Affaire Laurent Gbagbo ou le yo yo de la CPI
Ils seront nombreux tôt ce matin les ivoiriens qui se rueront sur le magazine françafricain, Jeune Afrique qui met à sa UNE de ce lundi 28 octobre « Et si il sortait ? » Parlant du président Laurent Gbagbo. Dans le même journal, la presse «barbouze» publiera cinq pages sur Laurent Gbagbo, avec un article sur l’interrogatoire par un juge d’instruction de hauts gradés français à propos des évènements de novembre 2004 à Bouaké…
«L’attaque du camp français de Bouaké le 6 novembre 2004 par l’aviation ivoirienne n’aurait pas été commanditée par Laurent Gbagbo.» L’information a été donnée par François Soudan, directeur des Rédactions du magazine Jeune Afrique. Il l’a indiqué dimanche 27 octobre 2013 sur les ondes de Radio France Internationale (RFI).
A l’en croire, le général Renaud De Malessène, adjoint du général Poncet, commandant de la Licorne à l’époque a déclaré que, «ce n’est pas Gbagbo qui a fait bombarder le camp français». L’officier français ajoute que «Gbagbo n’a pas voulu tuer de soldat français» et que selon lui, «quelqu’un dans son entourage a pris cette décision sans le lui dire». Le militaire fait également la révélation suivante: «Je pense qu’il y avait un projet politique, mettre Ouattara en place et dégommer Gbagbo». Voilà la vente de la semaine de Jeune Afrique.
«Moi je sais que tout ce qui touche à Gbagbo fait vendre. Jeune Afrique a compris cela », nous a confié un confrère français, lui-même ancien journaliste à Jeune Afrique. Aussi, pourquoi sortir ce titre alors que l’horizon d’une prochaine libération provisoire de Gbagbo reste encore nuageux ? Après le coup du SMS de la semaine, c’est Jeune Afrique qui est mis à contribution pour terminer le travail de sape et provoquer ainsi la sortie massive de la population dans les rues d’Abidjan, ainsi le monde entier, la CPI en tête pourrait en conclure qu’une libération de Gbagbo pourrait être un danger pour la Côte d’Ivoire.
Que peut-on vraiment attendre de l’audience de demain ?
L’audience de demain mardi 29 octobre 2013 sera le 5eme examen de la décision de mise en liberté provisoire du président Laurent Gbagbo détenu à la Cour Pénale Internationale depuis fin 2011. Selon le bureau du procureur de la CPI, Laurent Gbagbo serait responsable, en tant que coauteur indirect de quatre chefs de crime contre l’humanité qui auraient été perpétrés dans le contexte de violences postélectorales survenues en Côte d’Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, à savoir, meurtres, viols, actes de persécution et autres actes inhumains. Le 11 juillet dernier la Chambre préliminaire I avait rejeté la demande de mise en liberté provisoire formulée par la Défense de M. Gbagbo. Une décision qui a été examinée pour la 4e fois, le 9 octobre par cette même chambre. Mais avant, en août dernier la défense toujours de M. Gbagbo avait fait appel de cette décision du 11 juillet. C’est bien cet appel qui sera dénoué demain par la chambre d’appel, différente de la chambre préliminaire. Il faut aussi noter que toujours concernant cette décision de mise en liberté provisoire, ça sera la 2e fois que cette même chambre d’appel statue.
Le piège
En principe, il aurait fallu que la Chambre d’appel tranche avant le réexamen de la même décision par la chambre préliminaire. Malheureusement cela fut vicié avec l’audience du 9 octobre dernier qui finira par convaincre la chambre d’appel avant que la chambre préliminaire elle-même ne rende sa décision du 9 octobre. Le débat du 9 octobre ayant démontré qu’il n’existait pas globalement de faits nouveaux en dehors de la libération des pro-Gbagbo en Côte d’Ivoire et la « normalisation » des frontières ivoiro-Ghanéennes et libérienne. Dans le fonds, cela ne constituerait pas de fait juridique ayant un lien avec les faits reprochés à M. Gbagbo. On est donc en droit de dire que demain sera une autre farce de la CPI pour faire perdurer l’affaire Laurent Gbagbo, car quelque soit la décision qui sera prise demain 29 octobre par la chambre d’appel, le procureur peut lui aussi interjeter appel de cette décision. En gros et comme le précise le statut de Rome, il n’est pas défini au préalable la durée ou le temps maximum d’une détention provisoire. La preuve cela fera deux ans que M. Gbagbo est détenu et seuls les juges disposant de ce supra pouvoir décideront s’il ira à un procès ou pas (un autre casse-tête. L’Affaire Bemba est jugée depuis 2008 et n’est pas prête de finir, lui aussi avait bénifié d’une mise en liberté conditionnelle, jamais appliquée et annulée par les juges).
Le mano à mano de la CPI
C’est un secret de polichinelle. Les nombreux supporters du président Laurent Gbagbo vont devoir encore prendre leur mal en patience. Selon plusieurs sources proches du dossier, la libération de son rival politique avant la présidentielle de 2015 serait une utopie. Alassane Ouattara qui n’a toujours pas digéré l’humiliation qu’il aurait subie en Côte d’Ivoire où il a été traité de Burkinabé ou encore de candidat de l’étranger veut rendre son coup. Mieux, libérer M. Gbagbo dans ces conditions où celui-ci continue de drainer du monde à la simple évocation de son nom serait un gros risque et pour lui et pour ses millions d’étrangers convoyés en Côte d’ivoire et qui serviront en 2015 de véritable vivier électoral. Enfin, après avoir lui aussi à son tour humilié le président Gbagbo, Alassane Ouattara réfléchirait actuellement au revers de la médaille. Même avec tous les scénarios tels qu’un Marcoussis bis qui donnerait au FPI le poste de supers ministres voire la primature, Ouattara n’y croit pas. En tout cas au pardon. Dans ces conditions il faut jouer sur toutes les prérogatives offertes par le statut de Rome qui a ce dernier pouvoir de garder le président Gbagbo aussi longtemps que la CPI le voudra. Entre temps, Ouattara sur le terrain se donnera le temps nécessaire de se faire accepter par le peuple, avec des libérations massives et progressives des pro-Gbagbo (politique, militaires, civils…). Selon toujours les grandes oreilles françaises, Ouattara qui veut lui aussi marquer son passage à la tête de l’éléphant d’Afrique s’est fixé comme défi de laisser derrière lui un bilan économique à la mesure de sa formation. Et quand Ouattara parle de l’émergence de la Côte d’Ivoire en 2020, ce ne sont pas des paroles en l’air. Le 23 octobre dernier, l’ex premier ministre Ahoussou Jeannot et le gouverneur du District d’Abidjan, Mambé sont venus spécialement le dire au patronat français lors des 7eme rencontre des PPP (partenariat Public-Privé). Aussi, alors que le dernier verrou pour l’obtention d’une libération provisoire était le cas de son état de santé et le pays devant l’accueillir, il se murmure au-delà des nombreuses annonces vers l’Angola ou l’Ouganda ou encore l’Afrique du sud, que, en ce qui concerne la santé de M. Gbagbo, la CPI disposerait d’infrastructures médicales spécialisées pour garantir la bonne santé du suspect. Quant au pays hôte, «pas question de laisser Gbagbo dans la nature. En prison déjà il fait peur. Et en liberté alors» ironise un confrère français.
Après donc cette autre décision de demain (9h à 10h), il faudra se préparer pour écouter dans les prochains jours la décision de la chambre préliminaire concernant l’audience du 9 octobre dernier et encore s’apprêter à lire le verdict du réexamen périodique qui tombera le 11 novembre…Sauf coup de théâtre, Laurent Gbagbo pourrait continuer de rester en détention même après 2015.
Voilà pourquoi, les patriotes ivoiriens doivent reprendre leur souffle et maintenir la pression de la rue.
Philippe Kouhon/ Diaspo TV
Mail : pkouhon@gmail.com
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