Côte d’Ivoire – Pourquoi le FPI devrait rentrer au gouvernement [opinion]

unedu24.12.2013
Armand Gérard Obou

Libre opinion

Depuis quelques semaines des voix et non des moindres se lèvent du côté du pouvoir d’Abidjan, pour proposer publiquement au FPI d’entrer au gouvernement. A l’occasion de l’audience avec le RDR, Amadou Gon, Secrétaire Général de la Présidence de la République, donc la voix du maître, avait lancé un ballon d’essai au Président AFFI et sa délégation. Une bulle d’air qui a vite pris corps quand le Président Ouattara lui même s’en est immédiatement fait l’écho depuis la région du Bélier où il était en tournée. Depuis lors, que ce soit le Secrétaire Général par intérim du RDR ou Ahoussou Jeannot, le négociateur gouvernemental. Tous ne s’en cachent plus. Tous militent désormais ouvertement pour l’entrée des partisans du président Laurent Gbagbo au gouvernement.

Il est évident qu’un gouvernement qui depuis bientôt 3 ans, parce que ragaillardi par sa brutalité policière ne concédait pas un seul lopin de terre à son opposition, ne peut valablement opérer une telle pirouette sans raison politique valable. Le tigre d’Abidjan a forcément perdu un peu de sa Tigritude à entendre ses récentes dénégations des accusations des Nations Unies dont les experts ont mis à nu ses pratiques d’un autre âge. Cependant, l’heure n’est pas à la recherche du sexe des anges car l’objectif premier de la politique est de servir son peuple. Or, notre peuple se meurt. Nos militants croupissent dans les geôles des prisons. Nos cadres sont forcés à l’exil. Nos villages sont vidés de leur jeunesse. Nos parents n’ont plus de cadres à qui se référer au cas échéant. Nos jeunes qui ont eu plus de chance sont en exil ou au chômage parce que limogés dans le cadre de nombreux licenciements abusifs et collectifs. A l’ouest, au centre-Ouest, dans le pays Akyé, dans le sud-ouest et le Sud-est… Les régions favorables à Laurent Gbagbo sont entièrement décimées si elles ne sont sous occupation. Les autochtones font l’objet d’expropriation systématique. Nos forêts sont envahies dans nos régions par des étrangers et des dozos toujours armés et nos biens mobiliers et immobiliers en ville sont toujours occupés de force au titre du butin de guerre par des éléments des forces pro-Ouattara. Notre peuple se meurt. Si nous n’y prenons garde la composition sociologique de nos terres connaîtra une incroyable métamorphose à faire de nous et de nos enfants des exilés intérieurs. Voire des apatrides.

En pareille situation, deux solutions s’offrent à nous : Faire la guerre de libération à l’occupant ou faire la Paix des braves avec l’occupant.

Or la première hypothèse ne nous sied pas du tout. Nous n’avons ni la discrétion, ni la cruauté, ni les armes pour faire la guerre. Pire une guerre se fait avec des alliés. Reconnaissons humblement que nous n’avons pas d’alliés diplomatiques et militaires pour faire la guerre à Ouattara. D’ailleurs quand bien même nous aurions eu des alliés, nous n’avons pas les hommes au courage et à la ténacité avérée au point de vouloir prétendre au sacrifice suprême pour la patrie. Il ne nous reste donc que la seconde hypothèse: Faire la paix des Braves.

Depuis que le pouvoir a rendu publique son offre de collaboration avec l’opposition significative, le FPI prend à juste titre, le temps de la réflexion et de l’analyse politique préalable. Il est évident que la réflexion qui a cours est sûrement impactée par trois points essentiels : La libération du Président Gbagbo, le regard des militants qui pourraient assimiler l’entrée au gouvernement sans libération préalable du Président Gbagbo à une trahison et la garantie de la sécurité de nos cadres appelés aux responsabilités d’état eu égard au fait que selon le dernier rapport des experts de l’ONU adopté par le conseil de sécurité en date du 25 novembre 2013, le gouvernement Ouattara a commis des mercenaires libériens pour tenter d’assassiner les partisans du Président Gbagbo en exil au Ghana (Voir de larges extraits du rapport en encadré). D’où l’hésitation légitime des dirigeants actuels du Front Populaire Ivoirien. Face à cette situation, Il s’impose que d’autres voix plus indépendantes de la direction actuelle du parti, donnent aux militants du FPI et à l’opinion publique nationale et internationale un avis d’observateurs de la scène politique nationale.

Pourquoi faire la paix des braves avec le RDR en entrant au gouvernement en 2014 demeure la meilleure option à prendre aujourd’hui ?

Rappelons qu’à l’occasion de la réunion du Comité de Paix de l’Union Africaine tenue à Adis Abeba, le 10 Mars 2011, faisant suite à la mission du groupe de haut niveau sur la Côte d’Ivoire, composé des Présidents Mohamed Ould Abdel Aziz de Mauritanie, Jacob Zuma d’Afrique du Sud, Blaise Compaoré du Burkina Faso, Jakaya Kikwete de Tanzanie et Idriss Déby Itno du Tchad, l’Union Africaine avait décidé un arrangement politique contraignant pour les deux parties ivoiriennes, concédant la Présidence de la République à Alassane Ouattara et la Primature aux partisans de Laurent Gbagbo en application d’une solution politique d’ensemble qui permette de préserver la démocratie et la paix, et favorise une réconciliation durable entre tous les Ivoiriens. Au cours de cette réunion d’Adis Abeba, Laurent Gbagbo qui n’avait pu y participer personnellement évoquant des raisons évidentes de sécurité, a été représenté par Pascal Affi N’guessan et Alcide Djédjé. Le Président de la Commission de l’Union Africaine avait désigné l’Ambassadeur Brito du Cap Vert comme envoyé spécial à Abidjan pour conduire avec les parties ivoiriennes les arrangements pratiques nécessaires à l’exécution de ce modèle inédit de transition adoptée. Le Président Gbagbo n’avait pas rejeté formellement cette décision. Le porte-parole du Gouvernement Aké N’gbo, en l’occurrence Ahoua Don Mello en avait pris acte par déclaration publique en date du 11 mars 2011. Par contre Alassane Ouattara s’est refusé d’obtempérer à cette décision de l’UA en raison d’une suspicion légitime qui selon lui, pesait sur l’envoyé spécial de l’UA pour les relations de proximité que celui-ci semblait entretenir avec le Camp Laurent Gbagbo. Ce fut d’ailleurs, la dernière décision de l’UA qui précipitera le déclenchement effectif de la guerre par Nicholas Sarkozy. En clair n’eût été cette guerre déclenchée par la France, nous aurions eu de toutes les façons une cohabitation au pouvoir en 2011 comme ce fut le cas depuis 2003. Une cohabitation gouvernementale RHDP-Partisans de Laurent Gbagbo en 2014 ne peut donc que satisfaire la communauté Internationale car elle le serait en application des recommandations initiales de l’Union Africaine.

Par ailleurs, malgré les beaux discours chiffrés et optimistes du Président Ouattara et de son Premier Ministre la situation financière de notre pays est intenable. On le voit bien. Les infrastructures de développement comme le 3ème Pont qui sont en cours de réalisation ne sont que des BOOT (Build Own Operate Transfer) dont le financement n’a absolument rien à voir avec les finances publiques qui elles, sont réellement tendues car fortement dépendantes des appuis budgétaires extérieurs qui viennent à comptes gouttes ou ne viennent pas du tout. Au point de vouloir s’endetter au Congo et d’espérer engranger quelques 4.3 milliards de la privatisation de 15 entreprises à participation publique. Le financement de l’Université, l’échangeur de la Riviera et le reprofilage des rues à Abidjan l’ont été grâce au PUUIR qui existait avant l’avènement du Président Ouattara. En réalité les 6.000 milliards de dollars d’accord de principe de financement du PND obtenus à Paris en début d’année n’ont pas été décaissés et ne le seront jamais tant que le pouvoir ivoirien ne se conforme aux conditionnalités requises en pareille situation. Notamment, un parlement incluant l’opposition significative, des médias d’état impartiaux et libres, un gouvernement de Cohabitation ou d’Union nationale. Une justice impartiale, le désarmement effectif des ex-combattants et des supplétifs dozos qui continuent de se substituer à l’état dans une partie de ses fonctions régaliennes de sécurité…etc. Pour avoir été fonctionnaire au FMI, le Président Ouattara le sait et nous le savons tous, aucun décaissement significatif ne se fera tant que le pouvoir d’Abidjan ne se sera conformé à ces conditionnalités. Dans le même temps, il est bon de savoir que le Président Gbagbo est retenu à la Haye non pas par la seule volonté du Président Ouattara. Mais surtout par la volonté d’une partie de la Communauté Internationale qui s’est sentie défiée par un Président d’un Petit Pays d’Afrique au risque de bafouer son autorité qui du reste, est la seule garantie au maintien de l’équilibre et de la Paix dans le monde. L’on voit bien que la CPI n’a pas suffisamment de preuves contre Laurent Gbagbo mais ne le libère pas pour autant. Il est évident que la Communauté Internationale connaîtrait une dangereuse humiliation au cas où la CPI venait à libérer Laurent Gbagbo pour insuffisance de preuves comme l’exige les droits de l’accusé. Et une telle humiliation ne peut qu’affaiblir la Communauté Internationale dans son rôle indispensable de gendarme du Monde.

L’objectif de notre action militante en faveur de la libération de Laurent Gbagbo n’est absolument pas d’humilier ou d’affaiblir la communauté Internationale. Car personne n’a envie de voir un Monde sans autorité morale, un Monde sans Leadership éclairé et une Communauté Internationale affaiblie au risque de voir notre Monde s’engouffrer inéluctablement dans une troisième guerre mondiale pour laquelle les tentations sont grandes à la vue des défiances répétitives de la Corée du Nord et de la République Islamique d’Iran.

Laurent Gbagbo n’avait jamais voulu défier le Monde. Encore moins la Démocratie. Bien au contraire, il avait simplement voulu respecter la Constitution de son Pays dont le Président de la plus haute juridiction en matière électorale, l’avait proclamé Président de la République. Ne pas s’y soumettre aurait été pour son peuple une haute trahison. Pas plus ! Toute chose qui demeure le fondement de la Pratique démocratique dans le Monde. Malheureusement, Laurent Gbagbo a peu bien communiqué. Les nombreux spécialistes de la Communication du Palais, les responsables des médias d’état sous Laurent Gbagbo, sa direction de campagne d’alors et surtout son gouvernement ont eu une communication approximative. La propagande mensongère de ses adversaires a eu de loin plus d’impact sur l’opinion mondiale au point de donner de Laurent Gbagbo l’image tronquée qui lui vaut aujourd’hui de se retrouver à la Haye.

Affi cadres FPI

Mais le temps faisant son effet et la justice ne s’en référant qu’aux faits, le monde entier s’est bien rendu compte des limites de la propagande mensongère des adversaires de Laurent Gbagbo. Surtout que ceux-ci n’ont pu fournir les preuves des faits à lui imputés. L’insuffisance de preuves pour une mise en accusation dans les faits dont il est accusé est constatée par la Court. Que faire ? La logique juridique aurait voulu que Laurent Gbagbo soit libéré. Mais que faire quand c’est l’ensemble de la communauté Internationale qui avouerait ainsi avoir été abusée par la propagande des adversaires de Laurent Gbagbo ! Georges Bush avait lui aussi abusé la communauté internationale en accusant Saddam Hussein de détenir des armes de destruction massive pour justifier sa liquidation. Lorsque le Général Collin Powell qui avait conduit cette mission inédite en Irak s’en est rendu compte, il a démissionné. Mais la Communauté Internationale n’a pas pour autant rectifier le tir. Dans le jargon diplomatique de notre ordre mondial établi, un pays puissant ne baisse jamais la culotte devant un plus petit que soit. Le mieux que la Communauté Internationale puisse faire aujourd’hui est de s’aménager une porte de sortie honorable à défaut de persévérer dans l’erreur.

Ouattara a besoin des financements de la Communauté Internationale pour réaliser ses promesses de campagne électorale. En le faisant, il espère légitimement obtenir un second mandat. La Communauté Internationale flouée dans l’affaire Laurent Gbagbo a besoin de s’aménager une porte de sortie honorable. Quant à nous, partisans de Laurent Gbagbo, nous avons besoin d’obtenir la libération de Laurent Gbagbo et de redonner vie à nos parents qui se meurent dans nos régions.

En faisant la paix des braves qui se traduirait par l’entrée des partisans du Président Gbagbo au gouvernement, nous offririons ainsi une belle opportunité à Ouattara de prétexter la réconciliation nationale retrouvée en Côte d’Ivoire pour demander formellement au nom de notre pays, à la Cour Pénale Internationale, le sursis des poursuites contre le Président Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, Simone Gbagbo, Guillaume Soro…et autres. Donnant ainsi l’occasion à la communauté Internationale l’ultime opportunité de sortir la tête haute de ce bourbier ivoirien sans aucune égratignure.

De la suite à donner à l’offre de collaboration du pouvoir d’Abidjan dépend désormais le sort du Président Laurent Gbagbo et de tous ses partisans qui vivent encore la rudesse de l’exil dans le Monde. Notre objectif premier étant la libération de Laurent Gbagbo, Il nous faut donc encourager le dynamique Président AFFI à opérer le sursaut national nécessaire pour sauver notre nation en déperdition parce que exposée à un réel péril d’expropriation et à une guerre civile certaine à l’horizon des élections de 2015.

En accédant au gouvernement, les partisans du Président Gbagbo cogéreront l’état jusqu’aux prochaines élections. Exactement comme sous la transition militaire. D’ailleurs, avec le Président Ouattara nous ne sommes pas du tout loin d’une transition militaire avec son corolaire d’abus de tous genres. La présence au gouvernement devrait à coup sûr impacter positivement sur la vie de la nation. Ce ne sont pas les compétences qui manquent parmi les partisans du Président Gbagbo pour apporter une contribution significative à la gestion de l’état. Le professeur Aké N’Gbo, Dr. Ahoua Don Mello, le Colonel Alphonse Mangly, Akoun Laurent, le professeur Kata Kéké, Désiré Sylvain Dallo, Coulibaly Gervais Deplenan, Dr. Kabran Appiah, Sylvain Miaka Ourétto, Michel Kodjo, Bamba Franck Mamadou, le professeur Koudou Kessié Raymond, Justin Koné Katinan, Dr. Philippe Atté…tous ont des parcours éloquents les uns les autres. Les partisans du Président Gbagbo qui ont déjà gouverné savent mieux que quiconque que l’entrée au gouvernement confère aussi le pouvoir de nomination des membres des conseils d’administration et des équipes de direction des sociétés sous tutelle, susceptibles d’accueillir les nombreux cadres partisans de Laurent Gbagbo qui ont injustement perdu leurs emplois ces dernières années. Or ce sont les cadres qui redonneront vie aux régions favorables à l’opposition dans la perspective des prochaines batailles électorales.
Autant de raisons qui militent fortement en faveur d’une entrée au gouvernement des partisans du président Laurent Gbagbo qui devront bien se résoudre à faire le sacrifice de la nécessaire cohabitation avec leur geôlier dans l’intérêt supérieur de la nation.

Cependant, la question sécuritaire demeure la plus difficile équation à résoudre. Comment peut-on être rassuré par les propos du ministre d’état Ahmed Bakayoko s’engageant à ne procéder à aucune arrestation des partisans du Président Laurent Gbagbo dès leur retour en Côte d’Ivoire. Rappelons que selon le rapport du Conseil de sécurité de l’ONU en date du 25 novembre 2013, ce sont bien les services du ministère de l’intérieur de Côte d’Ivoire qui ont recrutés des mercenaires libériens au mois de mai 2013 pour tenter d’assassiner les partisans de Laurent Gbagbo en exil au Ghana. A présent que le pouvoir d’Abidjan invite à franchir le pas qui sauvera notre nation en acceptant d’entrer au gouvernement, au nom de l’intérêt national, l’on est en droit de se demander qui assurera la sécurité des partisans du Président Gbagbo appelés aux fonctions d’état ? Il est évident que le ministère de l’intérieur ivoirien clairement accusé par les Nations Unies de tentative d’assassinat des réfugiés en exil est décrédibilisé pour assumer cette délicate responsabilité. A moins de confier le ministère de la sécurité aux partisans du Président Gbagbo eux-mêmes. A défaut, il convient de laisser aux troupes des Nations Unies le soin d’assurer la sécurité des personnalités proches du Président Gbagbo en application de son mandat en Côte d’Ivoire.

En tout état de cause, les partisans du Président Gbagbo devraient se faire violence en acceptant de rentrer au gouvernement sous arbitrage de l’Union Africaine et des Nations Unies dans une approche de prévention de crise plus grave en Côte d’Ivoire.

Armand Gérard Obou
Ingénieur Expert en économie numérique

Ex-Cadre du BNETD abusivement licencié
vivant en exil
Observateur de la vie politique Nationale

Partisan de la libération du Président Gbagbo à défaut d’une mise en examen des coupables du Camp-Ouattara en application d’une justice équitable.
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