Dans cette deuxième er dernière partie de l’interview accordée à l’IA, Mamadou Touré parle de la méthode Charles Blé Goudé, et explique comment il a échappé aux escadrons de la mort en 2002 à la suite d’un meeting le 18 septembre à l’espace Sorbonne au Plateau. Sans faux fuyant, il donne aussi son avis sur la liberté provisoire accordée aux 14 pro-Gbagbo et sur la réconciliation nationale.
Vous parlez de réconciliation, pourtant on vous voit régulièrement sur des plateaux de télé, en train de défendre des positions partisanes et non des positions de rassemblement…
Qu’est-ce que vous appelez position partisane ? Lorsque nous partons en France, nous défendons la vérité. La vérité sur ce qui s’est passé dans notre pays, la vérité sur l’évolution de la situation de notre pays. Cette vérité est que, c’est le Président Alassane Ouattara qui a gagné les élections en novembre 2010 et que depuis 2 ans, les choses se sont nettement améliorées. Cela ne m’empêche d’être permanemment en contact régulier et d’échanger avec ceux qui ne pensent pas comme moi.
L’actualité c’est aussi la liberté provisoire accordée à 14 détenus pro-Gbagbo. Que pensez-vous de cette libération provisoire ? Et que comptez-vous faire pour le retour de ces jeunes qui sont encore en exil ?
La liberté provisoire est le fait de la justice ivoirienne, qui somme toute, travaille en toute indépendance. Mais, je conviens avec vous que cela a été favorisé, parce que le Président de la République depuis son accession au pouvoir, a fait de l’apaisement, de la réconciliation et de la cohésion sociale, son cheval de bataille. Ces libérations à mon sens, devraient permettre de renforcer les initiatives allant vers la réconciliation. Nous espérons simplement que le Fpi, qui avait fait de la libération de certains détenus un préalable à toute participation au processus politique, trouvera donc dans cet acte, une opportunité pour rentrer dans le jeu politique. Concernant les exilés et notamment, les jeunes, vous savez que le Président de la République, dès sa prise effective de pouvoir, a entrepris une tournée dans quasiment tous les pays où il y avait une forte colonie d’exilés pour leur demander de revenir. En plus du Président de la République, le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de la sécurité Hamed Bakayoko et d’autres personnalités ont mené plusieurs actions qui ont permis le retour de milliers d’Ivoiriens. Ces personnes sont rentrées en toute liberté, ces personnes ont, pour la plupart, repris une vie normale sans être inquiétées outre mesure. Pour ceux qui sont encore en exil, nous espérons qu’ils entendront les appels à la réconciliation et qu’ils retourneront en Côte d’Ivoire, car leur place c’est dans leurs pays. Vous savez aussi qu’un retour est volontaire. Donc, il faut peut-être que ces personnes se décident elles-mêmes à retourner. Nous verrons ce que nous pourrons faire à notre petit niveau, pour favoriser le retour de certains d’entre eux.
Vous avez créé la CPC qui est la coalition pour le changement et Alphonse Soro vous a lâché pour créer l’Alliance pour le Changement (APC). Que s’est-il passé pour que votre bras droit d’hier, puisse vous abandonner?
D’abord vous devez savoir qu’Alphonse est un ami et un frère. Il ne m’a ni abandonné ni lâché en chemin. Ce qui s’est passé, c’est qu’initialement, nous avons mûri ensemble le projet de mettre en place une organisation que nous avions bien voulu appeler la coalition pour le changement(CPC). A l’époque, l’ex-Chef de l’Etat Laurent Gbagbo était encore au pouvoir et s’appuyait sur certaines organisations de jeunesse comme la galaxie patriotique. Il fallait mettre en place une organisation de jeunes qui serait à même de répondre au niveau du débat démocratique et des actions citoyennes, aux initiatives prises par ces jeunes. Et aussi apporter un soutien à celui que nous considérions comme le meilleur cheval pour diriger la Côte d’Ivoire, c’est-à-dire, le Président Alassane Ouattara. Nous avons eu des divergences de vue sur l’approche, pas sur le fond avec deux logiques qui se tenaient. D’un côté Alphonse Soro estimait qu’il fallait garder une certaine neutralité jusqu’au bout, fédérer les jeunes autour du concept du changement, attendre la dernière ligne droite avant de choisir officiellement le Président Ouattara. Nous étions en Juillet 2009 et les élections étaient prévues initialement le 29 novembre 2009 donc de l’autre côté, nous avions estimé que nous n’avions pas assez de temps pour un tel exercice. C’est pourquoi, et c’est une position que j’ai défendue, nous qui estimions qu’à partir du moment où nous étions sûrs de notre choix, c’est-à-dire, Alassane Ouattara, il fallait fédérer les jeunes autour du changement qu’il incarnait dès le départ. Cette divergence d’approche a amené Alphonse à créer l’APC. Malgré cela, Alphonse Soro et l’APC sont engagés dans un travail remarquable dans le soutien au Chef de l’Etat. Aujourd’hui, avec beaucoup de recul, je peux dire que nous ne nous sommes pas trompés. Vous prenez la plupart des leaders jeunes, en tout cas, beaucoup d’entre eux qui ont rejoint notre campagne ou qui se sont affichés pendant celle-ci, l’ont été par le fruit de nos actions ou des dispositifs mis en place à travers les universités des temps libres (UTL). Quand vous prenez Zasso Patrick, même s’il nous a lâché par la suite pour Gbagbo, Boué Ange, Loukou Jeannot, Constant Koffi, Blé Achille dit ‘’esprit jeune’’, Monnet Julien, Kpadé Evariste, Emma Biako et Narcisse Poko qui ont piloté par la suite les Ado boy’s and girl’s, ce sont des jeunes que nous avons fait rentrer dans la campagne du Président à travers les structures mises en place. Nous estimions dès le départ, que le Président Ouattara incarnait ce changement et qu’il était une alternative crédible pour la Côte d’Ivoire. Comme d’ailleurs Blé Goudé avec le COJEP ou d’autres, le faisaient pour leur candidat. Ceci étant, n’ayant jamais eu de divergence sur le fond, la CPC et l’APC ont chacun, selon sa méthode, contribué après les élections, à la lutte pour la restauration de la démocratie dans notre pays. Aujourd’hui Alphonse et l’APC font un travail remarquable pour soutenir les actions du Président de la République.
En d’autres termes, la CPC est une copie conforme, ou plutôt une réplique au COJEP. C’est à croire que Charles Blé Goudé vous a fait rêver…
Charles Blé Goudé ne m’a jamais fait rêver. Le sens de mon engagement a été justement de démontrer qu’il pouvait exister une autre jeunesse, avec d’autres méthodes et approches dans l’action politique. Est-ce que nous avons réussi ? Je ne sais pas. Mais ce je peux vous dire, c’est que la CPC a été aux antipodes de ce qui a été le COJEP. Après mon départ de la tête de la CPC, en passant le flambeau, j’ai particulièrement insisté sur le fait que ceux qui animent cette structure ou y adhèrent, doivent donner l’image d’une jeunesse responsable, mature et non violent.
Au Rdr, dans les couloirs de la rue Lepic, certains jeunes ne connaissent pas le parcours qui fait de vous l’un des plus jeunes conseillers du Chef de l’Etat. Comment avez-vous connu le Président Alassane Ouattara ?
J’ai connu d’abord le Président de la République comme tout le monde en 1990. J’étais très jeune. Je venais d’arriver à peine au collège quand le Président Ouattara a été nommé d’abord président du comité inter-ministériel et ensuite comme Premier ministre. Donc, je l’ai connu à travers les médias. Et même tout jeune, j’ai appris à l’apprécier, à l’aimer. Il était pour moi un modèle à travers son parcours, sa rigueur et son acharnement au travail tout comme pour beaucoup de ma génération. Je me rappelle encore des débats que j’avais à l’époque à la Sorbonne au plateau pendant mes heures creuses de cours pour faire prévaloir ses idées. Mon engagement politique à l’époque a favorisé ma rencontre avec lui en juillet 2002. Après cette rencontre, notre engagement pour sa cause a été renforcé et cela ne s’est pas fait sans difficultés. J’ai connu plusieurs arrestations, deux tentatives d’assassinats après les évènements de 2002 et l’exil dans un premier temps à Bamako. Des cadres du RDR s’y trouvaient également, entre autres, Koné Kafana, Youssouf Sylla, petit Amadou dit Hams, de même que les parents du Président. Je suis retourné au pays le 15 juillet 2003 en même temps que les cadres et militants du RDR, à la faveur des accords de Marcoussis. Par la suite, je suis allé en Suisse où j’ai été chargé de communication et porte-parole de la délégation du RDR dans ce pays-là. Parallèlement à cela, j’ai été membre de plusieurs instances internationales de jeunesses. Bien évidement à faveur des élections, le Président Ouattara a bien voulu me faire confiance, en me nommant porte-parole pour la jeunesse. Voici un peu mon parcours politique.
Il se raconte que vous êtes un putschiste pour avoir dit à la Sorbonne au Plateau le 18 septembre 2002, qu’il allait y avoir un coup d’Etat contre Laurent Gbagbo le lendemain. Effectivement le lendemain, 19 septembre 2002, il y a eu un coup d’Etat manqué contre l’ancien régime. Etes-vous vraiment un putschiste ou un sachant des coups d’Etat ?
Ni l’un, ni l’autre. Non, ce n’est pas vrai. Ce qui s’est passé le 18 septembre 2002 relevait beaucoup plus d’une incompréhension qu’autre chose. Je vais vous dire exactement les faits. Le 18 septembre 2002, j’ai tenu à la Sorbonne un meeting comme nous avions l’habitude de le faire ; c’était un débat contradictoire avec les jeunes proches de Laurent Gbagbo. Au cours de ce débat qui s’est tenu dans un contexte de rumeur de tentative de coup d’Etat, j’ai fait un raisonnement où j’ai dit que pour régler durablement la crise politique, il fallait que Laurent Gbagbo accepte d’ouvrir le jeu démocratique. Et j’ai paraphrasé Laurent Gbagbo lui-même en 1999 qui a dit que ‘’le coup d’Etat contre le Président Henri Konan Bédié était un coup d’Etat républicain et salutaire. Parce que le président Bédié avait obstrué toutes les voies démocratiques ne laissant pas d’autres possibilités que le coup d’Etat’’. Ça, Laurent Gbagbo l’a dit. Donc, j’ai dit que ‘’si Laurent Gbagbo crée les mêmes conditions que lui-même a dénoncées en 1999 et que demain, (mais le demain ramenait à un futur,) il y a un coup d’Etat, dans les mêmes conditions, d’autres applaudiront comme lui-même a applaudi en 1999’’. Malheureusement pour moi, le lendemain jeudi 19 septembre 2002, il y a eu la tentative de coup d’Etat. Mes propos de la veille ont été pris au premier degré. Le « demain » qui pour moi représentait le futur, a été considéré comme cette date. J’ai été agressé le 10 octobre 2002 à la machette. La DST et les escadrons de la mort ont été mis à mes trousses. Une première tentative d’enlèvement dans la cour familiale à Williamsville le 30 octobre 2002, une deuxième tentative d’enlèvement le 04 novembre 2002 à la suite de laquelle je me suis fracturé les pieds. Ensuite, j’ai vécu quasiment dans la clandestinité totale jusqu’à ce que je parte en exil à Bamako. A mon retour d’exil en juillet 2003, certains de mes accusateurs, qui m’avaient d’ailleurs annoncé pour mort, m’ont présenté leurs excuses, ce que j’ai accepté. D’ailleurs si effectivement j’étais au cœur du dispositif qui a fait la tentative de coup d’Etat en 2002, je ne serais certainement pas venu à la Sorbonne pour l’annoncer. Au surplus, je venais d’être admis à faculté de droit de l’université de Rouen et mon rendez-vous à l’ambassade pour le visa était prévu pour le jeudi 19 septembre 2002 à 11h30. Je peux donc me considérer comme une victime (rire).
Des voix s’élèvent au niveau des anciens du RJR pour demander plus de responsabilités au niveau du parti, au profit des jeunes. Partagez-vous ces avis ?
La problématique de la responsabilisation des jeunes au sein des instances des partis politiques va au-delà du RJR et concerne tous les partis. Mon intime conviction est que les partis politiques, pour leur propre survie, gagneraient à promouvoir les jeunes en leurs seins surtout dans un pays où la jeunesse de moins de 35 ans représente plus de 79% de la population. Dans un pays comme le Maroc, les lois imposent un quota d’au moins 20% de jeunes aussi bien au sein de toutes les instances des partis politiques qu’au sein de l’administration publique et des institutions. Tous les jeunes ne sont pas médiocres. Ils ont juste besoin qu’on leur fasse confiance. Depuis l’accession au pouvoir du Président de la République son Excellence Alassane Ouattara, des jeunes ont de plus en plus de responsabilités dans notre pays, qu’ils soient politiques, ou non politiques. Cette tendance amorcée par le chef de l’Etat doit être suivie par tous même au sein des instances des partis politiques.
Quel message pour la jeunesse ivoirienne ?
Le Président Ouattara a tenu un discours important à Korhogo lors de son meeting de clôture dans le cadre de sa visite d’Etat au début du mois de juillet 2013. Il a invité la jeunesse ivoirienne à changer de cap et à intégrer un certain nombre de valeurs. Les valeurs du travail, le goût de l’effort. La jeunesse ivoirienne doit prendre toute sa place dans la construction et la consolidation de la nation ivoirienne. Elle doit prendre toute sa place dans le développement de notre pays. Bien évidemment, elle reste encore affectée par le chômage. La dynamique amorcée par le Chef de l’Etat pour inverser cette tendance va se poursuivre pour le bonheur de l’ensemble des jeunes. La jeunesse ivoirienne doit lui faire confiance.
Réalisée par Dosso Villard
L’Intelligent d’Abidjan
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