Cote d’Ivoire – Konaté Navigué (JFPI) « Dans cette lutte, on ira jusqu’au bout » (interview)

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Interview réalisée par Serge Pacome Abonga @ Africa News

Contraint à l’exil au Ghana depuis l’arrestation du président Gbagbo, le 11 avril 2011, le Secrétaire national de la jeunesse du Fpi, Konaté Navigué demeure cependant très attentif à la situation sociopolitique en Côte d’Ivoire. Dans cette interview, le charismatique leader de la jeunesse du parti de Laurent Gbagbo est sans détour vis à vis du régime d’Abidjan. Il parle de la dictature sous Ouattara, de ses contre performances économiques, de la mort de Mahan Gahe, de Mamadou Koulibaly, de la traque des pro-Gbagbo mais il revient surtout sur le discours d’orientation de Pascal Affi N’guessan et les Etats généraux proposés par le président du FPI. Puis il prévient ” Dans cette lutte, on ira jusqu’au bout ”

Pascal Affi N’guessan vient de prendre les rênes du FPI. Comment avez-vous trouvé son discours d’orientation? N’est il pas allé très fort ?

Qu’est ce que vous appelez aller fort? Je ne pense pas du tout. Il est allé tel qu’il fallait y aller. Et l’enthousiasme et l’espoir suscités par le discours montrent bien qu’il est dans le bon, le juste et le vrai. Le discours est politiquement correct.

Quels ont été à votre avis les grands points de son discours ?

J’y ai vu trois grands moments: le bilan de la gestion de Mr Ouattara, l’adresse aux militants, aux démocrates et à tous ceux qui aspirent au changement et enfin, les perspectives de sortie de crise. Sur le bilan, il a relevé la gestion catastrophique de Mr Ouattara à tous les niveaux de l’échelle. L’économie, la sécurité, le social, l’école et bien d’autres.Il a montré l’incapacité des autorités actuelles à y faire face. Sur l’adresse aux militants, il fallait re-mobiliser les troupes en donnant un signal très fort dans un message clair et net. Il a dit à juste titre que la lutte continue et que tous les militants, les démocrates et tous les ivoiriens de tout bord qui souhaitent un changement en Côte d’Ivoire devront se mobiliser et se mettre en ordre de bataille pour les jours à venir. C’est important parce que tous ceux qui sont encore en prison à l’intérieur du pays, mais également tous les exilés que j’appelle des “prisonniers externes” y compris le plus célèbre à savoir le président Gbagbo, tout ce monde avait besoin d’être rassuré par la capacité du Front Populaire Ivoirien à être une alternative sérieuse pour la lutte et pour la liberté. C’est ce que le président du FPI a fait en rappelant aux autorités que tous les schémas possibles doivent se faire avec le trépied Gbagbo – les prisonniers et – les exilés.

Mais avant Affi, il y a eu Aboudramane Sangare dont le discours a été vu par certains comme provocateur.

Effectivement, avant le président Affi N’ guessan, Aboudramane Sangare avait déjà montré le devoir du Front populaire Ivoirien en ce moment précis oú l’histoire l’attend. En rappelant l’hymne de Liverpool :” you will never walk alone” (Vous ne marcherez Jamais seuls), le message de la direction du FPI est clair, à savoir que le FPI n’abandonnera jamais la lutte et que tous ceux qui, connus ou non souffrent silencieusement, ceux qui subissent dans l’anonymat les tortures, les sévices et la peur de la dictature dans les geôles, en exil ou dans leurs lieux de travail, trouveront auprès du FPI soutien et réconfort. En d’autres termes, le parti se battra jours et nuits, par monts et par vaux pour obtenir la libération, la liberté et la démocratie en Côte dIvoire. En revenant sur ce message, le président montre bien que seul le FPI porte l’espoir pour une Côté d’Ivoire nouvelle. Il était vraiment important de le réaffirmer et dire cela n’est pas de la provocation.

Pouvez-vous revenir sur la proposition de Pascal Affi N’guessan concernant les Etats généraux ?

Pascal Affi Nguessan a fait des propositions de sortie de crise. Ayant fait le constat de l’échec de la commission nationale de réconciliation, il a proposé de mettre en place les États généraux pour discuter sérieusement et profondément de toutes les questions confligenes en Côté d’ivoire. C’est la nouvelle proposition du FPI. Toutes les structures du parti, tous les militants au pays, en exil ou dans la diaspora doivent se mobiliser pour la mise en place rapide des États généraux qui doivent se faire avec le président Gbagbo, avec tous les prisonniers libérés et tous les exilés rentrés.

Dans ce cas, quelle est la différence entre le dialogue direct en cours et les Etats généraux que propose Pascal Affi N’guessan ?

Le dialogue direct FPI – Gouvernement abordera les questions liées aux conséquences de la crise alors que les Etats généraux doivent s’attaquer aux causes profondes du conflit. Je pense que les prochains jours seront déterminants pour la mise en place de ce cadre de concertation qui est forcément un cadre de réconciliation. Voilà. Pour tout dire, le discours d’orientation du président Affi a été un discours engagé, rassurant et prometteur, un discours à la fois ferme et flexible.

Un mot sur la direction intérimaire du FPI. Certaines personnes l’ont trouvée amorphe vis à vis du régime. Est-ce votre avis ?

Non. Ce n’est pas du tout mon avis. Beaucoup ont déjà oublié que nous revenons de très très loin. Nous revenons de là où toutes les forces internationales coalisées ont livré une rébellion et une guerre au régime du FPI. Nous revenons de là où le camarade président Laurent Gbagbo, fondateur et premier président du FPI a été bombardé, enlevé puis déporté à la Haye. Nous revenons de là où toute la direction du parti a été décapitée; le président du parti, le 1er vice président, la 2ème vice présidente du parti ont été arrêtés, torturés, jetés en prison. La tactique étant de ne même pas leur permettre le moindre contact (Une pensée pour la camarade Simone Gbagbo 2e vice présidente du parti toujours détenue. Elle nous reviendra bientôt.) Nous revenons de là où une partie de la direction a été contrainte à l’exil. Nous revenons de là où Mamadou Koulibaly qui devrait assurer l’intérim et organiser la résistance nous a trahis en pleine guerre. Nous revenons de là où nos militantes et militants dans toutes les structures de base et dans tout le pays étaient dénoncés, recherchés, attrapés, torturés ou tués dans l’anonymat. Le temps viendra où le parti rendra une vibrant hommage à tous ces militants tombés sur le champ d’honneur. Bref! Nous revenons de là où prononcer le nom de Gbagbo ou celui du FPI était un délit ou un crime de lèse majesté. C’est de ce voyage funeste, traumatisant et cauchemardesque dont nous revenons. Je vous rappelle que le pauvre CHOI représentant du secrétaire général de l’ONU en Cote D’ivoire avait même prédit la disparition du FPI. Dans ces conditions, il faut toujours rendre hommage aux responsables du parti qui se sont mobilisés pour l’intérim, assurant ainsi la survie et la vie du parti parfois au prix de leur vie. L’essentiel était de faire vivre le parti .

Certains s’étonnent encore de la vitalité du FPI malgré l’emprisonnement des principaux leaders. Comment expliquez-vous ce regain de vitalité ?

Vous savez, en Afrique et dans bien des cas, les partis qui ont subi un tel traumatisme ont disparu ou ont été rendus inopérants. C’est ainsi que depuis la chute de Mobutu, son parti politique le Mouvement Populaire de la Révolution n’est aujourd’hui que l’ombre de lui même. Après la chute de Moussa Traore en 1991 au Mali, son parti l’ Union Démocratique du Peuple Malien a disparu et laissé place à une autre organisation. Tout près de nous dans le temps en Égypte et en Tunisie, après la chute de Moubarak et de Ben Ali, le Parti National Démocratique et le Rassemblement Constitutionnel Démocratique n’ont pas encore su résister à la décapitation. Et je peux citer ces exemples à loisir. Loin de moi l’idée de comparer le président Gbagbo à ces présidents ou comparer ces régimes à celui du FPI. Il s’agit simplement de montrer que le FPI réalise là un miracle en survivant à la tempête. Cela est dù à ses structures, à ses militants qui sont restés mobilisés autour de leur idéal de lutte, mais aussi à la direction intérimaire. Aujourd’hui, le parti du président Gbagbo est devenu plus fort et plus crédible que jamais; aussi bien à l’intérieur qu’ à l’extérieur. Le message est clair: Le FPI est un roseau qui se plie mais qui ne se casse jamais. Et tout comme Ulysse qui doit franchir les obstacles pour arriver à Ittaque sa ville natale, le FPI sait et saura relever les défis et, de défi en défi, il atteindra la terre promise; c’est à dire la Côté d’Ivoire nouvelle. Tel est le sens de notre exaltant combat.

Quel jugement portez- vous sur la direction intérimaire au niveau de la Jeunesse du FPI. Étiez-vous convaincu de la capacité de Koua Justin à maintenir le flambeau ?

Je pense avoir déjà répondu à cette question. Je suis fier de l’ensemble de mes collaborateurs. Je vous ai déjà dit qu’on ne nomme pas tout le monde No 2 d’une structure de lutte. Je suis d’autant plus fier du boulot que je les encourage au quotidien à bonifier les acquis. La Jfpi est aussi une incassable. Je répète que si le FPI est un roseau, la JFPI est une hydre: tu coupes, elle pousse. Tu recoupes, elle repousse. Tu découpes, elle se démultiplie, et tu l’auras toujours sur ta route.

Après la libération d’Affi, y’a t’il eu des échanges entre la coordination en exil et lui? Vous a t’il donné des consignes particulières ?

Bien sur. Quand les camarades ont été libérés, tous les responsables de la coordination les ont appelés pour les féliciter et les encourager. Les consignes particulières sont déjà contenues dans le discours d’orientation du président du parti, à savoir la mobilisation tout azimut des militants qui doivent se tenir en ordre de bataille.

D’ aucuns soutiennent que la liberté provisoire est une épée de Damoclès sur la tête des ex-prisonniers. Votre avis.

On raconte dans l’histoire de la Grèce Antique, que pour se faire craindre et se faire peur, le tyran de Syracuse, Denys l’Ancien plaça un jour une épée juste au dessus de la tête de Damoclès qui est un de ses fidèles alliés pour lui dire qu’il pouvait lui aussi être en danger de mort comme tout le monde. C’est l’origine de l’expression avoir” l’épée de Damoclès sur sa tête “. Cette expression, rendue populaire par Cicéron signifie être dans une situation permanente de danger de mort. En posant la question, vous voulez dire que les responsables du parti, parce qu’ils sont en liberté provisoire, sont sous la menace d’un retour en prison à tout instant. Se faisant, vous semblez ignorer que depuis que Mr Ouattara est au pouvoir, des millions d’ivoiriens vivent sous l’épée de Damoclès à quelque niveau que se soit. Vous devez savoir que dans toutes les dictatures, les citoyens vivent en permanence en danger. Certains sont des morts en sursis, d’autres des prisonniers en sursis et d’autres encore des renvoyés du travail en sursis.

Vous comparez donc le régime de Ouattara est une dictature?

Oui, tout à fait. Avec Mr Ouattara, nous sommes comme dans une tyrannie basée sur la délation, la dénonciation et le népotisme où chaque citoyen demeure en danger. Pour tout dire, les responsables du FPI libérés font leurs devoirs, travaillent tranquillement pour la Côte d’ivoire sans se soucier du danger qui pourrait les guetter. Ceux qui pensent les effrayer avec cette menace ne les connaissent pas du tout. Ils perdent leur temps. Pour le reste, l’histoire future nous éclairera. Mais pour ceux qui connaissent le FPI, ils savent bien qu’il n’a jamais été aussi fort que lorsqu’ il est en danger.

Avec la libération des responsables du FPI, Quand comptez-vous rentrer au pays ?

Sur ce point, nous attendons la décision de la direction du parti.

Votre mot sur le décès de Mahan Gahé, secrétaire général de dignité.

Vous devez dire votre mot sur l’assassinat de Mahan Gahé. C’est ce mot qui sied à la situation car le camarade a succombé aux tortures à lui infligées par les forces de Ouattara .

Vous trouvez qu’il a été assassiné? Et Par qui ?

Oui, je le pense et je m’associe donc à tout ce que le parti a fait ou fera en hommage à ce grand homme tombé les armes à la main. Condoléances à la famille éplorée et à l’ensemble des travailleurs de Côté D’ivoire. Il faut faire une autopsie pour déterminer exactement et scientifiquement de quoi le général est tombé, même si tout le monde sait ce qui s’est passé. Ce que l’assassinat de Mahan Gahe pose comme problème, ce sont les conditions d’arrestation et de détention de tous les prisonniers pro-Gbagbo qui croupissent dans les geôles d’Alassane Ouattara. Dieu seul sait combien survivront aux tortures, même après leur libération. C’est pourquoi il faut se battre pour leur libération immédiate et sans condition aucune.

Ouattara vient de gracier trois mille prisonniers de droit commun. Votre commentaire.

Mr Ouattara n’a qu’à faire tout ce qu’il veut mais tant qu’il y aura un seul prisonnier politique civil ou militaire, les ivoiriens seront mobilisés et mènerons le combat pour sa libération, condition sine qua non à la réconciliation. Dans cette lutte, ” on ira jusqu’au bout”. Je vous remercie.

Interview réalisée par Serge Pacome Abonga @ Africa News

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