Tout savoir (ou presque) sur la corruption en Côte d’Ivoire

corruption

Radio Pays-Bas Internationale par Selay Marius Kouassi, Abidjan

Depuis 2011, le gouvernement ivoirien semble prendre de vastes mesures pour mettre fin à la corruption. Sans succès pour le moment.

Dans le classement de la Fondation Mo Ibrahim sur la gouvernance africaine en 2013, la Côte d’Ivoire occupe le 44e rang sur 52. Pis, dans l’espace CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), l’administration ivoirienne occupe la 15e place sur les 16 pays concernés.

Par ailleurs, l’indice de perception de la corruption 2013 de l’ONG Transparency International présente également un tableau sombre sur le cas ivoirien : le pays se classe au 136e rang sur 177 pays classés dans le monde. Et dans l’espace UEMOA (Union économique et monétaire ouest- africain), la Côte d’Ivoire est le pays le plus corrompu selon la même étude, c’est-à-dire 8e sur 8 pays classés.

Un mal aux formes multiples
Il ne se passe pas un jour sans que la presse locale ne rapporte des faits de corruption, notamment au niveau de la passation des marchés publics. Du secteur des affaires à celui de l’éducation en passant par la santé publique, les exemples de mauvaise gouvernance, les cas d’attribution de marchés de gré à gré, et les conflits d’intérêts dans la course à l’enrichissement illicite, sont légion.

Bref, le mal se présente sous de multiples formes. Les causes, elles, sont tout aussi multiples et liées, selon plusieurs études, aux faibles salaires des agents publics (l’introduction du nouveau Salaire minimum interprofessionnel garanti, ou SMIG, de 60 000 FCFA annoncé en novembre 2013, n’est pas encore effectif), à la pauvreté d’une manière générale, à l’appât du gain facile, mais aussi et surtout à l’absence du culte du mérite et à la perte des valeurs morales.

Structures en charge de la bonne gouvernance
En matière de lutte contre la corruption, ce ne sont pourtant pas les actions qui manquent. Depuis le second semestre de l’année 2011, le gouvernement ivoirien s’est doté d’une charte d’éthique et de déontologie, qui oblige les officiels de haut rang et les représentants d’institutions à déclarer leurs intérêts et patrimoines. La Côte d’Ivoire a ratifié en octobre 2012 la Convention des Nations unies contre la corruption (CNUCC). La même année, elle a également ratifié la Convention de l’Union africaine sur la prévention de la corruption.

Au-delà des textes, la Côte d’Ivoire s’est dotée d’organes tels que l’Inspection générale d’État (IGE), le Secrétariat national à la gouvernance et au renforcement des capacités (SNGRC). Et derniers nés de cette kyrielle d’organes, le Secrétariat national chargé de la lutte contre la corruption (SNLCC) et la Haute autorité pour la bonne gouvernance, portés sur les fonts baptismaux le 20 novembre dernier.

La publicité en renfort
C’est aussi à grand renfort de publicité que le gouvernement ivoirien essaie de venir à bout du monstre appelé « corruption ». Le slogan « La corruption. Tous coupables, tous victimes » de la campagne publicitaire envahit Abidjan.

Aux affiches grand format placardées sur des panneaux géants dans presque tous les coins de rue dits stratégiques, s’ajoutent spots radio et télé diffusés en boucle toute la journée. Mais la population reste très peu optimiste sur l’effet de cette campagne, parce qu’elle ne met pas l’accent sur la répression.

En quête d’une solution durable

« Qu’est-ce que cette seule campagne publicitaire pourra bien changer, à part promouvoir la corruption elle-même ? », s’interroge Christophe Tié, 31 ans, technicien de maintenance en informatique dans une agence de la place. Pour Lucie-Carole Moussoh, 26 ans, étudiante en Master de Management et gestion des collectivités territoriales à Abidjan, « cette campagne de corruption, c’est juste l’argent du contribuable jeté par la fenêtre. »

Lucie-Carole soutient fermement, tout comme Christophe, que la répression serait la seule solution durable contre la corruption et la lutte contre la mauvaise gouvernance. Cet avis est largement partagé par Pauline Yedoh et ses amies, des coiffeuses dont l’âge est compris en 19 et 28 ans. Pauline affirme que « bien que des textes pour réprimer la corruption existent, mais rarement l’on a vu des personnes coupables de corruption être enfermées, parce que les cas de corruption se gèrent le plus souvent à l’amiable. »

Manque de collaboration de la population
De son côté, le gouvernement dénonce le manque de collaboration de la population de façon générale, ainsi que le mutisme des témoins et des victimes de la corruption. Giscard Kouassi, un cadre du Secrétariat national à la gouvernance et au renforcement des capacités, assure que depuis le mois de septembre dernier, une ordonnance signée par le chef de l’État « accorde une protection spéciale aux dénonciateurs, victimes et témoins de la corruption. »

Mais la population hésite. Peur des représailles ? Manque de confiance dans les institutions de l’État ? Des questions demeurent. Si le rapport « Doing Business 2014″ du Groupe de la Banque mondiale montre que la Côte d’Ivoire a fait un bon qualitatif en matière de réglementation du secteur des affaires, la fin de la corruption dans le pays, semble t-il, n’est pas pour demain.
[Facebook_Comments_Widget title= » » appId= »144902495576630″ href= » » numPosts= »5″ width= »470″ color= »light » code= »html5″]

Commentaires Facebook