Mali: les journalistes «n’étaient pas des têtes brûlées»
François Hollande a tenu une réunion de crise, dimanche matin, à l’Élysée au lendemain de l’assassinat de deux journalistes de Radio France Internationale, Claude Verlon et Ghislaine Dupont, enlevés et tués dans le Nord du Mali. Les ministres des Affaires étrangères et de la Justice, Laurent Fabius et Christiane Taubira, sont arrivés peu avant 9h30 au palais présidentiel pour participer cette réunion. Ils ont examiné pendant une heure les suites judiciaires à donner à ces assassinats et fait le point sur la force Serval au Mali. Christiane Taubira, et le directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), Bernard Bajolet, sont sortis de l’Elysée sans faire aucune déclaration. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, est resté à l’Élysée.
Ouverture d’une enquête
La ministre de la Justice était présente car le parquet de Paris a ouvert une enquête pour faits d’enlèvement et de séquestration suivis de meurtres en lien avec une entreprise terroriste. L’enquête a été confiée à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et à la sous-direction antiterroriste (SDAT).
Samedi, à l’issue d’un entretien téléphonique entre François Hollande et son homologue malien Ibrahim Boubacar Keïta, les deux chefs d’État avaient «marqué leur volonté de poursuivre sans relâche la lutte contre les groupes terroristes qui restent présents au Nord du Mali», avait indiqué l’Élysée. «Les meurtres odieux commis à Kidal ne peuvent que renforcer la détermination des deux États à poursuivre et à remporter ce combat commun contre le terrorisme», avaient-ils ajouté.
Selon les éléments connus, les deux journalistes ont été enlevés dans le centre de Kidal après une rencontre avec un responsable du Mouvement national de libération de l’Azawad. Selon RFI, le chauffeur de nos confrères a été braqué, vers 13h10, par un homme enturbanné parlant une langue touarègue. Pendant ce temps, les assaillants ont ligoté les journalistes et les ont fait entrer dans leur véhicule. Les ravisseurs ont alors pris la fuite. Les corps des journalistes seront retrouvés moins de 2 heures plus tard à une dizaine de kilomètres de là. Ils ont été abattus tués par balles.
Mais les circonstances de leur mort restaient encore à préciser dimanche matin. Car les touarègues ne sont pas les seuls à pouvoir être reponsables des assassinats. Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) reste très présente dans la région malgré la présence des troupes françaises intervenues en janvier 2013 pour chasser les groupes islamistes armés qui occupaient le nord du Mali. «Kidal est la seule région pour le moment où la souveraineté de l’État n’est pas effective», a rappelé dimanche Soumeilou Boubeye Maiga, le ministre malien de la défense sur France 24. «La situation est telle que toutes les infiltrations sont possibles», a-t-il ajouté.
Émotion et colère à RFI
Une délégation de la radio RFI menée par la directrice, Marie-Christine Saragosse, a été reçue dimanche matin à l’Élysée immédiatement après la réunion. En sortant, celle dernière a expliqué que Ghislaine Dupont avait appelé la radio le matin même. «Elle était heureuse», a-t-elle expliqué. Marie-Christine Saragosse a rappelé que les deux journalistes «n’était pas des têtes brûlés», ils n’ont «pas pris de risques inconsidérés». «On part à Bamako pour être avec nos collègue, ramener leurs corps», a-t-elle conclu.
La veille, elle avait exprimé sa colère: «On a tendance à penser que la liberté d’informer est un acquis, mais nous, nous savons que sur bien des terrains, c’est une conquête, et qu’elle est parfois en train de régresser. Alors je n’ai pas envie de baisser les bras. La colère va nous donner encore plus envie de ne pas se laisser fermer le bec par des barbares.»
Une boîte mail (rfihommage@gmail.com) a été créée pour que les amis, les collègues et les auditeurs de RFI puissent exprimer leurs hommages aux deux journalistes.
Comment s’organise la sécurité des journalistes en terrain sensible
Reporters de guerre : la vérité sur les risques
Gaz en Syrie, radioactivité à Fukushima, tirs d’artillerie, mines artisanales, guérillas urbaines… Ces dangers sont intimement liés au métier périlleux de reporter en zones sensibles. Quelles sont leurs protections ? Comment ces professionnels très exposés assurent-ils leur sécurité sur le terrain ? Et sont-ils réellement préparés en France pour assumer de telles missions ? Au-delà des discours officiels des chaînes de télévisions, des failles existent. Enquête et témoignages.
La question de la sécurité des reporters sur les terrains les plus sensibles suscite des discours contrastés, voire contradictoires. Le premier veut laisser croire que tout est mis en oeuvre pour une protection maximale des journalistes. À France Télévisions, des briefings spécifiques sont mis en place en fonction de la dangerosité des missions. Par exemple, un guide pratique avait été édité lors du drame de Fukushima. Au nom de la responsabilité d’entreprise et depuis la mort de Gilles Jacquier [le journaliste est mort à Homs le 11janvier 2012], le directeur de l’information a voulu systématiser les préparations avant tout reportage en zone de conflits, sachant qu’une vingtaine de professionnels sont concernés par cette question au sein du groupe. En ce moment, Thierry Thuillier interdit strictement aux journalistes du groupe public de franchir la frontière syrienne sans visa. «Il y a trop de risques, estime-t-il, tant chimiques qu’en termes d’enlèvements et de bombardements.»
Si les chaînes refusent d’envoyer leurs reporters maison sur des zones très dangereuses, on note que cela ne les empêche pas pour autant d’acheter des images à des sociétés de production privées. Thierry Thuillier reconnaît que cela est vrai pour certains magazines d’info, mais pas pour les JT, où toutes les images diffusées seraient produites en interne
Au-delà des stages de sensibilisation et des formations spécifiques, France Télévisions est en mesure de fournir du matériel à ses équipes. «Nous disposons d’équipements légers (gilets, casques, masques…) gérés dans un bureau spécialisé, mais il en existe peu permettant de travailler en zones chimiques, poursuit Thierry Thuillier, nous n’enverrons jamais personne sur un site touché par un nuage toxique. Lorsque ce risque existe, il faut évacuer le plus rapidement et être capable de se protéger temporairement avec un masque, le temps de l’évacuation.»
Protection impossible
À ces propos rassurants, le témoignage de Matthieu Mabin, grand reporter à France 24, oppose une réalité plus préoccupante qui met en doute l’efficacité du masque à gaz en cas d’attaque chimique. Le journaliste couvre le conflit en Syrie depuis plus de deux ans. Le jour des bombardements chimiques syriens, il était au Liban. «Pour faire face à une telle menace, il faut un niveau de préparation qui ne sera jamais atteint par un journaliste, à moins de lui dispenser une formation de plusieurs mois. Le seul moyen de se protéger est de mettre en place une chaîne de décontamination constituée de 150 personnes avec véhicules blindés, camions citernes, engins équipés de combinaisons, douches portables, bidons individuels et collectifs de produits décontaminants et chaîne santé.» Selon cet ancien militaire, un reporter en zone chimique pourrait s’estimer protégé seulement si une quarantaine de professionnels bien équipés le suivaient sur le terrain. D’ailleurs, selon lui, ce n’est pas pour rien que l’armée dispose d’un régiment spécialisé, le GPNBC (groupe de défense nucléaire bactériologique chimique
Vingt minutes d’autonomie
Fort d’une expérience militaire de dix ans, Matthieu Mabin dispose d’informations capitales. Il sait par exemple qu’une cartouche de masque utilisée pour faire face au gaz sarin dispose d’une autonomie de vingt minutes. Pour tenir vingt-quatre heures en zone gazée, chaque rebelle syrien devrait être en possession de 72 cartouches. Impensable. «En vérité, explique encore l’ancien militaire, la seule protection réellement efficace face aux risques chimiques porte un nom: c’est la tenue S3P (survêtement de protection à port permanent) avec un masque ANP (appareil normal de protection).»
Non seulement chaque gaz demande une cartouche adaptée, mais en plus il est indispensable de la changer régulièrement et de passer par la chaîne de décontamination après avoir été touché par une attaque. Un reporter qui serait équipé d’une telle tenue ne pourrait pas l’enlever seul. En outre, il serait contraint de passer sous une douche décontaminante avant que ses vêtements de protection lui soient ôtés, dans un espace confiné. Sans oublier les deux étapes finales, que sont la douche nu et le traitement intégral à la poudre à l’aide de gants spéciaux. À l’évidence, aucune chaîne de télévision au monde, même bien informée, n’est en mesure de financer un tel dispositif.
Avec qui sur le terrain ?
Récemment, Stéphane Malterre a réalisé, pour M6, un reportage en Syrie, mais il était présent dans le pays avant les frappes chimiques du 21 août. «J’avais un gilet pare-balles et une trousse de secours, raconte-t-il. Le principal danger n’est pas tant le matériel dont vous disposez que les gens avec qui vous êtes sur le terrain. Vous ne pouvez pas faire grand-chose face aux menaces de bombardements.» S’il devait retourner sur ce terrain demain, le reporter prendrait ses précautions en contactant des médecins avant de partir.
Certaines photographies de Laurent Van der Stockt, reporter en Syrie pour le journal Le Monde, ont suscité quelques commentaires étonnés dans le milieu journalistique. Ces images de rebelles équipés de masques à gaz étaient très fortes visuellement, mais les connaisseurs ont identifié une anomalie criante: un rebelle équipé d’un masque sans cartouche. D’autres professionnels ont été tout aussi surpris en notant que ces hommes armés se croyaient protégés en portant des masques à gaz sur des barbes alors que cela les rend inopérants. Pour faire face efficacement aux risques chimiques et bactériologiques, il est indispensable de connaître les volumes et la nature des substances auxquelles on est soumis. Ce sera d’ailleurs la première question qu’un fournisseur compétent posera avant de fournir du matériel produit par des sociétés telles que 3M ou Delta Plus. Les protections préconisées sont adaptées à la capacité thoracique de ceux qui les portent et les cartouches des masques à gaz sont également élaborées en fonction de la composition précise de la menace (volume, quantité, mélange…). Récemment, en Syrie, les enquêteurs de l’ONU ont eu du mal à définir la nature exacte du cocktail employé durant les bombardements chimiques. Le gaz sarin n’était pas seul en cause.
Fukushima: la centrale à 15 km
Lorsqu’on demande à Renaud Fessaguet pourquoi il n’a pas hésité une seconde avant de rejoindre Fukushima le 28 mars 2011, seulement treize jours après les deux explosions de la centrale nucléaire, le journaliste de l’agence Comiti répond avec franchise: «J’ai 48 ans, je n’ai pas d’enfants, c’est mon métier et, d’une certaine manière, je trouve cela plus excitant que la guerre. Je sais que la mission était dangereuse.» Il avait appelé quinze cameramen avant d’en trouver un prêt à l’accompagner. «Je n’ai pas réfléchi. Nous devions suivre un ingénieur à 15 kilomètres de la centrale parce que la route était barrée. Nous n’avions pas de compteur Geiger, Tokyo avait été dévalisée.» Folie pure? Inconscience? «J’étais parti un peu informé sur les risques. L’agence nous avait fourni des masques et des combinaisons, celles qui équipent aussi les gens de Greenpeace. Ayant la responsabilité d’une équipe (fixeur et caméraman), j’avais décidé de ne pas rester plus de trois heures dans la zone des 15 kilomètres. Mais nos équipements sont restés dans le coffre parce que nous avions estimé qu’ils étaient dérisoires. Je reconnais que c’est un tantinet inconscient, mais c’est un peu la même chose pour un type qui filme une guerre. La seule différence à Fukushima est que l’ennemi est invisible.» De retour en France, les reporters ont fait des examens à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur le site du Vésinet, en région parisienne. «Je voulais quand même savoir ce qu’on avait pris, explique-t-il, les doses constatées étaient infinitésimales, comparables à celles d’un vol long courrier selon eux.»
Rassurer et se rassurer
Pour les chaînes de télé et les producteurs, le fait d’acheter du matériel en espérant faire face à de tels risques ne serait rien d’autre qu’une manière de se rassurer et de rassurer ses équipes. Même l’usage du casque et du gilet pare-balles, parfois présentés comme des protections efficaces, est critiqué par quelques journalistes. Ils estiment qu’ils mettent exagérément en confiance ceux qui les portent et que cela accroît les prises de risques. «On peut se demander si finalement le port du gilet pare-balles dans la profession n’a pas provoqué plus de morts que sauvé de vies», ose un grand reporter en rappelant que le gilet n’a jamais protégé personnes des tirs à la face et à l’aine ou des bombardements.
Côté investissements, il faut savoir qu’un bon gilet pare-balles, dit gilet tactique, coûte environ 2 000 euros (Ciras). Il faut compter environ 800 euros pour un casque (Gallet). Pour les masques à gaz, tous les niveaux de protection existent sur le marché à partir de 200 euros; sachant que certains disposent de systèmes de ventilation assistée. Certaines rédactions optent pour les masques jetables. L’association RSF prête ce type de matériel (casques, gilets pare-balles, balises de détresse) contre un chèque de caution. Elle propose aussi une hotline (SOS Presse 0033 1 47 77 74 14) 24 heures sur 24 pour journalistes en difficulté. À condition toutefois d’avoir beaucoup de patience et une carte American Express, ce que RSF semblait ignorer durant la rédaction de cet article. Le service proposé ne fonctionnait pas lorsque nous l’avons testé.
Stages insuffisants
Si les stages presse existent, le niveau de préparation des journalistes appelés à couvrir les pires endroits de la planète apparaît très insuffisant. Il existe bien un Centre national d’entraînement commando à Mont-Louis, près de Collioure (Pyrénées-Orientales) et plusieurs séances de sensibilisation sont dispensées par les armées, mais toutes ces formations prévues en France, même si elles permettent de survoler diverses situations, sont-elles réellement opérationnelles? En Grande-Bretagne, sous la pression des compagnies d’assurance, les médias ont obligation d’immerger leurs reporters dans des stages appelés Hostile Environment Training. Ceux-ci sont encadrés par des militaires ou des compagnies de sécurité privées. Les procédures mises en place par la BBC pour la sécurité de ses journalistes sont d’ailleurs considérées comme des références.
L’Unesco et RSF ont chacun publié un guide pour les journalistes. Très documentés, ils contiennent de nombreuses informations pratiques, de l’utilité d’être formé en secourisme aux règles de sécurité à respecter. Des conseils sont délivrés pour tous les types de risques présents sur le terrain: provocations, menaces de mort, sabotages, attentats, colis piégés, déplacements, mines, snipers, tirs d’artillerie, embuscades, corps à corps, prises d’otages, tortures, mauvais traitements…
Tous les professionnels contactés sont à peu près d’accord sur une chose: bien souvent, la meilleure des protections, c’est la fuite. Encore faut-il savoir la gérer sans se laisser entraîner dans des mouvements de foule périlleux et sans courir dans la mauvaise direction. D’où l’intérêt par exemple, de savoir se servir d’une boussole et d’un GPS.
Le mythe de l’instinct
Un débat oppose ceux qui évoquent souvent l’instinct de survie et ceux qui parient davantage sur la connaissance technique du terrain. «La capture, la blessure ou la mort sont toujours le résultat d’une erreur.» C’est ce que répète inlassablement Matthieu Mabin (France 24) à ses équipes au risque de choquer. «Je ne connais pas d’exemple de journalistes qui n’ont pas eu de chance», affirme-t-il tout en soulignant le fait que les journalistes les plus expérimentés se retrouvent sur des terrains où les risques de fautes fatales sont démultipliés. Le reporter est convaincu qu’une meilleure formation des professionnels de l’information limiterait sans doute ces risques: savoir identifier des lignes de confrontation (cela n’est pas toujours possible dans l’extrême confusion des guerres civiles), évaluer les trajectoires des projectiles, s’orienter… «Il est très fréquent de voir des journalistes traverser des zones battues par les feux! Mais ils agissent souvent par ignorance parce qu’ils n’arrivent pas à se situer», ajoute-t-il.
En 2011, à l’est de la Lybie, sur la ligne de front de Brega, à Zaouïa, un duel d’artillerie opposait les kadhafistes (entrée ouest de la ville) aux rebelles (entrée est). Les deux camps se tiraient dessus à coups de canons. Pris de panique, civils et journalistes ont pris aussitôt la fuite en empruntant l’unique route coupant la ville d’est en ouest, dans la trajectoire exacte des obus. Un journaliste bien formé aurait compris qu’il était plus sûr de ne pas bouger et de rester à la verticale des projectiles dans le centre. Les reporters comme les civils sont susceptibles d’obéir à leur instinct grégaire, surtout quand celui-ci est subitement réveillé par la peur.
Des textes protecteurs
La première des protections prévues pour les journalistes en zones sensibles, ce sont les textes: Déclaration universelle des droits de l’homme (1948, article 19, droit d’informer et d’être informé), Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme de 1950 (liberté d’expression), Convention américaine pour la protection des droits de l’homme (1969), Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981) ainsi que le Pacte international signé par 60 pays en vigueur depuis 1976 (nul ne peut être inquiété pour ses opinions)… Les professionnels de l’information sont protégés par des textes internationaux rappelant qu’ils ne peuvent pas, comme les civils, être les cibles d’attaques intentionnelles. En théorie, toutes les parties concernées d’un conflit doivent respecter l’indépendance professionnelle et les droits des journalistes.
Fin 2006, le Conseil de sécurité des Nations-Unies a également adopté la résolution 1738 sur la protection des journalistes en zones de conflit, stipulant les devoirs de chaque État membre en matière de protection et d’enquêtes en cas de d’atteinte à leur sécurité. Il existe encore diverses chartes, l’une des plus connues étant celle de Munich. En 2002, l’association Reporters sans frontières en avait établi une sur la base de huit principes, après avoir observé que le droit international était de moins en moins respecté dans ce domaine. Médias, pouvoirs publics et journalistes sont les premiers concernés par ce texte, qui insiste sur l’expérience nécessaire et l’accompagnement des envoyés spéciaux en matière notamment de responsabilité, préparation, équipement, assurance, soutien psychologique et protection juridique.
Le business des mercenaires
Côté assurances, les journalistes sont normalement couverts par leur rédaction quand ils sont salariés. Les indépendants peuvent souscrire des contrats tels que ceux proposés par April par l’intermédiaire de l’association Reporters sans frontières. À titre indicatif, la première formule, la moins chère, garantit l’assistance et le rapatriement en cas de situation médicale urgente pour 2,71 euros par jour avec une surprime de 11 euros exigée pour les pays considérés à hauts risques, tels l’Irak ou l’Afghanistan. L’assureur précise que la formule ne peut pas être souscrite si le journaliste est embarqué dans une unité militaire ou gouvernementale. Pour la formule 2, les devis sont établis en fonction du lieu et de la durée du reportage.
Tony Comiti, directeur de l’agence Comiti, se souvient d’avoir couvert le conflit Irak/Iran dans les années 80. «L’armée irakienne nous avait équipés de combinaisons et de masques, mais c’était insupportable à porter», se souvient-il en évoquant la guerre des marais et le spectacle désolants de soldats gazés. Tony souligne également qu’il n’est pas facile pour un reporter de partir avec son matériel de protection tout neuf, celui-ci pouvant être facilement «confisqué» aux frontières par des douaniers, des soldats ou des rebelles.
Pour protéger ses reporters en zones de guerre, le journaliste sait qu’il peut compter sur des groupes de mercenaires postés sur les frontières et prêts à intervenir rapidement contre rétribution. Un vrai business. Ces professionnels de la guerre, souvent Anglo-Saxons, mettent leur expérience et leur proximité avec les rebelles au service des journalistes. Payés au forfait, en fonction des missions, ils se mettent à la disposition des équipes. Il faut compter 1 500 euros pour une veille et la somme peut vite grimper en fonction de la difficulté de la mission (payer une rançon à des ravisseurs, ramener un reporter blessé, monter une opération coup-de-poing…). «En général, il faut agir rapidement, poursuit Tony Comiti, car les otages peuvent être vendus à d’autres groupes de ravisseurs et devenir ainsi de véritables objets de négociations financières et politiques qui ne se règlent plus avec les mercenaires, mais avec les services spécialisés du renseignement.
Sécurité privée
Parfois, des journalistes se déplacent sur le terrain sous escorte privée. Dernièrement au Mali, une équipe de la chaîne du Qatar al-Jazeera était accompagnée par un agent de sécurité, mais elle était en conflit permanent avec l’accompagnateur parce qu’en évitant toute prise de risques il a finalement empêché les journalistes de faire leur travail.
Certaines chaînes, comme France 24, travaillent avec des sociétés qui équipent leurs journalistes de trackers. Ces balises GPS permettent de signaler sa position lorsqu’on se trouve dans une zone dangereuse ou perdu dans de vastes espaces désertiques. Il suffit d’appuyer sur un bouton rouge pour les déclencher. Le prestataire reçoit alors le signal exploité ensuite par la rédaction. Ce matériel est très utile lorsqu’on veut suivre à distance les déplacements d’une équipe sur le terrain alors que toute liaison téléphonique est impossible.
Proportionnellement, aucune profession au monde ne semble aussi exposée physiquement que celle des journalistes. C’est pourtant la seule qui ne soit pas entraînée et qui doive faire face à des situations extrêmement dangereuses. Cela est d’autant plus étonnant qu’à titre de comparaison un soldat envoyé en Afghanistan suit en amont une formation minimum de dix-huit mois, durant laquelle il apprend à se protéger, dans tous les milieux, avant même de savoir utiliser une arme.
Il est impossible de pratiquer le métier de reporter en zones sensibles sans accepter l’idée que les risques sont quatre à cinq fois supérieurs à ceux auxquels sont soumis ces militaires entraînés. Même les professionnels les plus aguerris et les plus prudents ont eu parfois l’impression d’avoir frôlé la mort. L’année 2012 avait enregistré une mortalité en hausse de 33% par rapport à 2011 selon RSF. Ce qui représente 88 journalistes tués en douze mois, soit environ 600 morts en dix ans. La Syrie apparaît aujourd’hui en tête des pays les plus meurtriers.
L’autre risque dont on parle moins, un risque pourtant bien réel, est d’ordre psychologique. La névrose appelée SPT (syndrome post-traumatique) est une blessure invisible capable de condamner des reporters à l’internement en psychiatrie. Comme si les professionnels de l’information, même volontaires, ne revenaient jamais indemnes d’un voyage au coeur de l’enfer.
[Facebook_Comments_Widget title= » » appId= »144902495576630″ href= » » numPosts= »5″ width= »470″ color= »light » code= »html5″]
Les commentaires sont fermés.