Venance Konan – Fratmat
Notre ami Paulin Djité nous a proposé un texte que nous publions dans nos pages « Débats et opinions ». Ce texte, nous le trouvons très intéressant en ce qu’il provoque le débat nécessaire, ce débat qui nourrit la démocratie. Paulin Djité écrit ceci : « Les opposants sortis de prison devraient-ils se retirer dans le silence apeuré de leur village lointain et rester cois ? C’est, en tout cas, ce que l’on serait tenté de penser, à la lecture de certaines opinions publiées dans la presse depuis quelque temps. Qu’est-ce qui justifie cette fébrilité grandissante ? ».
À ces questions, nous sommes tenté de lui demander : quelle institution de l’Etat a dénié aux opposants le droit de s’exprimer ? Des personnes s’offusquent dans la presse de certains propos tenus par des opposants, n’est-ce pas aussi leur droit, tout comme l’opposition a le droit de dire ce qu’elle veut ? Plus loin, M. Djité écrit encore : « Dans une vraie démocratie, l’opposition a le droit de critiquer, de contrôler et de faire des propositions dans chacun des domaines de la vie nationale. Elle a aussi droit à un statut reconnu et respecté par le parti au pouvoir, le droit d’accéder aux informations concernant la vie politique, le droit d’être traitée de manière équitable, le droit de représentation au sein des organes étatiques conformément aux dispositions de la loi. » A tout cela, nous répondons qu’à notre connaissance, aucune institution de l’Etat n’a dénié à l’opposition ivoirienne tous ces droits qu’il a énumérés. Mais peut-on obliger un parti politique à se faire représenter dans des organes étatiques lorsqu’il ne le veut pas ? Le Fpi (Front populaire ivoirien), que l’on considère comme le parti d’opposition le plus significatif, a refusé de participer à toutes les élections qui ont eu lieu depuis l’avènement du Président Ouattara, élections qui permettent d’être représenté dans les organes étatiques. Que devait faire le pouvoir ? Le Fpi avait, à l’époque, exigé un certain nombre de choses. Dans une vraie démocratie, le pouvoir est-il tenu de céder à toutes les exigences de l’opposition ? Ce parti réclamait, entre autres, la libération de ses leaders en détention, le retour de ceux qui étaient en exil et le déblocage de leurs avoirs. Nous oublions un peu trop facilement d’où nous venons et ce qui s’est passé après la présidentielle de 2010. Nous oublions que le Fpi avait refusé de reconnaître le résultat de cette élection que le monde entier avait observée et validée. Comment peut-on prétendre avoir raison contre le monde entier ? Nous oublions que cette situation nous a conduits dans une guerre qui a coûté la vie à au moins trois mille de nos compatriotes et d’étrangers vivant sur notre sol. Doit-on oublier Yves Lambelin et ses compagnons d’infortune ? Doit-on oublier le colonel Dosso ? Doit-on oublier les femmes d’Abobo ? Notre intention n’est nullement de retourner le couteau dans la plaie, en cette période où nous réclamons la réconciliation. Mais parfois, il faut laisser du temps au temps. Et c’est ce qui s’est passé. Le temps de la libération des leaders du Fpi a fini par arriver. Affi N’Guessan et ses compagnons ont été libérés et s’expriment librement dans tout le pays. Le temps du retour des exilés a aussi fini par arriver, encore que personne n’empêchait ceux qui n’avaient rien à se reprocher de revenir au pays. Oui, on nous rétorquera que l’on applique la justice des vainqueurs. Nous répondrons que la justice a toujours été celle des vainqueurs. Mais le vainqueur peut pardonner et renoncer à appliquer sa justice, dans un souci d’apaisement et de réconciliation. Et c’est bien ce à quoi nous assistons avec la libération d’Affi N’Guessan et ses compagnons.
Mais le fond du problème, à notre avis, est celui-ci : le Fpi refuse de reconnaître le pouvoir de M. Ouattara. Il refuse de reconnaître que M. Gbagbo a perdu l’élection en 2010 et qu’il est donc le responsable de ce qui a suivi. Dans une démocratie, avant que l’opposition n’exige des droits, il nous semble que son premier devoir est de reconnaître le pouvoir en place. Nous n’allons pas chercher querelle au Fpi pour sa position. Tant que certains de ses membres ou proches ne s’emploient pas à renverser ce pouvoir par des moyens illégitimes. Ce que nous recherchons tous, c’est de renouer le fil qui unissait tous les fils de ce pays, afin que nous travaillions à sa reconstruction et à l’enracinement de notre démocratie. Nous n’allons pas reprendre la présidentielle de 2010, quoi qu’en dise ou pense l’opposition. Alors ? Alors, avançons. Que l’opposition et le pouvoir avancent ensemble, pour le bonheur des enfants de ce pays. Dans deux ans, nous irons à une nouvelle élection et aucun Ivoirien ou étranger n’a envie de revivre ce qui s’est passé en 2010. Travaillons à cela. Notre démocratie sera vraie et notre opposition aura tous ses droits lorsqu’elle aura décidé de participer à la vie de la nation.
Venance Konan
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