Propos recueillis par Ahua K. | Nord-Sud
Le Dr. Séraphin Prao, Délégué national LIDER au Système monétaire et financier, enseignant à l’université de Bouaké, a été interrogé sur ses idées pour faire redescendre la croissance dans les assiettes des populations:
Dr. Séraphin Prao : «Le gouvernement a annoncé un taux de croissance positif en 2012 et celui de 2013 doit l’être également. Or, les Ivoiriens ne sentent pas les retombées de cette croissance. Satisfaire donc les besoins de base quotidiens reste un défi majeur pour le régime Ouattara. Si les Ivoiriens ne profitent pas de cette croissance, c’est parce que la croissance n’est pas créatrice d’emplois et la vie est chère en Côte d’Ivoire. Il faudra sans doute que le régime Ouattara adopte certaines mesures visant à corriger les défauts de la gouvernance actuelle
La croissance est essentiellement adossée aux investissements publics et tirée par une entrée de ressources externes. Ces dernières proviennent des allègements de la dette, des aides reçues et de la manne des matières premières. Avec une telle croissance, on ne crée pas des emplois utiles au bien-être des populations.
C’est d’abord les emplois qui libèrent les individus, les sortent de la pauvreté. Le problème sous-jacent est la faiblesse de la transformation structurelle de notre économie. Les pays de l’Asie de l’Est ont connu une croissance rapide en reproduisant, dans un laps de temps beaucoup plus court, l’expérience des pays avancés à la suite de la révolution industrielle. Ils ont transformé leurs agriculteurs en ouvriers de fabrication, ont diversifié leurs économies et exporté une gamme de produits de plus en plus sophistiqués.
En 2014, le gouvernement doit promouvoir la politique de l’emploi. Et cela passe par une amélioration du climat des affaires et l’exhortation des entreprises étrangères exploitant les ressources minières et pétrolières à faire la sous-traitance avec les petites et moyennes entreprises (Pme) ivoiriennes. Il est connu que le secteur informel, comprenant des micro-entreprises, la production des ménages et les activités non officielles, absorbe la force de travail urbaine qui augmente et sert de filet de sécurité sociale. Or, en Côte d’Ivoire, les Pme qui représentent 80% du tissu économique national, contribuent paradoxalement à hauteur de 18% du Produit intérieur brut (Pib) et n’offrent que 23% d’emplois. Le gouvernement doit aider au dynamisme des Pme en exhortant le secteur bancaire à les financer et en payant lui-même la dette intérieure.
En 2014, le gouvernement doit également œuvrer à l’accroissement de la compétitivité des entreprises ivoiriennes en cassant les monopoles et en réduisant les charges de ces dernières. A titre de comparaison, la Tva est de 12% au Ghana, 5% au Nigeria et 18% pour la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire n’est pas compétitive par rapport au Ghana et au Nigeria car les produits sont plus chers ici que dans ces pays.
En 2014, le gouvernement devra lutter ardemment contre la corruption. Le racket continue de plus belle dans notre pays. Une étude récente estime sa valeur totale entre 200 et 290 millions de dollars EU par an (soit plus de 140 milliards fcfa) dont environ un quart provient de la circulation des marchandises et le reste du trafic passagers. Le niveau élevé de la corruption provoque le détournement d’une partie du trafic régional vers d’autres ports (tels que Lomé et Tema). Sur l’axe Abidjan-Lagos, le pot-de-vin par camion atteint en moyenne 88 dollars EU (soit 44.000 fcfa) pour 100 km sur la section ivoirienne contre 12 dollars EU, (soit 6000 fcfa), au Ghana.
En outre, plus de 40% des marchés publics sont passés de gré-à-gré. Cette pratique doit changer en 2014 pour que la concurrence soit profitable aux populations.
En 2014, il faudra que le gouvernement lutte contre la vie chère pour que la croissance profite aux populations. Les flambées des prix de l’essence, du gaz, du riz, du lait et de divers autres produits doivent être contrôlées. Il est grand temps de lever les monopoles dans les secteurs concernés afin de permettre l’investissement et par voie de conséquence la création d’emplois et la réduction du coût de la vie. Pour mieux lutter contre ce fléau, il faut poursuivre la campagne pour l’affichage des prix afin de contrôler leur évolution. Il faudra également doter la Commission de la concurrence des moyens adéquats pour la mise en œuvre de ses missions.»
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