Côte-d’Ivoire: de nouveaux massacres en perspective…

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C’est une grenade dégoupillée placée au cœur du système économique mais aussi politique et social ivoirien, grenade qui explose depuis plus de 10 ans et qui est directement responsable de la guerre qui depuis 2002 ensanglante le pays. Elle porte un nom. Un numéro même. Il s’agit la Loi n° 98-750 du 23 décembre1998, dite Loi de 98 sur le foncier rural.

Or parler du rural, en Cote-d’Ivoire, c’est parler de 90% de sa richesse.

Or parler du foncier, en Cote-d’Ivoire, c’est souligner le fait que 25% de sa population rurale est d’origine burkinabé ou malienne, non ivoirienne.

Parler du foncier rural en revient donc à décider si les non-ivoiriens peuvent ou pas devenir propriétaires et partant bénéficier de la rente viagère agricole.

En revient à se demander qui décide dans certaines zones où plus de la moitié de la population est d’origine étrangère. Qui décide encore quand en pays Wé- guéré- les bandes mercenaires de Charles Taylor alliées à Ouattara avec la complicité de la France de Sarkozy et du Burkina de Campaoré, il y a eu ce qu’il faut bien nommer un ethnocide.

Voir l’excellent article écrit par Serge Laurent : http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/les-bandes-ouattaristes-92196

En fait cette loi de 98 essaie de marier la vision libérale de “la terre à ceux qui la travaillent” (favorable aux investissements extérieurs américains mais aussi de la bourgeoisie naissante ivorienne ainsi qu’aux migrants voisins du Burkina et du Mali qui se voient reconnaitre des droits) avec la vision coutumière qui veut que la terre appartienne d’abord aux clans qui disposent du droit d’en ceder l’exploitation aux membres du clan qui eux-mêmes, peuvent l’affermer aux migrants ou lier avec eux des rapports et des contrats particuliers.

Cette vision coutumière incluant les terres dites sacrées qui sont en fait ce que sont, dans l’Europe d’aujourd’hui, les parcs et autres sites de protection de la faune et de la flore.

Cette loi imposant aux uns et aux autres, la terre étant d’abord nationale, appartenant à l’Etat, de passer avec l’administration territoriale des accords valant actes de propriété. En d’autres termes, en contrepartie de garanties données aux ruraux sur les prix, les débouchés, les intrants et l’amélioration de leur niveau de vie, il est attendu leur totale soumission politique et la reconnaissance du monopole de l’Etat-partie et de ses agents sur l’appropriation et la gestion de la rente agricole et forestière. Ce compromis général inclut des compromis particuliers: entre l’Etat-partie et les migrants non ivoiriens, qui bénéficient d’un accès protégé au foncier en contrepartie de leur appui électoral, mais aussi entre l’Etat-partie et les jeunes ruraux, qui bénéficient en principe de la scolarisation, de l’accès aux emplois urbains et d’aides à l’installation comme «exploitants modernes».

Mais la fin de l’Etat-providence, la crise et le retour significatif de citadins dans les villages, ont privé ce compromis de ses bases matérielles. Il conduit au contraire à l’exacerbation des tensions entre notables locaux, vieux et jeunes, ruraux et citadins. D’une part entre migrants et natifs. La possession vaut proriété et de l’autre un Etat lié et dit par ses notables locaux à mêmes de délivrer ou non les actes de propriété, c’est à dire in fine de créer un cadastre.

La scission s’amorce au Nord, la guerre est déclarée, les natifs sont peu à peu chassés de leurs terres et l’administration remplacée; Chirac réunit les deux parties à Marcousis.

Cette rencontre qui était destinée officiellement à mettre un terme à une guerre absurde faite aux institutions de la République de Côte d’Ivoire avait fini par glisser dangereusement sur le terrain identitaire pour s’arrêter sur la loi sur le foncier rural ivoirien. Les Accords de Linas Marcoussis prévoyaient, entre autres points retenus, de prendre surtout des lois et des règlements pour améliorer la condition des étrangers et la protection de leurs biens et de leurs personnes. Ce n’est donc pas sans raison que l’actuel chef de l’Etat Ouattara et ses parrains français ont, depuis toujours, accusé, à tort , Laurent Gbagbo d’avoir ravivé la haine de l’étranger en Côte d’Ivoire dès son accession à la magistrature suprême. Notamment sur les questions de la nationalité et du foncier rural. Ils pousseront le ridicule jusqu’à lui attribuer la paternité de l’Ivoirité. Un concept pourtant créé par Henri Konan Bédié, l’un des « héritiers » avec Alassane Dramane Ouattara, de feu Félix Houphouët-Boigny.

Il semble maintenant arrivé le temps pour Ouattara, au regards de ses dernières déclarations, de permettre aux étrangers d’accéder à la propriété foncière en Côte d’Ivoire, de laquelle la loi de 1998 les avait soustraits, de fait. Une loi qui a aboli la conception confligène prônée par Houphouët, selon laquelle «la terre appartient à celui qui la met en valeur». Pour Ouattara et ses soutiens dont le chef de l’Etat burkinabé, Blaise Compaoré, et les chocolatiers, il faut dépasser cette tendance pour que les ouvriers agricoles étrangers exerçant dans l’Ouest du pays, grande zone productrice de cacao, aient accès à la propriété foncière. Ces ouvriers agricoles sont d e s r e s s o r t i s s a n t s Burkinabé (en grande majorité) et des Maliens. D’où la modification prévue de la loi de 1998 par le nouveau parlement à majorité Rdr. Mais auparavant, le même parlement présidé par Guillaume Soro Kigbafori, chef de l’ex-rébellion armée pro-Ouattara, procédera à la modification du code de la nationalité. Afin que du droit de sang, depuis 1961, la nationalité ivoirienne passe au droit du sol. Dorénavant «sera Ivoirien, celui qui est né sur le sol ivoirien ou qui s’y est installé avant 1960 ou 1972», a-t-on appris. Ainsi les ouvriers agricoles burkinabé et maliens deviendront, par millions, des Ivoiriens, et auront droit au certificat foncier au même titre que les autochtones Wê et Dan dans l’Ouest. Les chocolatiers auraient soutenu toute l’opération pour garantir la production de cacao dont la Côte d’Ivoire est le 1er producteur mondial.

Quant à Blaise Compaoré, ce serait une aubaine pour son pays puisque l’argent de la diaspora agricole burkinabé en Côte-d’Ivoire constitue un pactole qui nourrirait les populations laissées sur place au Burkina Faso et qui vivent mal le fiasco économique et politique de leur pays.

Reste maintenant à savoir dans le cadre d’une reconciliation chaque jour reculée, chaque jour demandée par les instances internationales et les observateurs sur place, comment cette loi qui boucle le scénario commencé en 2000 par la guerre, loi qui bafoue les intérêts des natifs, devenus « des fidèles de Laurent Gbagbo », sera acceptée?

Mal. C’est certain. L’échec de la reconcilation, trouvera ici à s’amplifier et s ‘approfondir. La guerre de Cote d ‘Ivoire n’est pas finie.

Par Kndiaye
http://blogs.mediapart.fr

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