2015 – La Côte d’Ivoire vers un scrutin frauduleux, violent et anti-démocratique

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«J’ai décidé de solliciter un second mandat pour continuer l’important travail que nous avons entamé».

C’est en ces termes que le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle à venir d’octobre 2015. Cette annonce publique a été faite, le mardi 2 juillet 2013, à M’Bengué (708 km au Nord d’Abidjan), au cours de son premier meeting dans le cadre de la visite d’Etat qu’il entreprenait dans la région des Savanes, nord de la Côte d’Ivoire. Après avoir éventé son projet quelque temps avant dans une interview à l’hebdomadaire «Jeune Afrique». Annonce prématurée, disent certains observateurs de la vie sociopolitique ivoirienne ; annonce bien à propos, soutiennent les partisans d’Alassane Ouattara ; annonce inutile parce que non- événement, affirment les adversaires du nouvel homme fort d’Abidjan. Un fait apparaît important, cette annonce de M. Ouattara n’a laissé personne indifférent.

Pour trois raisons fondamentales.

D’abord parce qu’Alassane Dramane Ouattara est le chef de l’Etat en fonction et par habitude, à travers le monde, le chef de l’Etat en fonction est généralement le dernier à annoncer sa candidature à sa propre succession. Il entretient toujours longtemps le suspense sur son éventuelle candidature. Jamais le chef de l’Etat en fonction n’est le premier à dégainer. Ensuite, cette annonce apparaît curieuse parce que Ouattara, pour motiver sa candidature, affirme qu’il va continuer «le travail important» qu’il a entamé. De quel travail parlet-il ? Puisqu’au plan socio-économique, la pauvreté s’est accrue, le panier de la ménagère est devenu un sachet, l’insécurité est galopante ; au plan politique, l’état de droit est inexistant, les droits de l’homme sont violés en toute liberté, la Justice est aux ordres, la réconciliation est un mirage… Pour la gouvernance, c’est la catastrophe avec le gré à gré devenu un mode de gestion, la corruption endémique, les scandales financiers récurrents etc. Est-ce ce tableau ignoble que M. Ouattara qualifie de « travail important » ?

Enfin, Alassane Dramane Ouattara annonce sa candidature alors que le schéma de 2010 est encore en place et s’est même dangereusement renforcé. Un schéma qui avait donné lieu à des élections présidentielles frauduleuses, violentes et non-démocratiques.

A moins de deux ans d’octobre 2015, comme en 2010, les ex-rebelles ne sont toujours pas désarmés. Les chefs de guerre qui régnaient hier sur une partie du territoire national sont aujourd’hui les maîtres de tout le pays. Les milices pro-Ouattara notamment les dozos et les « volontaires »(ces jeunes gens armés par la rébellion durant la crise postélectorale) sèment la terreur en toute impunité dans les villes, villages et hameaux. Ils s’attaquent même aux partis d’opposition au motif qu’il ne faut pas critiquer la politique de Ouattara. Les Frci, forces armées proOuattara, ne sont pas encasernées. Elles écument les localités avec les armes. Certains d’entre ces éléments sont devenus des coupeurs de route et des braqueurs. De toute évidence, comme en 2010, ces forces armées et milices proOuattara useront de violence pour empêcher un scrutin transparent en 2015. Autre réalité, la réforme en profondeur de la Commission électorale indépendante (Cei). Il faut limoger l’actuel président de la Cei, Youssouf Bakayoko, qui n’est ni impartial ni consensuel. La composition de la Cei doit être revue pour que la commission ne soit plus prise en otage par un camp comme ce fut le cas en 2010 où les pro-Ouattara y étaient nombreux. Du Rdr à la rébellion armée en passant par le Pdci, l’Udpci et le Mfa. La liste électorale est aussi une préoccupation importante à l’instar de l’épineuse question de la nationalité ivoirienne. Ces questions doivent faire l’objet d’un large consensus des acteurs politiques et sociaux impliqués dans l’organisation de la présidentielle de 2015. Aucune décision unilatérale sur tous ces points n’est susceptible de garantir la paix et des élections démocratiques, apaisées en 2015. Si rien n’est fait avant 2015 comme c’était le cas en 2010, il y a des raisons valables de craindre le pire.

Par Didier Depry
didierdepri@yahoo.f

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