En lisant ta chronique intitulée « Bogota (Soro Guillaume): la globalisation n’est pas la colonisation ni la politique ivoiricide, le contraire de l’Ivoirité », je n’ai pu m’empêcher de réagir à tant d’approximations et de légèretés de ta part sur des sujets aussi essentiels que la nationalité et le foncier rural.
Par Doua Martial, ancien SG de section FESCI (Abobo), ancien membre du BEN SYNESCI, enseignant
L’exercice, je le reconnais, n’est pas du tout aisé: s’exonérer par la rhétorique de ce qu’on est, n’est pas à la portée de tout le monde.
L’ivoirité, que tu te gardes exprès de définir dans ton brulot pour éviter l’effet du miroir, est un concept de pureté identitaire qui se caractérise par un comportement de rejet de l’étranger, considéré à tort comme la source de tous les maux de notre pays. Partant de cette définition et des thèses que tu défends si malhabilement, tu n’es qu’un Ivoiritaire. Et ce n’est pas le recours à un autre néologisme que je découvre sous ta plume qui changerait quelque chose, au contraire.
Bien que tu admettes volontier mener le même combat que les Ivoiritaires sur les questions liées à la nationalité et au foncier rural, tu t’empresses de t’en démarquer. Était-ce nécessaire quand les thèses parlent d’elles-mêmes ? Je pense que c’est un jeu d’équilibrisme dont nous sommes coutumiers, et un manque de courage politique et surtout de responsabilité de ta part.
Tu entretiens une confusion entre la naturalisation et la déclaration de nationalité. Si celle-ci est involontaire, c’est grave, si elle est volontaire, c’est encore plus grave.
Nous avons eu beaucoup d’échanges sur ces questions il y a peu. La réforme des lois sur la nationalité et sur le foncier rural dont tu parles concerne la modification de certains articles du code de la nationalité. Le vote du texte a donné deux ans aux personnes nées de parents étrangers, et âgées de 21 ans à la date du 20 décembre 1961, à celles qui ont résidé sur le territoire ivoirien avant l’indépendance acquise en 1960 et leurs enfants nés en Côte d’Ivoire et à celles qui sont nées par la suite sur le territoire ivoirien entre le 20 décembre 1961 et le 25 janvier 1973, qui sont donc des Ivoiriens sans le savoir, pour régulariser leur situation. Cette nouvelle loi permet aux personnes concernées de bénéficier de la nationalité ivoirienne « par déclaration » en lieu et place de la procédure de naturalisation qui était jusqu’ici en vigueur. Ce n’est pas honnête de parler ici de naturalisation, et encore de naturalisation massive.
Par ailleurs, tu écris que tous les pays de la sous-région « ont le droit de sang comme principe d’octroi de la nationalité. » Quel raccourci déroutant ! La nationalité ivoirienne, avec l’ajout du cas d’apatridie, s’obtient désormais de quatre manières : par la naissance (un parent ivoirien au moins), par le mariage (aussi maintenant de l’homme étranger), par la naturalisation et aussi pour « l’enfant trouvé » de parent inconnus. Réduire la nationalité au droit de sang, c’est confondre, soit par ignorance, soit par mauvaise foi, l’origine et la nationalité. C’est de l’Ivoirité primaire !
Partant des données du recensement de 1998, des données qui datent de 15 ans, données désormais bonnes pour l’Histoire, tu penses vraiment avoir trouvé l’argument d’autorité. Et tu t’enfonces dans une démonstration complètement absurde pour arriver au chiffre de 3 000 000 « d’étrangers à naturaliser ». Sais-tu seulement ce que c’est que l’apatridie ? Et dans ton recensement, sous quelle tranche les apatrides sont-ils repris ? Celles des Ivoiriens ? Ou des étrangers ? Dans l’un ou l’autre cas, quelle serait la fiabilité de ce recensement-là dont tu t’enorgueillis tant? Je te rappelle qu’un apatride est une personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. Donc, en principe, les apatrides ne sont pas dans les données que tu évoques. Question de logique !
Je n’ai vraiment rien compris au lien artificiel que tu veux créer entre la libre circulation des personnes dans l’espace CEDEAO et la question de la nationalité en Côte d’Ivoire. En essayant d’expliquer que parce qu’il y a la liberté de circulation, les gens qui circulent n’ont pas besoin de la nationalité ivoirienne, tu me perds complètement. Quel raisonnement ! La Côte d’Ivoire a décidé de réformer ses lois pour les adapter à ses réalités. C’est ça l’essence des lois, tu le n’ignores pas aussi ?
On entend souvent, et tu reprends l’argument à ton compte, que le président OUATTARA veut naturaliser des étrangers par clientélisme politique. C’est vraiment puéril comme argument. Lorsqu’on acquiert la nationalité ivoirienne, on ne peut prendre part à aucune élection avant 5 ans. Cela veut dire que ceux qui vont acquérir la nationalité très prochainement dans le cadre de ces nouvelles lois ne seront pas électeurs en 2015. Donc le président OUATTARA que les Ivoiritaires disent être « minoritaire » dans le pays va-t-il prendre le risque de compromettre le second mandat qu’il sollicite pour des personnes qui ne voteront qu’en 2020, c’est-à-dire à la limite de ses deux mandats autorisés par la Constitution ? Question de logique encore une fois !
Tu soutiens qu’il n’y a pas eu de discussion autour de ces lois. Comment appelles-tu ce qu’il s’est passé à l’Assemblée nationale ? N’eut été ton échec aux législatives du 11 décembre 2011, élections au cours de laquelle ton colistier et toi avez recueilli ensemble 114 voix, soit 2,12 % des votants de ta circonscription, tu aurais été parmi ceux qui ont discuté de ces lois ? Qu’aurais-tu fait en ce moment si les idées que tu défends aujourd’hui avaient été mises en minorité ?
Tu as été désavoué aux élections locales, tu devrais t’abstenir de parler au nom d’autres Ivoiriens parce que non seulement tu n’en as pas l’onction, mais aussi le mandat.
Tu abordes la question du foncier rural avec une simplicité incroyable. Les problèmes dans ce secteur ont toujours existé, c’est leur mode de règlement qui a changé. Naguère lorsqu’il y avait des problèmes de terres, la question se réglait à l’amiable, sous l’arbitrage soit du Sous-préfet, soit de la Chefferie traditionnelle. C’est vous, les hommes politiques ivoiritaires, comme le professeur Zadi Zaourou le soulignait à une de ses conférences en 2001 qui avez brouillé la coexistence pacifique entre les populations. Une réforme de ce secteur était attendue depuis longtemps, le législateur l’a fait, c’est un pas qualitatif. Il faut saluer le Parlement ivoirien sous la conduite responsable de son excellence SORO Guillaume.
Le PAN invite ceux qui, comme toi, ont encore une « conception étriquée de la nationalité » d’en sortir, parce que c’est de notre responsabilité commune de construire une Nation solidaire et prospère. Cette position avant-gardiste est inattaquable. Et elle sera défendue.
Martial Ahipeaud, tu es un Ivoiritaire qui ne s’assume pas, un Ivoiritaire qui s’ignore !
Martial DOUA
Ancien SG section FESCI – Abobo
Ancien membre du BEN SYNESCI
Enseignant
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