L’analyse de notre ami Silver [du sondage afrobarometer] me laisse sur ma faim car elle n’attire pas l’attention sur les changements sociétaux qui ont cours en ce moment dans le pays.
La première leçon est que l’électorat du RDR est urbain et que celui qui FPI reste rural. Plus de la moitié des personnes intérrogées qui disent qu’elles voteront FPI sont dans le monde rural. Ainsi, le monde rural tourne le dos définitivement au RDR, confirmant ainsi les effets des lois sur le foncier rural.
La deuxième leçon reste l’importance des indécis et ceux qui ont été traumatisés par la crise post-électorale. En fait, près de 50% des personnes interrogées ont tourné le dos aux trois principaux partis. Voilà un facteur de changement puisque nombre d’électeurs en voient pas la solution dans les trois. Cela suppose donc une attente. Toute la question reste de savoir lesquelles? Car, dans le même temps, 91% des personnes interrogées estiment que la justice partiale est la cause de l’échec de la réconciliation. L’écrasante majorité des Ivoiriens attendent donc une réconciliation fondée sur une justice impartiale. Le fait que 42% de l’échantillon sont soit dans l’indécision(17%), soit refuseraient (12%), ou encore refusent de donner leur opinion(10%), est la preuve claire que les conditions politiques sont ici à remettre en cause. Le peuple ivoirien attends donc du Président Ouattara qu’il aille dans le sens de l’amélioration des conditions politiques générales, de la justice impartiale, de la sécurité pour tous et enfin d’un processus électoral apaisé pour 2014.
L’inauguration de portion d’autoroute, encore moins de pont à péage en pleine agglomération urbaine ou autres nouvelles à effet d’annonce ne sont pas les perspectives que les Ivoiriens attendent.
La grande question est donc de savoir comment peut-on réunir ces conditions sans une discussion inclusive de l’ensemble de la société? Ici encore, ce sondage prouve clairement que l’option du régime RDR est en porte-à-faux avec les attentes de l’ensemble de la société.
Ce sondage prouve aussi que les Ivoiriens ne veulent plus de la politique telle que pratiquée avant la crise, pour ne pas dire, depuis le retour au multipartisme. Mais la grande nouveauté reste que les Ivoiriens veulent le pluralisme puisqu’ils ont une opinion diverse et entendent donc que cette diversité soit respectée. Voilà pourquoi près de la moitié des électeurs ne savent pas quel sera le futur et n’entendent pas s’engager.
Ma conclusion est donc que la politique telle que pratiquée dans le passé doit radicalement changer pour que le peuple s’implique dans le processus politique. Mais cela reste le travail des professionnels de la politique ou de leurs conseillers. Je crois que tel devrait être la conclusion de la Fondation Moh Ibrahim. Reste à savoir si les politiciens ivoiriens, enclins à instrumentaliser les peurs et les rancœurs, entendent changer le jeu dans lequel ils tirent le maximum de profit? Je ne crois pas puisque certains veulent nous faire revenir au parti unique et pensent que cela est le futur, 23 ans et huit mois après le retour du pluralisme. Il reste donc à la société ivoirienne de comprendre que la solution n’est certainement l’actuelle, ou encore le leadership enclin naturellement au refus de la démocratie parce que entièrement issus du parti unique. Voila les perspectives et le combat de 2014-2015. Pourra t-on remporter cette bataille didactique et politique? Je reste optimiste contrairement à mon ami André Silver Konan parce que moi je suis engagé depuis 1990 et je ne me résignerai pas à continuer la lutte pour la démocratie pluraliste.
Joseph Martial Ahipeaud
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