placée dans un 4×4 Grand Cherokee, immatriculé G/341580 de couleur vert olive. Selon la chaîne de télévision al-Jadeed, ce véhicule appartenait à Hala Othman, de Baalbeck, qui a indiqué l’avoir vendu à Mohammad Dib Ezzeddine de Ersal, qui l’a vendu à son tour à Sami Hojeiri. Ce dernier a également assuré l’avoir vendu depuis 7 mois à Abdel Basset Ali Ammoun, originaire de Macharii’ el-Qaa. Sauf que la MTV affirme que le dernier propriétaire en date de ce 4×4 est Rami el-Eyn, de Marjeh dans la Békaa.

Hassan Fadlallah, député du Hezbollah, a estimé qu’il était du devoir de l’État d’assurer la sécurité dans toutes les régions, notamment dans la banlieue sud de Beyrouth. « Nous pouvons contribuer à assurer la sécurité, mais cette tâche incombe d’abord à l’État. Comme l’enquête lui incombe totalement », a-t-il déclaré sur la chaîne al-Jadeed.

Débat
Des rumeurs contradictoires ont circulé à propos de la cible principale de cet attentat, qui a eu lieu non loin de l’un des domiciles du n°2 du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem : certains milieux assuraient que c’était le QG politique du Hezb qui était visé, ce que la chaîne de télévision du parti de Dieu a vite fait de démentir, précisant que le QG en question est à « 100 mètres » du lieu de l’explosion. Al-Manar a également jugé que cette explosion est « la moins puissante » de toutes celles qui ont visé la banlieue sud depuis le 9 juillet. Rappelons qu’à cette date, un attentat a été perpétré à Bir el-Abed, faisant un tué et des dizaines de blessés. Le 15 août, 27 personnes ont été tuées de la même manière à Roueiss, et le 19 novembre, un double attentat-suicide avait visé l’ambassade d’Iran à Beyrouth faisant 25 morts.
Des sources du Hezbollah ont assuré que l’attentat ne visait « que des civils innocents ».

Un débat a également été ouvert sur le point de savoir si c’était une voiture piégée ou un attentat-suicide. Le député hezbollahi Bilal Farhat a privilégié cette deuxième thèse, arguant sur la LBCI qu’il « n’est pas possible de garer une voiture à cet endroit »… Sauf qu’al-Manar avait indiqué que le 4×4 était garé en double file. Le ministre sortant de l’Intérieur, Marwan Charbel, a fait écho à la piste avancée par M. Farhat, précisant que la voiture « n’a pas été volée » – une voiture que l’armée soupçonnait d’avoir été piégée « depuis dix jours déjà ».

Voir aussi, les images de l’attentat


« Diabolique »

Les réactions ne se sont pas fait attendre.
Le président de la République, Michel Sleiman, a affirmé que « le responsable de cette attaque est le même que celui qui sème la terreur dans toutes les régions libanaises », appelant les Libanais à la solidarité et au dialogue « afin de protéger le pays des complots ».
Le Premier ministre démissionnaire, Nagib Mikati, a relevé que le terrorisme « touche désormais tous les Libanais et vise à semer la discorde entre eux », appelant lui aussi au dialogue politique. Le Premier ministre désigné Tammam Salam a appelé les Libanais « à l’unité et à la sagesse », et à faire corps autour de l’armée et des FSI.

Saad Hariri, le chef du courant du Futur et ancien Premier ministre, a qualifié de « criminel et diabolique » l’attentat de Haret Hreik. Selon lui, les habitants de la banlieue sud de Beyrouth qui sont visés par des actes terroristes depuis plusieurs mois « sont victimes de l’engagement (du Hezbollah) dans le conflit en Syrie ». M. Hariri estime que « la distanciation du Liban des conflits régionaux est essentielle pour protéger le pays de toute forme de terrorisme ». L’ancien Premier ministre Fouad Siniora, chef du bloc du Futur, a appelé « tous les Libanais à réfléchir aux moyens de sortir de ce tunnel ».
« Tous les Libanais sont visés. Personne n’est à l’abri. La seule solution est l’entente nationale », a estimé quant à lui Amine Gemayel, le chef des Kataëb, sur la LBCI. « Il est urgent de se rencontrer, de s’entendre sur un programme, de mettre un terme aux débats stériles. Nous sommes tous sur le même bateau, s’il coule nous coulerons tous avec lui », a-t-il ajouté.

« Désengager du conflit syrien »
Le chef du PSP Walid Joumblatt a exhorté à la formation d’un gouvernement « qui aurait pour mission de désengager les différentes parties libanaises du conflit syrien, a-t-il dit. La seule solution est de nous unir autour d’un même gouvernement. » Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a qualifié l’explosion « d’acte terroriste criminel », assurant que « seul le respect de la Constitution et des lois permet à l’État libanais de se redresser et à l’armée de se renforcer pour faire face aux défis actuels ». Quant au secrétaire général de l’Alliance du 14 Mars, Farès Souhaid, il a jugé sur la chaîne de télévision al-Arabiya que « les retombées de ce qui se passe en Syrie et en Irak ont atteint le Liban et c’est pour cette raison que nous avions appelé à un retrait immédiat de Syrie ».

Le chef du CPL, Michel Aoun, a affirmé pour sa part que l’attentat fait partie d’une série d’attaques visant à déstabiliser le Liban. « Tout le monde est visé », a affirmé le général Aoun, appelant les responsables politiques à calmer les tensions et « à éviter de prendre des décisions provocatrices et anticonstitutionnelles qui risqueraient d’enflammer la situation ».

Le patriarche maronite Béchara Raï a appelé « les deux camps politiques adverses à engager un dialogue immédiat et à prendre des mesures courageuses et responsables pour éviter au Liban davantage de drames et de pertes ».
« Aucun État ne peut protéger ses citoyens à 100 %. Nous sommes à la recherche de plusieurs voitures piégées, mais nous ne pouvons pas toutes les repérer », a déclaré pour sa part le ministre sortant de l’Intérieur Marwan Charbel à la LBCI. Son collègue des Affaires étrangères, Adnane Mansour, a affirmé que « tout le Liban est visé, et non une confession ou une région. Ils veulent nous mener à une confrontation confessionnelle », a-t-il dit.

Washington, Londres…
L’ambassade des États-Unis a condamné dans un tweet l’attentat « terroriste » à la voiture piégée qui a visé la banlieue sud et présenté « ses condoléances aux familles des familles ». L’ambassadeur de Grande-Bretagne, Tom Fletcher, a également tweeté sa « condamnation sans équivoque (de) l’attaque inhumaine à Beyrouth », ajoutant que « les civils libanais sont à nouveau des victimes » de la série d’attentats qui secoue le pays depuis juillet. Le coordinateur spécial de l’ONU au Liban, Derek Plumbly, a fortement condamné l’attentat, insistant sur l’importance de traîner les terroristes devant la justice et appelant toutes les parties politiques libanaises à la retenue et à l’appui aux institutions officielles.
Des condamnations très virulentes ont également été exprimées par les ministres sortants Walid Daouk (Information), Fayçal Karamé (Jeunesse et Sports), Nazem Khoury (Environnement) ; par les députés Bahia Hariri, Henri Hélou, Talal Arslane, Ali Osseirane, Nabil de Freige, Ammar Houri ; par l’ancien patron des FSI, Achraf Rifi, le mufti de la République, cheikh Mohammad Rachid Kabbani, et le chef du Mouvement de l’Indépendance, Michel Moawad.

Source: lorientlejour.com

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