A propos de la visite du président de l’Assemblée nationale dans le village de Gbagbo
Sébastien Dano Djédjé (cadre de Gagnoa): «Cette visite va créer la désunion»
Sébastien Dano Djédjé, ancien ministre et cadre de Gagnoa n’est pas opposé à la visite de Guillaume Soro à Gagnoa, mais il souhaiterait que l’étape de Mama soit annulée pour les raisons qu’il expose ci-dessous.
Notre Voie : Monsieur le ministre, que vous inspire la visite annoncée de Guillaume Soro à Mama ?
Sébastien Dano Djédjé :Le président de l’Assemblée nationale a été invité à Gagnoa par le Collectif des chefs de village pour inaugurer, semble-t-il, leur siège. C’est à cette occasion qu’il veut initier une tournée et rendre visite aux parents de Laurent Gbagbo à Mama. Mon sentiment personnel est simple et je l’ai déjà exprimé aux chefs de villages. Quand on est chef de village et qu’on veut mener une action, on prend quand même l’avis de ses sujets que nous sommes. Cela n’a pas été fait. C’est un manquement au niveau de la chefferie traditionnelle. Mais, il faut aussi faire la part des choses. Les gens confondent souvent la notion de chef de village et de chef traditionnel. Chez nous les Bété, le chef traditionnel n’est pas toujours le chef de village. Le chef de village, c’est quelqu’un qu’on a mis là de façon administrative. Le chef traditionnel est le chef de terre qui porte un certain nombre de valeurs de notre tradition. Le chef de village prend toujours l’avis de ses sujets avant de poser un acte.
N.V : Voulez-vous insinuer que les chefs ont agi sans l’avis de leurs administrés ?
S.D.D : Selon les informations que j’ai, Guillaume Soro a été invité sans que les populations n’en soient informées. Mais ce n’est non plus pas parce qu’on n’a pas été informés qu’on devrait demander à Soro de ne pas venir à Gagnoa. Il peut aller où il veut. Il vient donc inaugurer un siège mais de là à faire des amalgames avec une visite à Mama, c’est autre chose. Pour nous, la visite à Mama prend une autre dimension. La visite à Mama est confrontée à un certain nombre de valeurs de sentiments, de fraternité et ancestrales. Chez nous, quand quelqu’un est en prison, il est donné pour mort. Quand il sort de prison et est libre, il renait. Comprenez bien l’émoi de la population. Cela crée un malaise. Le président Gbagbo est à La Haye. Sa mère est en exil au Ghana. Elle a plus de 80 ans. Au vu de tout cela, c’est gênant qu’une personnalité du rang du président de l’Assemblée nationale aille dans le village de ceux-là sans qu’on ne fasse appel aux notions que j’ai évoquées. C’est cela qui est gênant dans l’affaire. Je souhaite que Soro Guillaume n’aille pas à Mama ni à Gnaliépa. Par contre, je ne suis pas opposé à sa visite à Gagnoa pour inaugurer le siège de nos chefs. Mais en ce qui concerne Mama et Nialépa, ça me gêne énormément qu’on fasse fi de cette charge émotionnelle. Dans la situation dans laquelle nous sommes, il serait souhaitable que Guillaume Soro évite ce parcours qui va créer plus de désunion que d’union. Or, je pense qu’il veut renforcer la solidarité, créer l’union, alors qu’il y a des sons discordants qui vont dans le sens de la désunion à cause de cette visite. Il faut donc qu’on privilégie le rassemblement, l’unité et la paix.
N.V : En avez-vous parlé avec les populations de Mama ?
S.D.D : Je suis allé samedi à Mama. Les villageois ne souhaitent pas que Soro Guillaume vienne en ce moment car, ils ont des corps à enterrer. De plus, la situation ne s’y prête pas. C’est le sentiment des populations. Sur cette base, les villageois ne souhaitent pas, pour l’instant, que le président de l’Assemblée nationale arrive à Mama.
Propos recueillis par
Herman Bléoué
Envoyé spécial à Gagnoa
Notre Voie
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