Présidentielle 2015 Enjeux et propositions pour des élections sans effusion de sang

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Déclaration liminaire Conférence de presse

PRESS CLUB DE FRANCE

20 septembre 2013

Thème : Présidentielles 2015: Enjeux et propositions pour des élections sans effusion de sang

Introduction

Mesdames et Messieurs les Journalistes, nous venons, humblement, vous parler d’un rêve brisé, d’une histoire déroutée, d’un destin profané. Oui, nous voulons parler de la Côte d’Ivoire, cette « terre d’espérance et de l’hospitalité », transformée en espace de la haine triomphante et du sectarisme décomplexé, assumé, si étouffant qui réduit la nation à la tribu, sinon au clan du « Président », « Gouverneur de la rosée » de l’état postcolonial néo-patrimonial, corrompu et décadent. Nous venons vous parler de nos inquiétudes, car en dépit des images atroces et perturbantes figées dans nos mémoires, à la suite des présidentielles de 2010, la Côte d’Ivoire peine à trouver solution pour retrouver la paix.

En effet, nous revoyons, l’image de ce monsieur, sur la vidéo du site du journal en ligne, www.koaci.com , qui fut tué par une brique qui s’écrasa sur sa tête avant d’être brûlé vif par un jeune enragé, apparemment profondément enfouie dans une tourmente psychologique délirante. Cette personne, fut déclarée « rebelle » parce qu’elle serait inconnue du quartier.

L’autre image reste résolument celle du Président Laurent Gbagbo qui est arrêté par les troupes de la rébellion après une guerre qui dura des lustres pour un peuple ivoirien qui n’avait jamais vu ça : des avions bombardant la résidence du président sortant, des armes lourdes qui tonnaient dans la ville, des morts sur des routes littéralement abandonnées, bref, l’image d’un enfer dont on a jamais pensé, tout comme les observateurs de la vie politique ivoirienne, qu’il serait justement en train de se dérouler dans le pays d’Houphouët-Boigny.

Au delà des milliers de morts, des femmes et des hommes violés, atteints dans leur humanité profonde, il reste toujours la lancinante question : Pourquoi et comment la Côte d’Ivoire a-t-elle basculé dans la barbarie extrême, la violence banalisée, le tribalisme rampant, le sectarisme primaire? Une plus grande et déroutante interrogation aussi se pose, avec l’annonce de la candidature à sa propre succession, du Président actuel : peut-on espérer en avoir fini avec cette infernale violence ? Si la réponse est négative, quel pourrait être le scénario qui permettrait à la Côte d’Ivoire de ne plus retourner à ces scènes d’une extrême déshumanisation ? 50 CENT, le rappeur américain, disait dans une de ses chansons culte, « it wasn’t need to end like that » en parlant de la fin tragique de celui qui lui avait mis des dizaines de balles dans le corps auparavant et qui avait été aussi littéralement pulvérisé et était mort alors que lui avait survécu, comme pour dire que la rivalité entre gangs ne devrait pas finir par la mort. Avec lui, paraphrasons pour dire que la politique ne devrait pas être la guerre mais l’art de la manœuvre pour attester de la virtuosité de ceux qui sont appelés à gérer la Cité, pour le bien de ses habitants mais aussi et surtout, pour démontrer la maturité des élites et leur niveau de culture et de finesse.

Si nombre de projets de recherche, d’articles de presse et autres ont démontré les raisons qui ont poussé la Côte d’Ivoire dans cette situation de violence institutionnalisée, systémique, il importe pour nous aujourd’hui de faire des propositions concrètes qui nous permettraient de mettre un terme à ce cercle vicieux, de tourner la page de la 2ème République des barbares et braqueurs de libertés et de la démocratie, pour entrer dans la 3ème, fondée sur le citoyen délié du tribalisme, la république démocratique et participative, d’une société résolument optimiste et intégrationniste. Pour cela, il importe de résoudre les problèmes de fond, sur des bases objectives et consensuelles, à savoir l’orientation stratégique de notre économie et la nature et la gestion de l’état, pour réussir enfin, la transition entre un état colonial et postcolonial fondé sur l’agriculture de rente, géré par une élite corrompue entretenant un état néo-patrimonial, vers un état des citoyens, de la démocratie participative et d’une économie industrielle progressiste.

Première Partie : Des Causes fondamentales de la crise

1- L’échec de l’Etat néo-patrimonial et de ses élites tribalistes corrompues

Si selon Hérodote, les Egyptiens disaient de leur pays qu’il était « un don du Nil », les Ivoiriens doivent certainement proclamer que leur pays est le fruit de la culture du café et du cacao puisqu’elle est à l’origine de l’émergence de ce pays comme puissance économique et politique régionale, sinon africaine, tout au long du 20ème siècle. Aujourd’hui, cette culture reste encore la base du système économique du pays puisqu’elle fait plus de 20% de son PIB mais constitue l’activité principale des banques et la source de la plus-value captée par les élites dirigeantes. Le cacao et le café expliquent aussi la dynamique démographique avec une immigration historique qui commence à l’amorce du projet colonial de développement des colonies avec un rôle imparti à chaque espace par la Rue Oudinot, le siège du ministère des colonies de la France. Ainsi, à la Côte d’Ivoire, il revint le rôle de faire en sorte que la France réduise, sinon annule, sa dépendance vis-à-vis du Royaume-Uni, en matière de produits agricoles de rente. Si les grandes compagnies commerciales coloniales enclenchent le processus de développement du binôme café-cacao, c’est le paysan indigène qui remporte le combat puisqu’en 1945, ils avaient réussi à contrôler plus de 2/3 de la production. L’intensification de la production qui suivra les affres de la 2ème guerre mondiale avec la création d’un port en eau profonde à Abidjan dès 1951, et l’indépendance politique en 1960, imposa une dynamique d’immigration systémique des populations du Nord du pays et celle du reste de l’Afrique de l’ouest, vers ce nouvel eldorado. En presqu’un siècle, de 1920 à la veille du coup d’état du 24 décembre 1999, les statistiques sont les suivantes :

• Plus de 2 300 000 Ha dont 1 700 000 pour le cacao et 600 000 pour le café produisant plus de 1 300 000T/ an de cacao et 200 000T/an de café, faisant du pays le 1er producteur mondial de cacao et le 6ème de café

• Une population de 16 000 000 d’habitants dont 27% issue de l’immigration historique pour 80% d’entre elle vivant dans le sud forestier, domaine du binôme café-cacao. Un peu plus de 6 000 000 de personnes sont directement concernées par ces cultures de rente dont 30% composent des superficies entre 10 et 100ha et le reste concerne des plantations en dessous

• Une structure des répartitions des revenues de cette activité entre l’état central, les paysans et les exportateurs. L’état récupère sa part au travers du DUS (Droit Unique de Sortie, une taxe indirecte sur les produits) et ses démembrements notamment les agences de gestion (45f/Kg à la veille du coup d’état et la Caisse de Stabilisation sous le règne trentenaire d’Houphouët-Boigny). Les paysans reçoivent le leur avec les prix bord champs toujours indiqués par l’état mais jamais respectés par les intermédiaires ou même, de plus en plus, les exportateurs qui constituent les deux principaux acteurs du marché, gérant l’offre et l’achat.

La gestion des taxes diverses perçues par les tenants de l’état est la cause de la violence, à la suite de la mort du Père fondateur, et de la guerre du leadership entre Bédié, héritier direct du Père, Ouattara, son unique Premier Ministre, et Gbagbo, son opposant historique.

L’état, source de contrôle de la manne rentière, est au cœur des disputes mais par l’instrumentalisation des effets de la dynamique économique. Car la crise économique, suite à la faillite de l’état néo-patrimonial, a accentué les contradictions entre les composantes des producteurs. D’une part, les autochtones, dont nombre de leurs progénitures, ayant été frappé directement ou indirectement par la crise économique, retournent dans leurs villages, exigent la fin des formes historiques des contrats de gestion de la terre. Les allogènes, ayant soit eu des contrats de métayage, soit d’achat de location à long terme puisque rarement ayant abouti à des titres de propriété foncière, vu le vieillissement et des plantations et des populations historiquement liées à l’immigration, souhaitent une transmission héréditaire de la terre. Qui plus est, 47% de la population immigrée, près de 2 Millions en 1998, est née sur la terre ivoirienne, mettant ainsi la pression sur l’état, entre le choix du maintien du droit de sang imposé en 1972 par la volonté populaire et le droit de sol, exigé par une dynamique sociodémographique. Les enjeux sont d’une part la clarification de la loi sur la propriété foncière et surtout les perspectives du devenir de la terre, puisque la baisse tendancielle des revenues en raison des conditions du marché des cultures de rente a fait émerger une concurrente, l’Hévéa, plus rémunérateur à court terme. Il importe de rappeler que les contrats divers passés posent problème parce que ni les autochtones, encore moins les allogènes, ne les ont fait dans la pure tradition légale mais sur des bases purement extra-légales, ouvrant ainsi la voie à des contestations souvent difficiles à arbitrer.

En décembre 1998, le législateur va imposer la nationalité comme condition première et finale d’accès à la propriété foncière. Cependant, il va donner aux populations allogènes le droit de gestion de leurs plantations par le système du bail emphytéotique qui leur permet de continuer à gérer leurs plantations sans la possibilité d’en faire de nouvelles avec l’hévéa par exemple. C’est un jugement à la Salomon ! Les vrais problèmes de la clarification des contrats et leur validité ainsi que celui de la part toujours maigre des producteurs et son corolaire immédiat, le vieillissement des plantations conduisant à la chute de la production et des revenus paysans, n’ont pas trouvé de réponses adéquates. La politisation extrême de la question par la compétition imposée à l’establishment politique par l’émergence du M. Ouattara comme contestataire du système de succession héréditaire du poste de président, consacré par l’ex constitution, empêche le successeur d’Houphouët-Boigny de n’adresser que cette problématique. Pis, sa politique d’Ivoirité conduit à des dérives morales et politiques dans un pays surchauffé par le balbutiement de la démocratie et un état corrompu dans un climat d’appauvrissement généralisé des populations non gestionnaires directes de la plus-value du café-cacao. La vérité reste que le choix de la résolution de la question foncière par l’état, sans aucune approche consensuelle, laisse un autre choix à ceux qui se sentiraient lésés : prendre la tête de l’état, pour imposer aussi une autre solution. Ainsi, peut-on comprendre que la METHODOLOGIE, c’est-à-dire, la FAÇON DE RESOUDRE LES PROBLEMES du pays, pose exactement PROBLEME puisqu’elle rejette une approche INCLUSIVE mais surtout détourne les attentions sur la NATURE DE L’ETAT ( gestion néo-patrimoniale, corruption systémique, exploitation éhontée de la plus-value issue de la culture de rente, etc.) pour l’envoyer sur la thématique de la PRISE DU POUVOIR ETATIQUE puisque la solution est LE PRESIDENT qui, de par sa position, peut imposer ses ordres à l’ensemble de la population. Or, dans un pays principalement géré sur la base des fibres tribales et religieuses, il y a risque de déraillement de la démocratie qui se résumerait ainsi en une confrontation des ethnies et des religions. Voilà pour nous la principale cause de la dérive politique et il importe d’y apporter une solution structurelle pour ne pas permettre à des élites uniquement préoccupées par l’accaparement de la plus-value de l’agriculture, de désorienter les populations pour mieux les instrumentaliser à leur seul profit, pour leur seul objectif de la prise du pouvoir présidentiel. En trouvant une solution consensuelle par la méthodologie, on pourra pour ainsi dire, résoudre tous les autres puisque, comme le disait le Père Fondateur, « le dialogue est l’arme des forts ».

Deuxième Partie : Les Propositions : De la méthodologie de la résolution de la crise

2- Réussir la transition vers l’Etat des citoyens et de la démocratie sans épithète

La solution à la crise ne saurait donc être en dehors de la méthodologie et de la hiérarchisation des problèmes que la société, dans toutes ses composantes, devra résoudre.

A- De la question de la méthodologie

La méthodologie est la cause centrale des dérives des politiques puisqu’aucune de toutes celles appliquées n’a eu une approche fondamentalement inclusive. En fonction de sa position, les solutions sont consensuelles ou dictatoriales. Ainsi, dans l’opposition, les élites dirigeantes considèrent que le dialogue reste la forme républicaine la plus appropriée pour trouver des solutions. Or celles qui gèrent le pouvoir ne veulent, en aucun cas, remettre en question leur domination quasi-princière. Elles optent par conséquent pour le cadre légal qui leur garanti, justement, une prédominance parce qu’elles contrôlent l’état. Il reste alors à l’opposition, quel que soient ses discours ou ses intentions réelles, de justifier la forme de sa lutte pour la conquête du pouvoir par le refus du pouvoir de dialoguer. Ce constat fut vrai pendant la gestion du pouvoir par Bédié qui parlait de « châtier » ou qui les chicotait comme le ministre Ouassenan Koné le fit pour l’opposant Abdoudramane Sangaré du FPI. A cette approche guerrière, le coup d’état fut la réponse. La transition militaire fut l’occasion pour les bénéficiaires de s’auto-exclure. Cela déboucha naturellement sur l’exclusion des candidats du RDR et du PDCI avec l’appui du Général Guéi, qui sera lui-même éjecté par une révolte populaire conduite par Laurent Gbagbo. Devant le refus de ce dernier de faire des concessions sur le dossier de la nationalité de Ouattara en dépit du Forum de réconciliation qu’il avait initié lui-même en 2001, le coup d’état du 19 septembre 2002 et la crise postélectorale qui fit plus de 3000 morts fut le réponse. On aurait cru que le Président Ouattara retiendrait la leçon. Bien au contraire, sa gestion extrêmement tribale, que lui-même justifiera par le vocable devenu finalement la trait caractéristique de son régime, « le rattrapage ethnique » d’une part, et son refus catégorique d’organiser un 2ème Forum de réconciliation pour permettre à l’ensemble de la classe politique ivoirienne de trouver un consensus aux problèmes posés par notre histoire et notre économie d’autre part, attestent clairement de la permanence de la vision EXCLUSIONISTE des tenants du pouvoir présidentiel. Il n’ya donc rien de nouveau au bord de la Lagune Ebrié. Voilà la vérité.

C’est pour cela que pour nous, l’histoire se répétant en permanence, il importe enfin d’organiser un nouveau consensus sur les questions de fond et de définitivement permettre au président qui sera élu dans ces conditions nouvelles de la 3ème République, de pouvoir aller jusqu’au bout de son mandat puisque les mandats des présidents précédents ont tous été interrompus par la réponse de leurs opposants. Le contexte de ressentiment général des populations sudistes contre la stratégie de belligérance permanente du régime Ouattara ainsi que de sa politique tribaliste extrémiste en ajoute encore plus au risque d’une guerre bien plus atroce que celle que nous avons/la Côte d’Ivoire a connue, dans un contexte de conflit sur la question foncière. Bruno Scheuer avait parlé de « La Côte d’Ivoire, poudrière identitaire ». Aujourd’hui, plus que jamais, il importe de parler de la « Côte d’Ivoire comme un volcan génocidaire » en ébullition puisque la prochaine confrontation sera d’une part entre les élites dirigeantes et leurs partisans, ensuite entre les autochtones et les allogènes dans l’espace foncier rural et enfin entre les sudistes et les nordistes, à cause de la politique suicidaire menée par le régime Ouattara.

Devant une telle perspective, si nous apprécions et saluons la réponse de la France par la détermination grandement salutaire du Président François Hollande à stopper le coup d’état des fondamentalistes islamistes au Mali, nous demandons à la France et à l’ensemble de la Communauté Internationale de faire en sorte que le Président Ouattara accepte l’organisation du 2ème Forum de Réconciliation. Il n’est pas juste, en vérité, que le Président Ouattara refuse d’organiser ces assises qui permettront aux composantes politiques et sociales de la nation de trouver des solutions à long terme alors que la tentative de coup d’état du 19 septembre 2002 est directement liée au refus de Laurent Gbagbo d’appliquer les résolutions du 1er Forum de 2001, selon l’argumentaire de la rébellion et du Président Ouattara qui a même, proclamé les rebelles « pères de la dignité des peuples du Nord ». Est-ce à dire que Gbagbo avait raison de ne pas vouloir appliquer les résolutions du Forum ou alors que Ouattara ne souhaite qu’une confrontation si nous restons dans la même logique de la gestion des crises par la violence militaire ?

Qui plus est, la candidature annoncée à sa propre succession par le président Ouattara ne peut pas être un déclic pour une démocratie pluraliste effective et des élections transparentes puisqu’il est tenté, comme ses prédécesseurs, de verrouiller le processus électoral à son avantage, par l’instrumentalisation des espérances des populations issues de l’immigration historique par le biais de ses dernières lois sur la nationalité et sur le foncier rural. Comment peut-on comprendre que celui qui, au nom des Programmes d’Ajustement Structurel, en 1990, instaura les cartes de séjour qui déclenchèrent le processus de persécution des populations allogènes par une police et un état corrompus, peut aujourd’hui vouloir être celui qui corrige « les injustices du passé » sans que le débat n’ait lieu sur les tenants et aboutissants de sa politique des cartes de séjour ? Dans un contexte de violations de toutes les règles et procédures légales, comment ne pas être tenté de le soupçonner de vouloir gagner les prochaines élections dès le premier tour puisque sa politique de « rattrapage ethnique » ne peut finir que par le rattraper lui-même, car l’électorat sudiste qui l’avait rejeté en 2010 ne pourra que renforcer sa position devant sa politique de préférence des nordistes ?

Or, il est crucial que les populations immigrées aient une réponse appropriée au double problème de la question foncière et de l’intégration de leurs progénitures puisqu’elles sont à plus de 80% installées sur le domaine foncier rural sudiste. Politiser cette question comme les régimes précédents en imposant un passage en force, par le haut au travers du Prince du Palais Présidentiel, cette fois-ci en faveur des populations allogènes, ne peut pas être une solution, contrairement à ce que pensent les tenants de la logique de la belligérance permanente. Aucune solution non négociée, impliquant toutes les parties au plan local et surtout, dans la transparence sur l’histoire de l’installation, de la légalité des contrats, de leurs limites juridiques et autres, ne peut être considérée comme telle parce qu’elle n’est aucunement faite sur la base de la vérité des faits, donc de l’histoire. « Le rattrapage ethnique » ne peut pas être une solution. Bien au contraire. Il attise les haines et ne fait que pousser, dans le mauvais sens, les extrémismes de chaque camp.(voyez l’état d’esprit de cette jeune femme qui est virée et qui vous dit que c’est parce qu’elle ne porte pas un nom à consonance nordique !!!) Cela est contre l’intérêt stratégique de notre pays puisqu’aucune perspective de développement économique et social ne peut se faire avec l’épée de Damoclès de la guerre civile génocidaire. C’est donc au nom de l’intérêt national qu’il importe d’organiser le consensus sur toutes les thématiques avec le 2ème Forum de Réconciliation qui sera le lieu du pugilat intellectuel entre les différentes visions du pays comme celle qui transparait clairement au travers de nos propositions sur les problèmes essentiels du pays, notamment la question de la gestion de l’économie rentière et celle du mode opératoire de la prise et de la gestion du pouvoir étatique ainsi que de la nature de l’état lui-même.

Deuxième Partie : Les Propositions : L’économie de rente : mort ou restructuration

B- Des thématiques et des solutions proposées

Nous revenons ainsi sur le problème de l’économie rentière avant d’aborder celle de la nature et de la gestion de l’état.

De la question de l’économie rentière

Nous abordons cette question sous un angle globale et non sectaire. Car pour nous, le problème du foncier rural ne peut être réglé en excluant celui de la gestion de la plus-value prise par l’état et ses élites de façon illégale, dans une option capitaliste stricte de la loi de l’offre et de la demande.

D’abord, il importe à l’état de donner une identité territoriale effective et des compétences aux régions pour en faire des espaces de développement économique local. L’état, propriétaire exclusif de la terre, devra concéder à la région la propriété foncière en lui donnant les moyens de la titrisation de son domaine foncier rural. En cédant 10% des DUS tirés des exportations des produits de rente, l’état veillera à ce que le titre foncier régional soit issu en faveur de la région. 10% devront couvrir les coûts de titrisation, 10% le financement au titre du budget de la région, 10% pour le budget de solidarité des régions, 20% au fond d’investissement régional géré par la Banque des Régions disposant aussi du reste, soit 50% pour servir de garantie bancaire aux investissements des régions. Une telle répartition fera des régions des pôles de croissance économique par la création de véritables entités économiques tout en diffusant les tensions issues des contradictions foncières, au plan local pour que les élites qui tireront largement leur financement des revenus de la terre, veillent à la conduite pacifique des crises et n’en tirent pas l’occasion d’une instrumentalisation des peurs et autres ressentiments locaux. Les régions n’attendront plus la visite du Prince du Palais Présidentiel pour égrener leurs revendications mais serait gérée par leurs élus sur le long terme, sur des bases non partisanes qui laissent la porte ouverte à la manœuvre politicienne. Ces images de population convoquées par le Prince pour avoir sa bonne nouvelle sont indignes d’une élite qui se sait kleptocrate et rentière, instrumentalisant la pauvreté des populations pour justifier le maintien d’un système honteux. Si cette réforme est faite, il restera alors à l’état de sécuriser, dans ce domaine foncier rural régional, le domaine de production des cultures de rentes.

Si Houphouët-Boigny avait inventé la Caisse de Stabilisation pour financer le développement économique et social de l’ensemble de la population ivoirienne, l’appropriation par des entités floues au plan juridique de cette rente ne se justifie aucunement d’autant plus que l’état reste fragile et inopérant quant à leur contrôle. La preuve en est que les autorités qui gérèrent le café-cacao sont l’objet d’un procès depuis 2008 et que la baisse structurelle de la production entre 2010 et 2013, passant ainsi de près 1.5Mt à 1.3Mt, prouve l’urgence d’une nouvelle politique agricole. C’est pour cela que nous proposons la suppression pure et simple des autorités de régulation des secteurs de produits agricoles et leur remplacement par une société des producteurs qui sera responsable de la gestion globale, y compris de la planification stratégique du renouvellement des plantations. C’est pour garantir une base juridique à cette entité qui devrait recevoir directement les taxes allouées à l’autorité de régulation, et permettre aux producteurs de maîtriser leur production, donc l’offre et le prix de vente, que l’état doit prendre 10% de cette somme pour financer la couverture fiscale de l’ensemble des plantations concernées. En d’autres termes, l’état donnera le titre foncier aux 2.3M ha cultivées pour le domaine du café-cacao. Les 10% devraient largement couvrir collectivement le titrage des plantations concernées mais aussi la taxe foncière annuelle. Ne pas prévoir une mutualisation de la fiscalité indirecte pour les paysans devenus propriétaires, serait les laisser, à terme, entre les mains de puissances occultes qui n’attendraient que le moment de leur paupérisation ultime, pour faire main basse sur les millions d’hectares de terre. Il ne s’agit donc pas seulement de donner les terres. Il s’agit surtout d’en garantir une gérance perpétuelle pour ne pas que la structure de la propriété terrienne qui a fait la stabilité à long terme de la nation, la prédominance des petites exploitations agricoles, ne finissent par faire naitre un type nouveau dominé par les grands propriétaires terriens, personnes physiques comme personnes morales, aux moyens financiers illimités, en comparaison des petits paysans ivoiriens et africains.

Une fois cette dimension juridique gérée, il restera alors aux acteurs concernés, par le biais de la Commission Régionale du Foncier Rural et sa représentation au niveau du village, de faire l’historique sur des plantations pour en établir la propriété effective, avant de donner le titre à un propriétaire qui en serait le vrai propriétaire. La commission villageoise, comprenant les représentants des propriétaires coutumiers, l’autorité villageoise et ceux des populations allogènes, devra rétablir la vérité sur l’histoire des parcelles pour qu’ensemble, chacun fasse preuve de responsabilité. Parce qu’en Côte d’Ivoire, comme partout ailleurs dans le monde, la terre a une histoire et nul ne saurait l’outrepasser pour justifier quelques appropriations dans la violence individuelle ou étatique. La Colonisation ne l’a pas réussi. Penser le faire serait simplement faire preuve de myopie politique et d’ignorance des leçons de notre histoire commune.

Si cette perspective méthodologique est adoptée, alors il restera à l’état et la Société De Producteurs (SDP) de repartir le reste de la taxe indirecte. Ainsi, 20% iront au financement de la couverture médicale des producteurs au travers d’un programme de construction de centres de santé ruraux, 10% pour l’administration de la société des producteurs et 60% pour l’investissement direct dans le renouvellement et l’outillage des plantations, l’amélioration des plants par la recherche. Ces 60% seront gérés par la Banque des Régions pour le compte des Sociétés De Producteurs de chaque secteur agricole comme le café-cacao, le coton, l’anacarde, etc. La Banque des Régions, en intégrant l’ensemble des revenus issus de la taxe indirecte prise par les autorités de régulation étatique actuelles sur tous les secteurs d’activités du domaine rural, constituera un instrument de collecte de fonds, d’investissements et de garantie bancaire. C’est la SDP de chaque secteur qui sera responsable de la politique de financement stratégique pour la modernisation des plantations et le bien-être de ses actionnaires que sont les producteurs, quelle que soit leur origine ethnique ou nationale.

Ainsi, l’aspect juridico-financier réglé, il restera alors aux populations allogènes dont le nombre exact sera connu en raison du recensement général de la population qui est prévue pour fin 2013, de faire la procédure de demande de la nationalité par déclaration pour celles qui sont installées dans les régions avant 1993 et qui le souhaitent. Pour leurs enfants nés en Côte d’Ivoire, la même procédure leur sera appliquée à leur majorité légale qui est 18 ans. Un amendement de la loi sur le foncier rural et la nationalité, adopté par consensus par le Forum National de Réconciliation, et soumis au référendum tout comme le seront les amendements de la constitution, permettra à cette population cible de choisir ce qu’elle veut. Il ne s’agit pas de lui faire croire qu’elle sera ivoirienne pour devenir propriétaire sans garantir la préservation de ses droits autrement que par un état de guerre permanente avec les autochtones, faisant ainsi de populations venues à la recherche d’un mieux-être, l’esclave d’une élite qui ne verrait que son intérêt de conserver le pouvoir sans se soucier de la destruction, à terme, des espérances du « Vivre Ensemble » qui est pourtant le leitmotiv de son engagement en politique.

Un refus de la méthodologie consensuelle est une politique aventuriste qui laisse la porte ouverte aux extrémistes et cela, le peuple de Côte d’Ivoire, les pays de la sous-région d’où sont originaires 90% de la population étrangère de la Côte d’Ivoire, enfin la communauté internationale qui a investi autant de moyens financiers et militaires pour mettre fin à la crise née du coup d’état manqué du 19 septembre 2002, doivent dire NON à une telle perspective apocalyptique. La Côte d’Ivoire Nouvelle qui est déjà en marche est capable de surmonter son grand défi du passage de l’état postcolonial néo-patrimonial, des prestidigitateurs et affabulateurs corrompus, qui fut la caractéristique principale de la 1ère et de la 2ème République pour entrer dans la 3ème République, celle du citoyen nouveau, de l’état démocratique participatif, de l’économie capitaliste et sociale.

Deuxième Partie : Les Proposition : En finir avec la 2ème République, Vive la 3ème

De la question de la nature et de la gestion de l’état postcolonial

Comme nos propositions l’attestent, la priorité fondamentale des prochains mandats présidentiels réside dans le démantèlement systémique de la forme étatique héritée d’une part de la Colonisation, par la préséance et l’omnipotence du Président d’aujourd’hui, héritier du Gouverneur d’hier, et d’autre part par la mise en place d’une nouvelle dynamique politique qui privilégie la démocratie, la lutte contre la corruption par la suppression des rentes, l’émergence du citoyen résolument ancré dans la modernité et la lutte implacable contre le tribalisme.

La constitution est la base de toute société moderne. C’est pour cela qu’aucune réforme ne peut se faire en ignorant ce qui constitue le fondement de la constitution actuelle. Nombre de personnes croient que la présente constitution, issue du coup d’état et des faux débats sur l’origine ivoirienne exclusive par le droit du sang du Président de la République, est mauvaise. Il n’en est rien. C’est une constitution qui est une avancée extraordinaire mais dont certains points doivent être amendés pour qu’elle devienne le substrat d’une 3ème République forte, démocratique et progressiste.

Bien entendu, l’article 35 qui veut que le Président de la République soit de père et de mère ivoiriens et eux-mêmes ivoiriens n’a pas de sens au regard de l’histoire de la Côte d’Ivoire coloniale. Car remonter à la période précoloniale dans les origines des potentiels présidents est une hérésie juridique puisque la Côte d’Ivoire en tant que telle n’existait pas. Il s’agit par conséquent de dire simplement que le candidat doit être ivoirien puisque le code de la nationalité exclu toute nouvelle personne naturalisée du processus électorale pour une période qui varie entre 5 ans et 10 ans. L’âge du Président, dans un pays qui met à la retraite les cadres de 65 ans, ne devrait pas dépasser 70 ans ou être en dessous de 40 ans.

La deuxième réforme doit concerner les prérogatives du Président de la République qui est le centre et la finalité du pouvoir. Il importe de donner des pouvoirs à l’Assemblée Nationale pour les nominations des ministres et des directeurs centraux de l’administration et des forces de défense et de sécurité ainsi que des dirigeants des entreprises à majorité étatique pour ne pas que le « rattrapage » aujourd’hui « ethnique », et de toujours clanique, demain soit la règle dans une république qui se veut moderne.
La troisième réforme devrait concerner le gestionnaire constitutionnel de la prise ou de la gestion du pouvoir présidentiel, le Conseil Constitutionnel. Il importe de rendre obligatoire sa saisine sur toute question qui relèverait de ses compétences. Ensuite, il est impérieux que la durée des mandats soit indépendante du mandat présidentiel. Ainsi, si le mandat du Président du Conseil Constitutionnel doit être à vie, celui de ses 9 conseillers devra être de 12 ans non renouvelable avec en prime, 3 issus de la Présidence de la république, 3 des groupes parlementaires, 1 des magistrats (de préférence le plus haut gradé dans la plus haute hiérarchie), 1 de l’ordre des avocats (le plus ancien des bâtonniers) et enfin, 1 issu du monde académique (le plus ancien des doyens des universités ivoiriennes par exemple). En ajustant ces réformes à celles d’autres articles tout en maintenant les acquis comme la suppression de la peine de mort, l’interdiction de conduire les Ivoiriens en exil par l’instrumentalisation de la violence étatique, etc., les amendements de la constitution actuelle donneront naissance à un état démocratique, respectueux des libertés, et forcément fondé sur l’argument de la Loi et non celui de la Force.

Il est clair que ces propositions vont de pair avec celle de la mise en place d’une Commission Nationale sur les Biens Mal Acquis qui jugera en première instance tous ceux qui auront été coupables de détournement de biens publics, et préviendra, dans le futur l’enrichissement illicite, la corruption. Cette réforme s’impose si nous voulons éviter les erreurs du passé et remettre la Côte d’Ivoire sur les rails d’une morale politique collective qui refuse que l’enrichissement, par tous les moyens y compris la prise des armes ou le vol, la corruption, soit le moyen de prédilection d’ascension sociale. Aucune société ne peut progresser moralement si l’argent est son fondement et sa finalité et si cette option n’est pas punie par la loi et mise aux bancs de la société par l’ensemble de la population. La lutte contre la corruption et le banditisme des cols blancs est une priorité dans un pays qui voit une flambée des coûts de production, presque 30%, en raison de la corruption systémique. Cela est inadmissible, politiquement et moralement. En faisant la politique, on est dans un sacerdoce du service public, non dans le rôle d’un mafieux qui n’a ni règle, ni moral. Même dans la Mafia, il existe des règles.

Si notre engagement reste de faire de notre pays une puissance économique et politique, nous devrions accepter de faire en sorte que le pouvoir soit conquis par des règles transparentes, se gère dans la transparence et se perde aussi dans la transparence. Les Commissions Electorales dont le rôle principal est de donner une légitimité populaire aux institutions de l’état, ne peuvent pas être le moyen d’un clan, d’une tribu, encore moins d’un Président pour conserver le pouvoir. Le Forum de Réconciliation doit mettre en place les règles de la transparence des élections avec une Commission Electorale véritablement indépendante des partis politiques et financièrement autonome pour lui donner les fondements institutionnels qui vont de pair avec la liberté et l’indépendance. La Commission Electorale ne peut pas être le triomphalisme du « rattrapage ethnique » ou partisan et être indépendant, en plus d’être illégal puisque les accords qui ont fondé sa naissance, à Pretoria en 2005, ne lui donnaient que la prérogative des élections générales. Nous en avons fait cas au Conseil Constitutionnel qui n’a pas daigné nous répondre, certainement parce que nous n’avons pas les armes à la main pour en imposer à ceux qui proclamaient le respect du droit comme fondement de leur vie. Il n’est pas juste de faire perdurer l’imposture institutionnelle et légale et il importe que le Président Ouattara dissolve la CEI de tous les échecs en matière d’organisation des élections et que, avec le Forum de la Réconciliation 2, une nouvelle CEI naisse pour enfin donner des élections sans effusion de sang aux Ivoiriens.

Au total, ces propositions ont pour objectifs immédiats de faire en sorte que la classe politique ivoirienne se divise sur la ligne des idéaux et non de l’animosité par rapport aux individus. Nous appelons donc l’ensemble des Démocrates et des Républicains, qui pensent que notre vision rejoint la leur, à une Alliance des Démocrates et des Républicains (ADR) pour conduire une lutte implacable contre le système actuel dont le but reste l’enrichissement des élites dirigeantes et la guerre comme mode de résolution des contradictions sociales et politiques. Cette lutte sera quotidienne, diverse mais est juste parce qu’elle ne cherche qu’à faire émerger notre nation des débris de la déchéance que lui impose une guerre rentière immorale. Il nous reste, par conséquent, à préciser clairement le mode opératoire de cette lutte pour que chaque ivoirien fasse son choix sur la base de notre engagement ferme à faire respecter ce pour quoi nous avons rêvé, en nous mettant dans la lutte historique pour la démocratie, la défense des intérêts de notre pays et le changement radical de la culture politique des élites ivoiriennes.

Troisième Partie : Conditions pour une élection sans effusion de sang

3- Perspectives de la Lutte pour la Démocratie et le développement en Côte d’Ivoire

Notre combat s’effectuera en deux phases : celle de l’obtention des conditions d’une élection sans effusion de sang par le biais du consensus national sur toutes les questions soulevées plus haut et celle de la bataille électorale en soi.

A- Obtenir des conditions d’une élection sans effusion de sang.

Comme nous l’avons signifié un peu plus haut, il importe de changer de méthode. C’est pour cela que nous voulons faire des appels directs d’abord au Président de la République, M.Alassane Ouattara, ensuite à l’ensemble du peuple ivoirien, pour que nous puissions réussir cette transition par la voie pacifique..

Appel au Président Ouattara : Entrez, Cher Aîné, du bon coté de l’Histoire !

Notre vision est que le Président Ouattara ne doit pas être candidat à sa propre succession parce qu’il se mettrait dans la même logique de confiscation du pouvoir par tous les moyens, cause principale de la violence dans notre pays. Il ne peut pas avoir été la victime d’une telle approche et lui-même s’inscrire dans la même logique. Cela n’est pas rationnel. Si nous comprenons qu’il souhaite se succéder à lui-même car la Constitution le lui permet, il n’est pas POLITIQUEMENT UTILE qu’il le fasse parce que ces élections prochaines avec lui comme candidat, sans Gbagbo et Bédié, ne seraient pas JUSTES. S’il souhaite être candidat, il importe aussi que les deux autres candidats de la présidentielle de 2010 le soient pour que le peuple de Côte d’Ivoire sache enfin qui a gagné, dans la transparence absolue, sous la supervision ou l’organisation du scrutin par l’ONU. Car il faut que la vérité soit le fondement de la république et non le mensonge. Nous pensons que cette proposition est rationnelle parce qu’un sentiment d’injustice plane, d’une part pour les militants du PDCI qui estiment, jusqu’à ce jour, qu’ils ont été volés et par les supporteurs de Gbagbo qui restent radicalement convaincus que les Forces Nouvelles ont contribué à tricher pour Ouattara. La seule chose qui justifie le maintien de Bédié à la tête du PDCI reste, pour nous, sa volonté de faire en sorte que le pouvoir lui revienne par la voie électorale, pour laver son honneur bafoué en raison du coup d’état. Gbagbo ne peut pas être tenu pour responsable de la violence et être maintenu dans les liens de la prison si, pour ses supporteurs comme pour lui, Ouattara n’a pas gagné les élections mais a été imposé par une communauté internationale instrumentalisée par le Président Français, Nicolas Sarkozy, ami personnel de M. Ouattara. Voilà pourquoi aucun des trois camps ne veut s’asseoir à une table de négociation pour ne raconter que des balivernes quand aucun ne veut admettre la réalité de sa position lors du premier tour des présidentielles de 2010. Si Ouattara est donc candidat, qu’il accepte d’organiser cette deuxième mi-temps, entre lui, Gbagbo et Bédié, pour que la vérité des urnes soit le fondement de la réconciliation nationale.

La question épistémologique reste de savoir si cette perspective préviendra une autre guerre ? En effet, un remake de 2010 pourrait-il éloigner le spectre de la guerre pour le pays ? Si nous en doutons, ne serait-ce qu’une seconde, alors il importe de nous rendre à l’évidence. Il n’est pas juste de suspendre la vie de 22 Millions de personnes et de millions d’autres (par la présence des partenaires économiques de notre pays), par la volonté de continuer la confrontation entre Ouattara, Bédié et Gbagbo. Bien plus, Ouattara ne peut pas vouloir se succéder à lui-même et en même temps, vouloir réunir des conditions impartiales d’une élection démocratique, transparente et sans effusion de sang. A quoi lui servirait-il alors de condamner Gbagbo ou de se reconduire quand le résultat, dans le moindre cas, serait un déni de liberté et de démocratie, et dans le cas tragique, la mort de milliers de personnes ? Or, en n’écoutant pas l’entourage qui le pousse à se représenter et à lui tenir le langage de son indispensabilité pour la République, il aura fait le choix de Mandela qui a laissé aux Thabo Mbeki et Jacob Zuma de s’assumer en tant que leaders étatiques. Aujourd’hui, Affi Nguessan semble de plus en plus capable de maintenir la flamme du FPI avec Gbagbo à la Haye. La Côte d’Ivoire a survécu à la mort d’Houphouët-Boigny. Aucun individu n’est indispensable à la survie ou non d’une nation. Comme le Président Barack Obama le disait à Accra, l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes. Ouattara, crème de l’élite africaine, doit se rendre compte que le choix que lui semble imposer son entourage n’est pas dans sa destinée. Ayant lutté pour que le mode de succession héréditaire ne soit pas le fondement de la république, il ne peut pas ne pas en tirer les leçons pour se mettre au-dessus de la mêlée pour permettre aux Amadou Gon Coulibaly, Ahmed Bakayoko ou alors Soro Guillaume qu’il baptisa du nom de « père de la dignité des peuples du Nord » lors de son voyage dans son bastion électoral du Nord, de briller et de voler de leurs propres ailes. L’option de sa candidature ouvre la voie à celle de sa classification dans le groupe de ceux qui ont choisi le pouvoir contre l’histoire. L’Afrique et la Côte d’Ivoire en ont assez de ces leaders qui ne veulent pas entrer dans l’Histoire -du bon côté- en traficotant avec la démocratie pour des intérêts bassement sectaires, claniques, tribalistes. Il est du devoir du Président Ouattara d’éviter une autre guerre à la Côte d’Ivoire et c’est pour cela que nous lui demandons de sauver la Côte d’Ivoire en acceptant de présider le processus de formation de la 3ème République, pour nous faire rentrer dans la modernité par son sacrifice de soi. C’est cela être un Grand Homme d’Etat. Cela nous prouvera aussi que ces lois sur la nationalité et le foncier rural n’ont aucune connotation électoraliste. Bien que le choix reste le sien, nous souhaitons vivement qu’en se retirant volontairement, il encourage Bédié et Gbagbo à laisser derrière eux cette guerre des Famas pour que la Côte d’Ivoire ouvre une nouvelle page de son histoire qui sera, dans ses conditions, forcement positive, optimiste et résolument moderne. Voilà, en notre sens, l’attente profonde du peuple Ivoirien.

Appel au Peuple Ivoirien : Assumer notre Histoire et entrer dans la modernité

La Côte d’Ivoire n’est donc pas en crise identitaire, encore moins, en conflit avec elle-même, mais est malade des politiques et des visions de ses élites dirigeantes. Machiavel a élu domicile sur les Bords de la Lagune Ebrié et continue de faire son travail cynique de division pour mieux régner au travers des dirigeants. Parce que nous sommes de ceux qui ont lutté pour la démocratie, nous sommes aussi les témoins privilégiés de la mystification et du mensonge, du trafic de notre histoire récente, pour justifier des politiques, des décisions et des approches méthodologiques immorales et politiquement inacceptables.

Nous nous rappelons qu’au plus fort de la répression contre notre organisation, la Fesci, ce fut l’Imam de Sikensi, qui nous accepta chez lui pendant trois mois. Ce dernier nous disait que si le Président Houphouët-Boigny venait à savoir que nous étions chez lui, il n’oserait jamais envoyer des policiers ou des militaires nous arrêter. Cette affirmation de ce grand homme se vérifia quand l’indélicatesse de certains membres du Bureau Exécutif National, attira les regards des services de renseignement qui étaient à nos trousses. Et, comme le confirmera plus tard, l’aîné Ali Kéita, la Direction de Surveillance du Territoire (DST), en fut informée. Lorsque le Président Houphouët-Boigny reçut Etté Marcel pour mettre fin à la grève des enseignants, il affirmera qu’il savait notre position mais ne ferait rien. Alors il avait décidé de négocier avec les enseignants pour que la crise prenne fin. Nous pouvons même soupçonner l’Imam d’avoir encouragé le Vieux à la négociation tout comme le Cardinal Bernard Yago le fit pour le pousser à accepter le multipartisme. Comment donc, avec de tels leaders religieux, dont le concours à la modernisation de la Côte d’Ivoire est su de nous, peut-on s’imaginer que notre pays pourrait s’effondrer à cause des contradictions ethniques et religieuses ? Leur force de caractère et leur intégrité morale avaient permis au Père de la Nation de compter sur leurs conseils avisés et désintéressés pour l’orienter dans la voie de la sagesse et du dialogue social permanent, dans un pays en pleine transition entre deux époques.

Assurément, il ne faut pas se tromper d’analyse. La crise que nous avons traversée n’est pas terminée parce que ceux qui gèrent l’état ne veulent pas entrer dans la voie de la sagesse comme nos pères et nos patriarches. Personne en peut transporter la terre avec lui tout comme personne ne peut partir dans l’au-delà avec ses richesses amassées sur la terre. Ce qui reste des hommes et des femmes, c’est le souvenir de leur travail pour leurs compatriotes et au-delà, pour leur pays. Il appartient à chaque ivoirien de veiller à ce que la culture de la violence prenne fin en devenant le gardien de son voisin, au moment où les politiques diverses nous divisent de plus en plus. Nous ne pouvons pas sortir de la guerre en semant les germes de la haine et des ressentiments. Mais en même temps, nul ne peut rejeter la faute sur l’autre s’il ne reconnait sa propre faute. Dans la guerre, il n’y pas de vainqueurs et de vaincus, si les valeurs pour lesquelles ces affrontements entre peuples d’un même pays ou des états, ne sont ancrées dans la morale et l’humanisme. Il est encore temps de faire rupture avec ces visions guerrières et imposer la paix et le dialogue comme mode opératoire des règlements des contradictions sociales et politiques.

La Côte d’Ivoire du Roi Café-Cacao est morte. Notre propre histoire justifie la présence de nombre de nos parents de la sous-région. Si nous avons bénéficié, à quelque niveau que ce soit, du fruit de leur apport à notre économie national, il n’est pas moralement admissible de les rejeter pour quelque raison que ce soit. Il est vrai que la crise économique nous pousse à de nouvelles approches. Cependant, nous ne pouvons pas renier notre propre histoire en considérant comme des étrangers, des hommes et des femmes qui ont aidé cette nation à être là où elle est, par leur travail. Le temps du Réveil est venu. Il s’agit de nous asseoir autour d’une table pour discuter des solutions possibles pour faire avancer notre pays. Il importe cependant de noter clairement que notre pays ne peut pas accepter des conditions qui lui seraient dictées sous l’emprise des armes. Cela serait le signe d’une capitulation, d’une défaite collective. Et cela est une option que nous écartons radicalement parce que nos parents n’ont pas vaincu l’esclavage, la colonisation et nous-mêmes n’avons pas mis fin au parti unique en nous assujettissant, mais bien en relevant la tête et en nous organisant pour atteindre ces objectifs, par la voie pacifique.

B- Le Programme d’action

Nous allons lancer dans les jours qui suivent, le programme qui suit :

• Saisine des chancelleries pour expliquer nos propositions pour privilégier une action diplomatique permettant de convaincre Ouattara d’organiser le Forum de réconciliation 2

• Rencontres diverses avec les leaders d’opinion et organisation pour expliquer nos propositions et obtenir une plateforme de l’opposition non armée

• Une pétition demandant au Président Ouattara de ne pas se présenter aux prochaines présidentielles pour éviter la guerre, la plus dangereuse, au pays, et pour qu’il devienne le Mandela de la 3ème République pour lui montrer que le peuple veut clairement sa sortie sans la violence.

• Dans le cas contraire, qu’il prenne, par l’Article 48, la décision d’autoriser Bédié et Gbagbo, qui n’est que dans les liens de la détention préventive et non encore coupable, donc juridiquement éligible, d’être candidats. Ainsi, 2015 sera le match retour des présidentielles

• Une action de sensibilisation par quartier pour que la guerre qui peut être évitée ne soit pas le lieu de tuerie entre voisins dans les quartiers. Les Sentinelles de la Paix devront sensibiliser les différentes composantes des quartiers à refuser la confrontation entre voisins, quelles que soient les raisons, pour ne pas permettre aux politiciens mal intentionnés d’aboutir à leur objectif de destruction finale de tout ce qui a été construit par nos pères

• Nous allons travailler à la mise en place de la Coalition, l’Alliance des Démocrates et des Républicains dont le but sera exclusivement de lutter pour obtenir des conditions d’une élection transparente, notamment, l’organisation du Forum de Réconciliation 2 et la modification de la Constitution et des procédures et institutions électorales. Notre proposition sera de faire une plateforme sur la base de ce présent programme pour que les partis, organisations sociales et individualités qui le souhaiteraient, organisent des primaires en leur sein pour avoir un seul candidat pour les présidentielles et un candidat pour les législatives dans leurs circonscriptions. Notre proposition est de coupler les présidentielles et les législatives

• Considérant que notre pays ne peut pas se développer sans l’apport de ses propres enfants, nous mettons en place la Investment Cooperative of Africa ( INVESTCOOP AFRICA), la grande tontine qui nous permettra d’allier la mutualisation de nos disponibilités financières et l’efficacité dans la gestion des projets collectifs comme personnels. Dans cette optique, nous pensons que la diaspora ivoirienne a son rôle crucial à jouer. Il importe aujourd’hui que nous sachions que seul le travail de l’argent, à travers des projets de mobilisation de l’épargne collective sur des projets d’investissements fructueux, ouvrira une ère nouvelle à notre pays. Qui plus est, il reste important pour la diaspora de faire en sorte que leur pays d’origine émerge. Nous avons là, en perspective, une autre base sociale de l’émergence du capital national, cette fois-ci mutuelle capitaliste, pour le renforcer de nos capacités. Focaliser sur les projets dans le domaine foncier rural, notamment par sa participation à la levée de fond pour la titrisation des terres des régions, et le financement des sites internet des régions, InvestCoop va permettre aux élus locaux de pouvoir compter sur l’expertise internationale tout comme l’internationalisation de leurs rapports au monde du développement.

Conclusion

Notre foi en la lutte pour la démocratie est fondée sur notre vision d’une Afrique qui fera sa propre révolution. Né dans une famille dont le père fut un des pionniers de notre lutte émancipatrice, nous ne pouvions qu’être du coté de l’intérêt national. Notre engagement est un sacerdoce pour le triomphe des valeurs morales. Nous sommes prêts pour assumer nos responsabilités pour mener la bataille pacifique de l’avènement de la 3ème République, celle du citoyen libéré de l’emprise de la tribu, dans un état démocratique incluant la participation de tous, Ivoiriens d’origine comme Ivoiriens d’adoption. Car cette terre a une histoire, celle du travail de tous pour le bénéfice, pas uniquement de l’Ivoirien, mais de toute l’Afrique. Nous avons participé ainsi à la libération de notre continent du joug colonial. Nous devons le faire pour la renaissance africaine, celle des instituions fortes et non des hommes qui ne veulent pas savoir qu’ils passeront mais que les pays resteront, pour travailler, non pas pour leur personne, mais pour une cause, une vision.

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