Vous demandez mal
Marc Micael
L’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, n’a pas été qu’une parenthèse sanglante ou qu’un grand gâchis. Elle a eu aussi pour avantage de montrer l’ampleur des divergences d’opinions et de révéler le poids politique intrinsèque de chaque candidat. A ce jeu, le candidat Gbagbo, leader du FPI, arrive largement en tête. Laurent Gbagbo n’a donc pas perdu l’élection. Il a perdu la guerre. Or, la guerre tue le corps, mais elle ne tue pas l’opinion politique. La guerre n’a pas « tué » le FPI. Même si ses militants et sympathisants ont été l’objet d’une chasse systématique de la part du nouveau régime. Ce sont ces mêmes ivoiriens, dits pro-Gbagbo, ces foules immenses qui sortent massivement et spontanément au passage d’Affi N’guessan, président du FPI, lors de ses tournées à l’intérieur du pays. Ils prouvent ainsi qu’ils restent attachés aux idéaux de Laurent Gbagbo et qu’ils reprouvent le pouvoir absolu et arbitraire d’Alassane Ouattara. Pouvoir dont ils ont été et sont encore les martyrs.
La volonté acharnée d’Alassane Ouattara, à vouloir coûte que coûte effacer les traces de son adversaire politique, Laurent Gbagbo, n’a pas fait que de nombreuses victimes parmi les partisans de ce dernier. Elle a d’avantage divisé les ivoiriens. L’accalmie observée dans le pays et dont les tenants actuels du pouvoir se vantent, n’est – en réalité – que précaire. Cela est d’autant plus vrai que l’on s’accorde à dire que la réconciliation en Côte d’Ivoire est loin d’être un pari gagné d’office.
Aujourd’hui, Alassane Ouattara dit tendre la main à ses opposants. Mais cette main reste désespérément tendue. Mieux, son appel à la réconciliation nationale, semble tomber dans des oreilles de sourds. Ironie du sort. Celui qui déclara – en son temps – rendre ce pays ingouvernable, et dont la parole se matérialisa par une rébellion armée, demande aux autres de le rejoindre pour faire la paix. Alassane Ouattara et ceux qui rusèrent avec Laurent Gbagbo, l’amenant à signer accords de paix sur accords paix, à concéder au-delà même de l’imaginable, pour avoir la paix, demandent aujourd’hui au FPI et aux ivoiriens « d’embarquer dans le train de la réconciliation ». La question est : pourquoi la main tendue d’Alassane Ouattara, peine-t-elle à être saisie ? Pourquoi sa demande reste-t-elle sans suite ?
Tout simplement, parce que comme le disait Saint-Jacques à ses frères : « Vous demandez et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos passions».
Alassane Ouattara et son camp demandent aux autres de les rejoindre. Mais en vain. Non pas que ces derniers refusent la réconciliation, mais qu’il apparait trop facile de semer le désordre, de persécuter les autres pour ensuite venir exiger d’eux qu’ils se réconcilient avec vous. Que font Alassane Ouattara et les siens pour mériter qu’on les écoute ? Car recevoir, c’est d’abord donner. Qu’ont-ils donné ou, que donnent-ils, pour espérer recevoir en retour? Pas grand-chose, en tout cas. Voilà donc, pourquoi ils ne reçoivent pas. Dès lors, leur demande ne peut aboutir. Parce qu’elle est mal conçue. Ils ne reçoivent pas ou, plutôt, personne les écoute, parce qu’ils demandent mal.
Pas besoin d’être devin pour le savoir. Après avoir usé de la brutalité pour tenter de soumettre ses opposants, le régime en place, semble abandonner cette pratique moyenâgeuse dont il réalise – peut-être – les limites. Il tente, à présent, de faire les yeux doux à ses opposants pour jouir en toute quiétude des privilèges qu’offre le pouvoir d’Etat et la sensation de domination que celui-ci confère. Ils ne sont donc pas sincères dans leur démarche.
La passion étant un désir très vif, Alassane Ouattara n’a jamais caché son désir de s’asseoir dans le fauteuil présidentiel ivoirien. Fut-ce, au terme de trois mille morts. Il y est à présent. Et compte visiblement, aller jusqu’au bout de sa passion. Alassane Ouattara et son clan ne reçoivent pas, parce qu’ils ne cherchent qu’à satisfaire leurs passions.
Ils recherchent donc leurs propres intérêts au lieu de celui des ivoiriens. Ils cherchent à être servis, au lieu de servir le peuple. Or ce que veulent les ivoiriens est connu. Il s’est toujours agit de la libération des prisonniers politiques et militaires ; du retour des exilés, du dégèle des avoirs ; de la restitution des biens confisqués ; de la fin de la justice sélective, du rattrapage ethnique et de l’impunité ; de la réforme de tous les corps d’armes ; de l’instauration d’un réel climat de sécurité ; de la libération du véritable jeu démocratique…
Dès lors, Alassane Ouattara et son camp pourront tendre la main, sans attendre longtemps qu’elle soit prise. Ils pourront être sûrs de lancer des appels à l’endroit de l’opposition, pour que cette dernière les rejoigne sans trainer les pieds ou y opposer un refus.
C’est pourquoi, nous invitons – une fois de plus – nos frères au pouvoir à méditer sur ces paroles, autant qu’il leur est encore possible: « Vous demandez et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos passions ».
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