Lu dans le Nouveau Courrier
Interviewé par la webradio INRI, dans l’émission «Jacques Roger Show», l’ancien député de Bako, Mamadou Ben Soumahoro a évoqué, pendant de nombreuses heures, l’actualité socio-politique de Côte d’Ivoire. Larges extraits de sa prise de parole.
A propos de sa prétendue xénophobie
J’ai 72 ans. Je suis du Nord profond de la Côte d’Ivoire, tout près de la Guinée de Sékou Touré. C’est fort probablement que ma mère ivoirienne est originaire de cette Guinée-là. Mes arrières-grands parents sont venus, dit-on, de la région de Tombouctou au Mali, longtemps avant 1893. Je suis né à Abidjan-Adjamé le 7 mai 1941. Grâce à Dieu, j’ai formé moi-même une énorme famille en basse Côte d’Ivoire. L’une de mes dernières filles est née à Cocody d’une mère franco-malienne née elle-même à Dakar. La grand-mère de ma fille est voltaïque et française. Son arrière-grand-mère est voltaïque et peule. Son grand-père est Malien de Bougouni. Avec une telle branche et mon arbre généalogique, je ne vois pas comment je peux être accusé de xénophobie.
Mais laissez-moi au moins dire librement et clairement que je n’aime pas Alassane Dramane Ouattara à cause de son projet d’envahissement frauduleux de mon pays (…). Tout le problème est là. En plus, il se permet d’échouer sur toute la ligne dans la gestion du pays.
Un problème personnel avec Ouattara ?
Je n’ai dit qu’un aspect de la raison pour laquelle je ne l’aime pas. Parce que je le connais bien. Il y a près d’une quinzaine d’années, j’ai quitté son parti et j’ai dit pourquoi j’ai quitté son parti. Je ne peux pas aimer un homme qui monte un plan d’occupation de ce pays par la force. Il est en train de casser toutes les structures du pays, notamment en prenant des gens parfaitement incapables de gérer ce pays, comme lui-même. Et puis en prenant des Blancs, pour gérer, par devers tout le monde, ce pays. Mais cette époque est passée ! Des Blancs qui gouvernent ! (…) On avait des gens capables avec Laurent Gbagbo, et même avant Gbagbo, des gens compétents pour gérer ce pays. Mais pourquoi veut-il mettre, au XXIème siècle, un schéma et un plan plus que colonial ? Vous voulez que j’aime un homme de cette nature ? (…) Je ne peux pas accepter que M. Ouattara vienne casser son pays, extorquer ce pays au bénéfice des étrangers, juste pour sa gloriole personnelle. Je ne peux pas accepter que M. Ouattara prenne la Côte d’Ivoire pour une vache à lait et mette un plan de colonisation de la Côte d’Ivoire par le Burkina Faso.
Tout est fait au profit de la Haute-Volta. Une autoroute qui allait ailleurs a été détournée pour aller au Burkina Faso. Lorsqu’ils ont des plans à monter pour nous exploiter, ils se réunissent à Yamoussoukro pour prendre des décisions dans notre dos, avec des ministres parfaitement incapables de comprendre ce qui se passe. M. Ouattara a un plan, et ce plan vient de loin. (…) Pourquoi aurais-je un problème personnel avec M. Ouattara, sinon qu’il remet en cause tous les efforts qui ont été faits dans ce pays et qu’il remet la Côte d’Ivoire entre les mains de la nouvelle colonisation de l’Afrique ? Avons-nous déjà vu sur cette Terre un pays qui se lève et vient bombarder un pays souverain pour installer quelqu’un au pouvoir ? C’est seulement en Côte d’Ivoire que cela s’est produit. Au nom de quoi devrais-je aimer un homme qui est l’instrument de toute cette politique coloniale ?
Ben Soumahoro, prophète ?
Bien sûr que je ne suis pas un prophète. J’aurais une grande clientèle que je ne pourrais pas satisfaire. Mais vous oubliez que j’étais à la création du RDR. Vous oubliez aussi que j’étais le porte-parole personnel de M. Alassane Ouattara, et que je l’ai défendu bec et ongles. Vous ne savez peut-être pas que la version de la nationalité ivoirienne de Ouattara, c’est moi-même, son porte-parole, qui l’ai donnée. Et il n’a jamais cessé de fonctionner dessus, alors que c’était un mensonge. J’ai avoué déjà à la Nation ! (…)
Je le connais, j’ai appris à le connaître, j’ai fréquenté des gens qui le connaissent. J’ai écouté son discours ! (…) Le conflit que j’ai eu avec lui est parti de ce que j’ai quitté son parti parce que je le voyais venir. La preuve : je vous ai dit ce qu’il allait faire, et il l’a fait. (…) Je l’ai vu parler avec les uns et les autres, et son seul plan était de prendre la Côte d’Ivoire, y compris par la force. C’est ce qui m’a fait partir. Et on ne me l’a jamais pardonné.
Le bilan économique désastreux d’Alassane Ouattara
Qu’est-ce que vous voulez que les institutions de Bretton Woods et les Nations unies disent ? Christine Lagarde est venue faire un grand discours à l’Assemblée nationale pour dire que tout va bien. Mais allez demander aux Ivoiriens à quel niveau se trouve l’indice de développement humain, le pouvoir d’achat, le coût de la vie… Le seul mot qui est utilisé par tous est « c’est dur ». (…) La première mesure que Ouattara prend, c’est de détruire le commerce informel. En Côte d’Ivoire, on compte 25 à 26 millions d’habitants. Combien y a-t-il de fonctionnaires et de salariés réguliers du privé ? Pas plus d’un million. Dans tous les pays du monde, quand ce n’est pas l’informel, ce sont les PME. Au Ghana, il y a environ 80% d’informel. C’est l’informel qui fait vivre la Côte d’Ivoire. Quand M. Ouattara, pour montrer qu’il va prouver que la Côte d’Ivoire est désormais différente et propre, envoie ses bulldozers à la Rue Princesse, combien de milliards de CFA détruit-il ? Aujourd’hui, on pourchasse les petits vendeurs dans la rue (…) Même à New York, j’ai vu des Sénégalais vendre dans la rue. Je n’ai vu aucune police derrière eux. C’est un économiste, ça ? Qui vient détruire le commerce informel et qui est capable de donner des salaires ? Il a renvoyé des milliers de personnes à la SOTRA, plus de 500 personnes à la RTI. Et vous voulez parler de bilan ? Il a surendetté le pays ! (…)
Il y a des Ivoiriens aujourd’hui capables d’avoir des entreprises, et de faire des routes. Il y a des entreprises ivoiriennes ! M. Ouattara arrive, et sur la base de contrats secrets ou presque secrets avec le Burkina Faso, donne pratiquement tous les grands chantiers de la Côte d’Ivoire aux entrepreneurs burkinabé. Et les Ivoiriens sont étonnés de ne pas voir l’argent circuler. Mais l’argent circule à Ouagadougou, pas à Abidjan. Les chefs d’entreprise qui viennent ici et ont l’autoroute qui doit relier la Côte d’Ivoire au Burkina Faso utilisent des cadres burkinabé, des employés burkinabé. Tous leurs salaires repartent au Burkina Faso. 50 ans après les indépendances, c’est le Burkina Faso qui nous colonise par la grâce d’Alassane Dramane Ouattara ? Qui a eu le chantier du pipeline pour aller à Bouaké et peut-être au-delà ? Qui a le marché des panneaux solaires dans nos villages, sinon des entrepreneurs burkinabé ? Le Palais des sports a été réhabilité par une entreprise burkinabé. On se moque de qui ? Les Ivoiriens ne voient-ils pas cela ? Les Ivoiriens du RDR eux-mêmes ne sont pas gênés de voir que ce sont les Burkinabés qui sont devenus les maîtres du pays ? Ne le voient-ils pas ? (…)
A propos du rattrapage ethnique…
Quand M. Ouattara déclare qu’on a été injuste avec le Nord, je ne peux pas dire que c’était tout à fait faux. Mais on s’en était accommodés. Mais les choses se corrigeaient depuis Houphouët-Boigny, et plus avec Laurent Gbagbo qu’avec d’autres. Mais quand il arrive, et qu’il parle de rattrapage – un terme grossier et inacceptable –, il renvoie des Ivoiriens de leurs postes, et il met à leurs places des Ivoiriens du Nord soi disant pour équilibrer les torts qui ont été causés au Nord. Et à la RTI, qui est l’organe le plus exposé, les Burkinabés et les Maliens sont là à la place des Ivoiriens. Le rattrapage dont il parle est honteux. Ce que je voudrais dire à mes frères dioula qui me détestent parce qu’ils ne comprennent pas que je puisse défendre un Bété – mais Ouattara m’aide à résoudre ce problème parce qu’eux-mêmes ont faim et sont écartés des chantiers – c’est que Ouattara s’est servi d’eux et les a jetés comme du kleenex. Ils le sentent aujourd’hui et ils pleurent plus que les autres Ivoiriens. Et ils ont honte. Ils ne peuvent pas le dire. Ils vont jusqu’à dire : «Ben dénonce tous les jours M. Ouattara. C’est pas faux mais pourquoi c’est lui qui le dit ?» Et pourquoi ce ne serait pas moi ?
Le bilan de Ouattara c’est affamer la Côte d’Ivoire. (…) Pendant la crise post-électorale, quand on a pillé les maisons et arraché toutes les voitures, où est-ce qu’elles se sont retrouvées ? C’est à Ouaga 2000 ?
A propos de Gbagbo et du double jeu de Guillaume Soro…
Un jour, je dis au président : « Tu sais, ton Soro Guillaume là, je ne l’aime pas. Ils ont des têtes de voyous, tes gens-là. Ils ne sont pas bien. Et ton histoire de flamme de la paix à Bouaké, je n’irais pas. Si tu ne me vois pas, tu vas te poser des questions. Mais je te préviens, je n’irai pas à Bouaké. Parce que je n’ai pas confiance en ces gens. » Le président m’a répondu, ce jour-là : « Tu as probablement raison. Mais je suis président. Je suis obligé de faire avec tout le monde. » Il avait sans doute raison.
Où est «le peuple de 54%» de Ouattara ?
A aucun moment, depuis que les élections sont terminées, et que Ouattara a proclamé qu’il était gagnant, on n’a vu «le peuple de 54%» de Ouattara manifester en sa faveur. A aucun moment, on n’a vu les 54% des votants de Ouattara manifester. Nulle part. Même pas deux ans après. Où sont-ils ? Mais il y a pire que cela. (…) Gbagbo Laurent avait proposé que l’on recompte les voix (…) Si j’étais Ouattara – Dieu merci, je ne le suis pas –, je sortirais les résultats, tous les résultats, je les publierais et j’affirmerais : « voici la preuve que j’ai été élu ». C’était la chose la plus simple à faire. (…) Pourquoi ne le fait-il pas ?
A propos des lois sur la nationalité et l’apatridie
J’ai entendu un ministre que je ne nommerai pas – parce que j’ai envie d’être gentil avec lui aujourd’hui – dire que la loi sur le foncier, la loi sur la nationalité, c’est une bombe à retardement. Mais c’est une erreur grave. Ce n’est pas une bombe à retardement, c’est une bombe sans retardement. Je suis convaincu que les Ivoiriens n’accepteront pas ça longtemps. (…) Ils n’ont pas accepté la loi sur la double nationalité d’Houphouët-Boigny lui-même et c’est Ouattara qui va nous imposer une loi sur l’apatridie !
Avril 2011 : Révélations sur «la mort programmée» de Gbagbo
Il y a des choses qu’on écrira un jour. Mais laissez-moi vous dire une chose. Le 5 avril 2011, quand j’ai dû quitter ma maison parce qu’un commando est venu pour m’attaquer, attaquer ma maison et tuer ma famille, ils ont tout pillé. Qui était à la tête de ce commando ? M. Chérif Ousmane ! Il a pris toutes mes voitures, celles de mes enfants et celles de ma femme. (…) Ce soir-là, j’ai un ami qui m’appelle de Paris et qui me dit : «On a besoin de toi. Ouattara me dit de te dire de parler à Gbagbo qui n’écoute personne. Il faut aller lui dire de démissionner ou de s’en aller, sinon il va le tuer.» (…) La mort de Gbagbo était programmée. Mais Gbagbo est protégé par le Seigneur. On devait le tuer. On m’a fait tout le scénario. On m’a même cité toutes les personnes qui étaient dans ce qu’ils appellent le bunker (…) On m’a donné le détail de tous ceux qui étaient là-bas. «On va les tuer tous» !
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