Sam La Touch D
A l’heure où la France entend renforcer ses troupes armées en Centrafrique pour faire cesser les exactions, il est bon de connaître la manière dont ce même pays a aidé la Séléka à parvenir au pouvoir et à installer ses leaders politiques. Voici quelques éléments qui montrent la complicité directe et indirecte de la France dans le coup d’état mené en Centrafrique.
1. Alors que les accords de paix de Libreville imposés par la CEEAO signés à Libreville le 11 janvier avaient débouché sur la formation d’un gouvernement d’union nationale composé du camp Bozizé, de l’opposition et de la rébellion, la Séléka a violé cet accord et décidé de faire tomber le dictateur françafricain Bozizé. La volonté affichée de François Hollande de ne pas intervenir aura constitué un feu orange pour la Séléka pour se lancer à l’assaut de la capitale.
2. La France n’a pas respecté les engagements et les accords de coopération militaire entre l’Etat français et le Centrafrique.
3. L’Etat français a toujours soutenu Idriss Déby, allié indéfectible des forces françaises au Mali et en Afrique et surtout principal parrain de la rébellion de la Séléka constituée de soldats tchadiens, de rebelles soudanais pro-Déby et de djihadistes libyens et maliens.
4. Lors de l’arrivée des rebelles de la Séléka dans Bangui, les soldats français ont tiré sur les forces de paix de la Fomac :
« Face à l’offensive de la Séléka, la France reste passive, se contentant de protéger l’aéroport et ce, aussi bien lors de la première que de la deuxième offensive. Lors de celle-ci l’armée française, déployée dans le cadre de l’opération BOALI visant à soutenir les troupes de la Force Multinationale d’Afrique Centrale (Fomac), s’est principalement illustrée en ouvrant le feu sur des véhicules tentant d’accéder à l’aéroport, tuant deux Indiens, en blessant cinq autres ainsi que quatre policiers tchadiens de… la Fomac !Cette « inaction » est une sorte d’adoubement de la rébellion. Trop occupée par sa guerre au Mali, la France néglige pour un temps la situation centrafricaine. Pour un temps seulement, car il est impensable que la France relâche sa mainmise sur cet Etat d’Afrique centrale dans lequel elle fait la pluie et le beau temps depuis son « indépendance ». » (Centrafrique : retour sur la non intervention française (BdA) )
5. Lors de l’arrivée du nouveau dictateur Djotodia soutenu par le Tchad et la France, François Hollande a renforcé son contingent militaire français à Bangui et des conseillers militaires français ont été vus auprès du nouvel homme fort de Paris en Centrafrique :
« Plus de 500 soldats français sont déployés à Bangui, en République Centrafricaine, pour soutenir le nouveau régime dirigé par Michel Djotodia, chef de la coalition rebelle Séléka qui a évincé dernièrement le président de la RCA, François Bozizé. Djotodia a annoncé vouloir dissoudre le parlement et suspendre la constitution de 2004. « Nous nous engageons à conduire désormais la destinée du peuple centrafricain pendant cette période de transition consensuelle de trois ans… Pendant cette période de transition qui nous conduira à des élections libres, crédibles et transparentes, je vais légiférer par ordonnances, » a-t-il dit. Djotodia a déjà annoncé vouloir revoir les contrats miniers et pétroliers conclus entre la RCA et la Chine et signés par le gouvernement Bozizé, pour voir « si les choses ont été mal faites et essayer d’y mettre de l’ordre. » De plus, Djotodia a déclaré qu’il inviterait en RCA la France, son ancienne puissance coloniale, aux côtés des Etats-Unis, afin de former à nouveau l’armée officielle qui a été vaincue par la Séléka le week-end dernier… » (WSWS Les dirigeants pro-français du coup d’Etat en Centrafrique jettent au rebut les accords pétroliers avec la Chine.).
» Dans une correspondance à nous adressée, hier, un homme se présentant comme un officiel centrafricain qui a requis l’anonymat a soutenu qu’en réalité, ce sont les soldats tchadiens venus dans le cadre des accords signés à Libreville qui ont mené de main de maître l’attaque contre le régime Bozizé. Il explique que ces derniers sont arrivés, très tôt le matin, à Bangui, pour lancer l’offensive. En réalité, la rébellion de la Séléka n’a fait qu’endosser le coup d’Etat. En toile de fond de cet engagement du Tchad, le partage du pétrole centrafricain.
«La France a offert notre pays à Idriss Deby (le président tchadien) en contrepartie de son engagement au Mali… Le Premier ministre sortant devrait être reconduit. L’enjeu, c’est le partage du pétrole du bloc A découvert à la frontière avec le Tchad, convoité par les Français et les Tchadiens, mais promis aux Chinois par Bozizé. Les rebelles sont venus par la même route du nord que Bozizé il y a 10 ans aidé par la France et le Tchad. Les populations sont désabusées en regardant ces gens jouer avec leur avenir», dira-t-il. Notre informateur a souligné que tous les magasins ont été pillés dans la capitale, à l’exception des entreprises françaises. Certains points de ces informations concordent bien avec les comptes rendus des envoyés spéciaux des différents média présents sur place qui ont parlé de combats très violents à Bangui. On le sait, 13 soldats sud-africains ont été tués dans les affrontements. La rébellion armée a donc dû bénéficier du coup de pouce des soldats tchadiens qui, comme on le sait, sont rompus aux combats. »
(Les révélations d’un officier centrafricain sur le putsch contre Bozizé: Des soldats français y étaient avec les rebelles de la Séléka)
6. Des mercenaires français sont venus prêter mains fortes au nouveau dictateur Djotodia ainsi que des hommes issus des réseaux françafricains.
» Autre figure emblématique, Jean-Christophe Mitterrand, condamné dans l’affaire de l’Angolagate, venu le 17 juillet pour proposer ses services en matière de sécurité (JA, 25/07). Une vingtaine de mercenaires français l’ont précédé, emmenés par Jérôme Gomboc, un ancien du 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (3e RPIMa) assureront désormais la sécurité du président Djotodia (JA, 17/07). Un classique en Centrafrique : Bozizé était déjà conseillé sur les questions militaires par la société EHC [2], enregistrée dans un paradis fiscal, le Delaware (EtatsUnis), et dirigée par le général français JeanPierre Perez (qui avait déjà servi au même poste… pour le compte du Ministère des Affaires Etrangères). A Bangui, les opérations du groupe étaient sous la conduite de Francis Fauchard, un ancien commando-marine, connu pour avoir été le patron de l’unité de protection rapprochée du Président Omar Bongo à la Garde Républicaine gabonaise. Un changement de régime ne change pas les habitudes. » (Centrafrique : retour sur la non intervention française (BdA) ).
« Organisé dans la foulée du sommet de la Cemac, le New York Forum Africa a permis à son initiateur Richard Attias de lancer une opération de charme envers plusieurs chefs d’Etat, dont le putschiste centrafricain. (…) » (LDC)
« Bien qu’il sente le soufre, Michel Djotodia a su s’attirer les bonnes grâces hexagonales dans le domaine stratégique de la sécurité.
Intégrer ses informations permet de nuancer le discours racialiste et raciste des médias français sur la situation en Centrafrique où la France est pour beaucoup dans le chaos qui règne actuellement dans ce pays. Un sujet malheureusement forclos du paysage audiovisuel et médiatique français.
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