La Chronique de Marc Micael
C’est une réalité manifeste et indubitable. En Côte d’Ivoire, plus d’une décennie de crises socio-politiques ont laissé de profondes et douloureuses plaies au sein de la société ivoirienne. Si bien que les démons de la haine, de la division et de l’anarchie, ont fini par s’y installer durablement. On peut donc affirmer, sans risque de se tromper : la Côte d’Ivoire est malade. Elle souffre terriblement. Et avec elle, les ivoiriens.
Pourtant, ce pays avait un destin si glorieux. Nombreux sont ceux qui qualifiaient la Côte d’Ivoire de : «vitrine de l’Afrique de l’ouest» ; D’autres disaient même d’elle, qu’elle est « bénie de Dieu ». Aujourd’hui, certains observateurs – à juste titre – parlent d’elle comme « d’un rêve brisé, d’une histoire déroutée, d’un destin profané (…) transformé en un espace de la haine triomphante et du sectarisme décomplexé, assumé, si étouffant qui réduit la nation à la tribu, sinon au clan du président (…) corrompu et décadent ». En un mot, un pays où courent tous les dangers, un Etat dont le sort ne peut que susciter de légitimes inquiétudes.
Ainsi, savoir comment guérir du mal pernicieux qui la ronge ; comment en est-elle arrivée là ; comment se sortir définitivement du cycle infernal de violences qui l’attire irrémédiablement vers le bas, deviennent – pour la Côte d’Ivoire – des questions essentielles, et leurs résolutions, une quête vitale….
Quand, 3000 morts après, surgit – à la tête de ce pays – monsieur Alassane Ouattara, déterminé, semble t-il, par un seul et unique objectif : devenir, à la suite d’Houphouët Boigny, le second et « grand bâtisseur » de la Côte d’Ivoire post-coloniale et, aux dires de ses patentés flagorneurs, l’«économiste hors pair, doté d’une expérience inouïe en matière de gouvernance ». Lui et son camp, ne s’en cachent d’ailleurs pas : « Du nord au sud, notre pays est en chantier. Routes, ponts, barrages, châteaux d’eau, mines, pétrole, tous les secteurs sont en mouvement. Le bruissement des moteurs des engins roulants montre, à l’envi, que quelque chose de positif se passe dans le pays. (…) La Côte d’Ivoire bouge. Les gros chantiers de développement fleurissent, les investisseurs affluents… », assènent-ils, dans un triomphalisme béat, à qui veut l’entendre. Sur la question de la réconciliation, Venance Konan, la nouvelle plume de service d’Alassane Ouattara, écrit sans détours: « La paix et la réconciliation viendront toutes seules, lorsque l’activité économique aura repris ». En d’autres, termes, grâce à un simple redémarrage économique, Alassane Ouattara réussirait à faire oublier aux ivoiriens toutes leurs rancœurs et à effacer leurs douleurs.
Certes, renouer avec la croissance économique, ouvrir ça et là des chantiers, est à saluer. Et même à encourager. Mais cela ne saurait suffire, pour un pays comme la Côte d’Ivoire ; cela ne saurait suffire à la sortir des griffes du chaos dans lesquelles elle se trouve emprisonnée. Cela ne saurait suffire pour une Côte d’Ivoire qui a fini par s’enfoncer gravement, en l’espace du règne d’Alassane Ouattara, vers un Etat de non-droit, où règnent en maîtres absolus, l’impunité et la corruption. C’est donc faire fausse route que de croire que, se jeter désespérément dans l’entreprise de chantiers, avoir une économie, au demeurant, extravertie, et dépendante ; réaliser une croissance, qui s’avère, finalement appauvrissante, c’est bâtir une Nation.
Car c’est de cela qu’il s’agit. La Côte d’Ivoire, aujourd’hui profondément divisée, a besoin d’être une véritable Nation, au sens réel du terme. Une Nation fondée sur les valeurs de la démocratie et de l’Etat de Droit ; une Nation réconciliée avec elle-même, avec les valeurs et principes démocratiques. Voilà ce qui lui garantira la paix, la stabilité, la cohésion dont elle a tant besoin pour poursuivre ses chantiers et sa croissance économique. Il ne s’agit pas de faire « bouger » les choses pour donner une impression de développement. Il ne s’agit pas d’entreprendre des projets, tout en caressant le secret espoir de clouer le bec à ses adversaires politiques, tout en oubliant l’essentiel, c’est-à-dire le peuple de Côte d’Ivoire ; il ne s’agit pas de se lancer dans des projets qui ne reposent, en réalité, sur rien du tout, sinon, sur rien de solide ; il ne s’agit pas de bâtir un château de cartes.
Ce n’est donc pas avoir une simple vue de l’esprit, ni jouer aux oiseaux de mauvaise augure que d’affirmer que la Côte d’Ivoire, sous Alassane Ouattara, est loin d’être sortie de l’auberge. D’ailleurs, il urge d’alerter l’opinion sur le péril qui la continue de guetter ce pays, malgré la fanfaronnade du camp Ouattara à travers ses nombreux chantiers et ses chiffres de croissance inopérants. Car à bâtir un château de cartes, c’est rechercher une vaine gloire, sinon, être proclamé, au final, monarque et bâtisseur d’un Etat hypothétiquement émergent ; c’est, comme le disait l’autre : «ne pas être au rendez-vous de l’histoire». Aussi, Alassane Ouattara et son camp gagneraient-ils à ne pas confondre, bâtir une Côte d’Ivoire réellement émergente à l’horizon 2020 et bâtir un château de cartes qui s’écroulera au moindre petit vent.
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