Côte d’Ivoire – Agneby (Tiassa) il faut que ces menaces cessent…

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La Chronique Politique de Marc Micael

Six attaques en 14 mois. C’est l’inquiétant bilan des attaques des positions des Frci, survenues dans la région de l’Agneby-Tiassa. Région dont la ville d’Agboville est le chef-lieu.

Alors que l’on s’interroge et attend les preuves sur la véritable identité des assaillants et leurs motivations réelles, le régime en place, comme à son habitude, accuse d’emblée et étale ainsi son manque de sagesse et de maturité, mais aussi sa fébrilité, en proférant des menaces à l’endroit des pauvres populations civiles, notamment des populations autochtones de la région de l’Agneby-Tiassa. Certes, une région qui a la réputation d’être l’un des bastions du FPI, parti de Laurent Gbagbo, principal parti d’opposition.

« Il faut que ces attaques cessent. Si elles ne cessent pas, l’Etat sera obligé d’adopter une posture militaire ». C’est la mise en garde sévère lancée aux populations autochtones de L’Agneby par Koffi Koffi Paul, ministre auprès d’Alassane Ouattara chargé de la défense. Il était accompagné, pour ce faire, d’une multitude d’hommes armés jusqu’aux dents : « Une trentaine d’éléments des forces spéciales et d’une vingtaine d’autres de la brigade de sécurité de la gendarmerie », rapporte-t-on. A ses propos, il a, sans détours, ajouté aux parents de l’Agneby: « Ce sont vos fils ». Certainement, l’individu qui aurait été blessé par balle, brandi par les officines pro-Ouattara comme étant un fils de la région et faisant partie des « assaillants », est à la base d’une telle affirmation.

En des termes plus clairs, le ministre d’Alassane Ouattara accuse les populations civiles de la région, de complicité active avec les prétendus assaillants. L’envoyé d’Alassane Ouattara va aussi plus loin, en menaçant de représailles des populations encore visiblement traumatisées par la guerre post-électorale ; des populations qui ont toujours en mémoire le douloureux chapitre des horreurs de la crise post-électorale. Accuser ainsi, sans preuves et menacer vertement des ivoiriens, alors que pour ces derniers, fomenter des attaques reste le dernier des soucis, car préoccupés qu’ils sont à sortir du gouffre de la pauvreté et de la misère dont ils attendent, en vain, qu’Alassane Ouattara vienne les sortir, est un acte immature et complètement en deçà de ce que l’on peut espérer d’un régime responsable.

Il faut tout de même noter que la colère du régime d’Abidjan n’est pas fortuite. Elle tire sa source de son agacement à constater, une fois de plus, le refus tacite des populations à collaborer avec les Frci, voire à les accepter sur leurs terres. Ce qui, du coup, soulève une question qui mérite d’être posée : N’y a-t-il pas, en réalité, une crise de confiance entre les populations et les Frci, une armée dont l’ossature est à 90% composée de la rébellion venue du nord? Les populations sont-elles disposées à collaborer avec les Frci, après la triste manière dont ceux-ci et leurs supplétifs, les Dozos, se sont et continuent de s’illustrer, à travers tout le pays ?

Les Frci, une armée à la triste réputation

Les ivoiriens en sont conscients. La crise post-électorale a permis aux Forces Nouvelles, la rébellion venue du nord, de s’illustrer dans des actes les plus ignobles en semant douleur et désolation sur leurs passages. Le 11 avril ouvre une ère de violations massives des Droits de l’Homme par ces derniers : « Détentions arbitraires, tortures à l’électricité, brûlures au plastique fondu, sévices sexuels, lieux de détentions non reconnus comme tels, disparitions, enlèvements, rançonnage, exécutions extrajudiciaires, volonté de représailles et de vengeance… ». C’est ainsi que les nombreux rapports des ONG des Droits de l’Homme dépeignent l’armée de Ouattara.
Il est manifeste que les populations restent encore sous le choc de telles barbaries. C’est donc à raison qu’elles considèrent cette armée comme un agrégat de rebelles sans foi, ni loi. C’est aussi fort de tout cela que les Frci, tristement célèbres, rappellent de profonds traumatismes aux populations, notamment celles situées dans les ex-zones gouvernementales.

Les Frci, un melting-pot exécrable

De la rébellion qui porta le glaive à la mère-patrie en septembre 2002, qui occupa de fait la moitié nord du pays, la pilla, qui massacra tout sur son passage, aujourd’hui aux Frci, il n’y a qu’un pas. Alassane Ouattara, en instituant les Frci, ne faisait rien d’autre que faire du groupe de rebelles connu sous le nom de Forces Nouvelles, l’armée de Côte d’Ivoire. Dès lors, les ivoiriens assistèrent, ahuris et meurtris, à la dénaturation, disons à la « dioulaïsation » de leur armée nationale, tombée en désuétude. Dès lors, cette armée perdra de l’estime auprès des populations qu’elle a plus martyrisée que protégée. L’armée devient ainsi sous Ouattara, un fourre-tout, un melting-pot, sans aucun critère scientifique de sélection. Des illettrés notoires, aux handicapés physiques, en passant par les bandits de grand chemin et les Dozos (chasseurs traditionnels), tout y est. Ceux qu’on appelait naguère les FDS (forces de défense et de sécurité), ont été complètement « noyés » dans cette mixture infecte, réduits à jouer les seconds rôles.

Pour une armée qui terrifie plus qu’elle ne rassure, les populations ne peuvent avoir qu’un reflexe légitime de rejet. Les Frci, l’armée créée par Alassane Ouattara est rejetée par une large frange de la population ivoirienne. Voilà toute la vérité. L’attitude des populations de l’Agneby-Tiassa, n’est que le reflet de ce sentiment généralement partagé par l’ensemble des ivoiriens.

Comme on peut le constater, tant que cette armée continuera d’être ce qu’elle est aujourd’hui, c’est-à-dire une armée clanique et barbare, à la solde d’une seule « élite » politique et d’un groupe ethnique et religieux, la question de la réconciliation entre la population ivoirienne et son armée qui passe nécessairement par le processus de Réforme de cette armée, tant réclamé et souhaité, sera plus que jamais d’actualité. Le régime Ouattara, gagnerait à se saisir de la question et cesser de menacer, sans vergogne, les pauvres populations qui souffrent déjà trop des effets de la crise.

Mais, Alassane Ouattara, cet homme qui a déjà échoué à réconcilier les ivoiriens, peut-il réussir à réconcilier le peuple et l’armée, quand l’on sait qu’il a toujours fermé les yeux sur les crimes de ceux qui restent ses meilleurs gages pour demeurer au pouvoir ?

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