Un an après la destruction de leur village, les rastas d’Abidjan réclament « justice »

Reuters/Luc Gnago/Files
Reuters/Luc Gnago/Files

Par Serge Alain KOFFI alerte-info.net

Les “Rasta’’ d’Abidjan ne démordent pas. Un an après la destruction sur fond d’imbroglio juridique de leur célèbre village situé en bordure de mer dans la commune de Port-bouet, ils continuent de réclamer “justice et vérité’’ pour un “recasement’’.
Village rasta

Principal point de ralliement des férus de la musique Reggae à Abidjan depuis sa création en 1996, le village rasta était devenu un espace culturel dont la renommée est allée au-delà des frontières ivoiriennes. De célèbres chanteurs de reggae comme Alpha Blondy et Tiken Jah Fakoly y ont même presté.

En juillet 2012, le village a été, au grand dam de ses habitants, complètement rasé sur instruction d’un opérateur économique libanais. Ce dernier, propriétaire du site, entendait lancer un projet immobilier.

Mais depuis, le site reste inexploité après le passage des bulldozers. L’ambiance d’il y a un an tranche d’avec le calme plat qui règne désormais à l’approche de cet autrefois haut lieu de la consommation autorisée de la drogue. Un silence qui est déchiré à intervalles réguliers par les bruits des vagues de la mer qui échouent sur la plage.

A l’extérieur, autour de la clôture encore debout de l’enceinte, quelques rastas restés sur les lieux tiennent des boutiques de vente d’objets d’arts.

A l’intérieur, plus rien n’a résisté aux bulldozers. Les gravats qui jonchent la vaste cour, portent éloquemment témoignage de leur passage. Les nombreux cocotiers peints aux couleurs (rouge-jaune-vert) du rastafari et les dessins sur la clôture de personnalités icônes du mouvement comme Hailé Sélassié, renseignent encore sur l’identité des anciens maîtres des lieux.

Le projet immobilier annoncé et pour lequel le village a été rasé n’a visiblement pas encore démarré. En attendant la construction des premières maisons, les ordures et les herbes tentent d’envahir la cour au milieu de laquelle trône encore le podium partiellement détruit, érigé pour les prestations artistiques.

Un grand bonnet sur la tête pour contenir ses dreadlocks, les yeux masqués par des lunettes fumées, barbes et moustaches fournies, Le secrétaire général du comité de gestion du village, Florent Bah dit “Kokoshenco’’ ne comprend pas toujours pas, un an après, les raisons de leur déguerpissement manu militari.

“Ils ont préféré le vide à la culture. Nous avons été chassés mais rien n’a été mis à notre place si ce n’est que du vent. C’est du gâchis’’, se plaint-il avant de plaider pour un recasement de ses compagnons et lui.

Il y a un an, près de cent trente deux familles rasta vivaient dans ce village. Aujourd’hui, il n’en reste qu’une quarantaine qui vive disséminer dans des baraques autour du site.

“Même si on ne veut pas de nous ici, il faudrait qu’on nous recase pour continuer à travailler. Que le président de la République s’intéresse à notre cas en rétablissant notre intégrité, en nous réinstallant’’

En attendant un hypothétique recasement sur le site, les rastas ont décidé de saisir la justice pour obtenir réparation. Le litige foncier qui les oppose au promoteur du projet immobilier est pendant devant les juridictions.

“Ce que nous voulons c’est la justice. Même s’il faut vivre pauvrement, nous l’acceptons mais dans la justice et la vérité. Nous avons soif de justice et de vérité’’, affirme Kokoshenko.

Sensibles à leurs difficultés, les artistes ivoiriens rasta vivant en France ont décidé de venir en aide à travers un concert caritatif le 27 novembre à Paris. Des chanteurs connus et moins connus comme I Jah Man Levi, Soul Metro, Agana, The Banyans, Baron Black, Joseph Mësëgana, Kayamanga, Romy K sont annoncés.

SKO

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