La Chronique Politique de Marc Micael
« Nelson Mandela est un modèle. Ce qu’il a réalisé en Afrique du Sud, transformer la haine en amour et faire en sorte qu’un pays totalement divisé puisse se rassembler en si peu de temps c’est une voie qui est tracée pour nous, tous les pays qui ont été en crise, la Côte d’Ivoire en fait parti, nous devons nous en inspirer ». Le «virus Mandela» aurait-il piqué Alassane Ouattara au point de tenir de tels propos, ou est-ce simplement pour faire le beau, face aux micros de la radio britannique BBC ? Toujours est-il qu’au sortir des obsèques de Nelson Mandela en Afrique du Sud et la visite d’Etat qu’il a entamé dans la région du Bélier, Alassane Ouattara s’est surpris à camper un rôle qu’on ne lui connaissait, jusqu’ici pas : celui de rassembleur : « Nos frères de l’opposition qui ne sont pas au gouvernement (…), il ne faut pas les considérer comme des opposants. Ce sont nos frères », voire un rôle de prophète : « Ils vont nous rejoindre bientôt ».
Le FPI au gouvernement d’Alassane Ouattara ? Le sujet refait surface. Une fois de plus. La récente rencontre FPI-RDR a, certainement été l’étincelle qui a rallumé la flamme. Alors que l’on croyait qu’il s’agissait lors de cette rencontre de deux points essentiels, dont « le dialogue politique » et « les états généraux de la république », projet si cher au FPI, c’est le RDR, par la voix de son secrétaire général, Amadou Soumahoro qui vend la mèche : « Nous les avons invité à cela (entrer au gouvernement, ndlr) ». Affi N’guessan, président du FPI aura beau jouer les étonnés : « Nous ne sommes pas informés (..) », rien n’y fait. La nouvelle ne cesse de courir. Si l’intransigeance du FPI (refus d’entrer au gouvernement tant que des obstacles de fond ne seront pas levés, refus de cautionner l’arbitraire…), a été jusqu’ici salvatrice pour les ivoiriens, tant elle a – quelque peu freiné – l’ardeur vengeresse du régime en place, l’empressement et l’optimisme nourris par le camp Ouattara, quant à une éventuelle volte-face du FPI et la réaction – en apparence – molle de ce dernier, suscite quelques interrogations, voire des préoccupations. D’abord, en quoi l’entrée du FPI au gouvernement règle-t-il les problèmes des ivoiriens ? Ensuite, que cachent tant d’empressements de la part du RDR et d’Alassane Ouattara à annoncer l’entrée du FPI dans leur gouvernement ?
« La politique est l’art de l’impossible », disait Henri Konan Bédié, l’auto-proclamé « vieux-jeune » président du PDCI. Sans doute, donne t-il raison à ceux qui pensent que sous nos tropiques, la politique, c’est tout simplement « de la sorcellerie ». Dès lors, les probabilités de voir le FPI dans le gouvernement de son «ennemi-juré », ne sont pas si minces que ça. Le fait est qu’en Afrique très souvent, comme le disait quelqu’un : « la politique est le plus sûr moyen d’accéder à la richesse. On vient en politique, non pas pour servir un peuple, mais pour se servir ».
Personne n’est dupe. L’appel du pied d’Alassane Ouattara au FPI, un parti dont la plupart des cadres ont leurs avoirs gelés ; un parti réduit à organiser des collectes de fonds pour renflouer ses caisses, n’est rien d’autre qu’un appel à « partager le gâteau ». Nous en sommes tous témoins. Dans ce pays, les « gouvernements d’union » ou de « large ouverture », n’ont jamais rien produit de bon pour les ivoiriens. Bien au contraire. Ils ont été des paniers à crabes où chacun venait défendre ses propres intérêts ou ceux de sa chapelle politique. Entrer au gouvernement signifiera certes pour le FPI, « caser » ses cadres et bénéficier des largesses des casses de l’Etat, pour autant, cet acte pourra-t-il résoudre les problèmes que vivent actuellement les ivoiriens, meurtris par les effets de la guerre post-électorale ? Entrer au gouvernement, n’est-ce pas de facto, se mettre sous l’autorité d’Alassane Ouattara que l’on sait peu enclin à aborder et résoudre courageusement les problèmes de fond qui minent ce pays, la Côte d’Ivoire ? Que peut faire un ministre dans cette « démocratie » du tout-puissant Ouattara, sinon ne recevoir ses ordres et ne rendre compte qu’à ce dernier ? Dès lors, le FPI ne saurait être en position de force pour revendiquer quoi que ce soit. Ce serait d’autre part, il faut se l’avouer, perçu comme un acte de trahison par les ivoiriens qui ont perdu la vie ou qui ont souffert et continuent de souffrir le martyr à cause de leur proximité supposée ou avéré avec ce parti politique.
Ensuite, que cachent tant d’agitations de la part du RDR et d’Alassane Ouattara ? Jouer les margouillats qui s’infiltrent dans un mur fissuré. Tout simplement. Ne les a-ton pas surpris, ces derniers temps, à parler de divisions ou de succession de Laurent Gbagbo au sein du FPI ? L’objectif serait de profiter de cette – supposée – division pour affaiblir d’avantage le FPI, parti d’opposition de plus en plus gênant. Enfin, trouver un bouc émissaire à un éventuel échec de leur mentor : faire du FPI, le complice de leurs déboires, de la corruption et de l’impunité qui gangrènent le pays et qu’ils ont contribué à amplifier.
Ainsi donc, que le FPI ne s’y trompe pas. « Qui s’assemblent, se ressemblent », dit l’adage. Les ivoiriens ne feront aucune difficulté à les rendre coupables des crimes du régime en place, si jamais il leur venait à l’idée de pactiser avec un Alassane Ouattara décidé à aller jusqu’au bout de sa logique de dictature, de justice sélective, d’impunité… Certes le FPI peut apporter sa contribution à la construction de la démocratie de la Côte d’Ivoire. Mais en s’accordant – si possible – sur une feuille de route, sur le modèle d’« un pouvoir exécutif qui l’applique et d’une opposition qui veille au grain », au nom du peuple souverain de Côte d’Ivoire.
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