Des charniers font craindre un bain de sang au Soudan du Sud

AFP archives
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JUBA (Reuters) – L’Onu a annoncé mardi la découverte au Soudan du Sud d’un charnier, avec en son sein ce qui semble être les corps de 75 soldats Dinka, ce qui relance les craintes d’un nouveau cycle de violences ethniques dans le pays.

Le charnier a été découvert dans la ville de Bentiu, capitale de l’Etat de l’Unité et ville tenue par les rebelles, selon la Haut-Commissaire aux Droits de l’homme de l’Onu, Navi Pillay, qui a également fait état « d’au moins » deux autres fosses communes à Juba, la capitale du Soudan du Sud.

Le Conseil de sécurité des Nations unies doit se prononcer dans la journée sur une résolution qui prévoit une augmentation du nombre de soldats de la paix dans le pays. La Mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss), créée en juillet 2011 au moment de la création de l’Etat du Soudan du Sud, passerait ainsi de 6.800 à 11.800 hommes.

Le Soudan du Sud est le théâtre depuis plusieurs jours de violences meurtrières à caractère ethnique, entre des factions rivales de l’armée. Les premières hostilités remontent au 15 décembre et ont commencé à Juba pour s’étendre ensuite aux régions pétrolières du pays et au-delà.

Les combats opposent pour l’essentiel les factions Dinka et Nuer de l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS), nom officiel des forces armées du Soudan du Sud. Certains ont fait également état de milices et de jeunes livrés à eux-mêmes qui s’en prennent aux ethnies combattantes.

Les puissances occidentales et les pays d’Afrique de l’Est ont tenté une médiation entre le président Salva Kiir, un Dinka, et le chef des rebelles, Riek Machar, un Nuer, qui était vice-président avant son limogeage par le chef d’Etat en juillet.

Les deux hommes disent que le conflit n’est pas tribal mais politique. Il n’en reste pas moins que quelque 40.000 personnes se sont réfugiées dans les bases des soldats de l’Onu par crainte d’être pris dans des opérations d’assassinats ethniques.

Sur le réseau social Twitter, le gouvernement de Juba a nié toute responsabilité pour le charnier de Bentiu.
« Bentiu est actuellement sous le contrôle du chef rebelle Riek Machar », peut-on lire. Nous n’avions rien à avoir avec cette zone et les meurtres de masse au Sud-soudan. »

« EXTRÊMEMENT INQUIÈTE »

« Les attaques ciblées contre des civils et contre le personnel des Nations unies, telles que celles qui se sont passées à Juba et au Jonglei, pourraient constituer des crime de guerre ou des crimes contre l’humanité », a déclaré Adama Dieng, conseiller spécial Nations unies pour la prévention des génocides, dans un communiqué commun avec Jennifer Welsh, conseiller spécial des Nations unies.
Salva Kiir a annoncé mardi que l’armée gouvernementale avait repris la ville de Bor, capitale de l’Etat du Jonglei, perdue dimanche.
« Les troupes loyales au gouvernement ont pris Bor et nettoient les forces encore là, quelles qu’elles soient », a déclaré le chef de l’Etat aux journalistes à son bureau à Juba.

Riek Machar et Salva Kiir se disent ouverts au dialogue mais le chef rebelle a dit lundi qu’il ne négocierait que si ses alliés détenus étaient libérés, et le gouvernement a aussitôt rejeté cette exigence.

« Je suis extrêmement inquiète du risque de catastrophe au Soudan du Sud, à la fois pour la population et pour la région », a déclaré Catherine Ashton, la haute représentante chargée de la politique extérieure de l’Union européenne. « Une telle situation peut, et doit, être évitée. »
Dans un communiqué, Navi Pillay a appelé les deux camps à protéger les populations civiles.

La juriste sud-africaine a prévenu que les responsables politiques et militaires qui se rendraient coupables de crimes devraient rendre des comptes.
« Ces derniers jours, des exécutions extrajudiciaires massives, le ciblage d’individus sur la base de leur appartenance ethnique et des détentions arbitraires ont été attestés », a-t-elle précisé. « Nous avons découvert un charnier à Bentiu, dans l’Etat de l’Unité, et on signale au moins deux autres fosses communes à Juba. »
Navi Pillay s’est, par ailleurs, déclaré très inquiète du sort réservé aux personnes arrêtées qui sont détenues dans des lieux tenus secrets, y compris « les plusieurs centaines de civils qui auraient été arrêtés lors de perquisitions de domiciles individuels et dans plusieurs hôtels de Juba ».

Après la mise à l’arrêt des installations pétrolières dans l’Etat de l’Unité en raison des combats, la production pétrolière du pays a baissé de 45.000 barils par jour pour tomber à 200.000 bpj, d’après le ministre du Pétrole, Stephen Dhieu Dau.

Stephanie Nebehey; Jean-Loup Fiévet et Danielle Rouquié pour le service français, édité par Julien Dury
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