Il n’y a pas eu guerre civile en Côte d’Ivoire, mais une guerre des militants

1276058537-Mamadou-Koulibaly-FPI-Rci84

Au moment des élections présidentielles de 2010, selon les statistiques mondiales, la population de notre pays était estimée à environ 22 millions d’habitants, parmi lesquels 10 millions et demi de jeunes âgés de 0 à 18 ans non inclus. La population en âge de voter pouvait donc être estimée à 11 millions et demi de personnes. Cependant, les tensions qui ont envenimé le processus d’identification n’ont permis, en définitive, qu’aux seuls militants des partis politiques de se faire enrôler sur la liste électorale. Chaque parti en compétition s’était organisé pour ne faire enregistrer que ses militants, tout en terrorisant les militants des autres. La guerre des militants pendant cette période n’aura autorisé que l’enrôlement de 5,7 millions de personnes sur la liste électorale, parmi lesquelles seulement 4,7 millions environ ont pu voter, là où nous étions en droit de nous attendre à environ 11,5 millions de votants. Même en déduisant de ce chiffre la population étrangère qui ne vote pas, nous étions loin de la véritable taille de la population électorale. Cette guerre entre les militants instrumentalisés des partis politiques en compétition aura exclu du processus électoral en 2010 près de 6,8 millions de citoyens qui, eux, n’étaient militants d’aucun bord et n’avaient donc personne pour les faire enrôler et leur permettre d’exercer leur droit de vote.

En 2010, la guerre des militants politiques de l’époque a été tellement rude que, comparée à 2000, la liste électorale, n’aura vu ses effectifs augmenter que de 280.000 personnes environ (5.780.804 électeurs de 2010 auxquels on soustrait les 5.500.000 de 2000).

Il est donc clair que la crise postélectorale, malgré sa violence et son carnage, n’aura pas été une guerre civile. Une guerre civile est un conflit armé qui oppose, dans un pays, l’armée régulière à des groupes armés qui ne se contentent pas seulement d’une révolte face à l’autorité de l’Etat, mais qui, dans une organisation militaire parallèle, se présentent comme une alternative à l’Etat en place et à son armée officielle. En Côte d’Ivoire, nous avons plutôt eu une guerre partisane qui a opposé des groupes auxquels les populations combattantes adhèrent volontairement et qu’elles peuvent aussi quitter par décision individuelle. Cette définition admet cependant que la décision de participer ou pas à une guerre partisane peut se prendre sous la menace ou par peur (Jean-Pierre Derriennic in Les guerres civiles, Paris, Presses de Sciences Po, 2001).

Depuis 1999, il n’y a que des conflits partisans dans notre pays. Les troupes des différentes coalitions politiques s’affrontent entre branches civiles soutenues par des branches armées. Et ces conflits prennent en otage l’Etat et les populations du pays. Même si les partisans ne sont pas les plus nombreux, ils sont les mieux organisés et utilisent mieux les moyens de coercition de l’Etat pour arriver à leurs fins.

Mamadou KOULIBALY

[Facebook_Comments_Widget title= » » appId= »144902495576630″ href= » » numPosts= »5″ width= »470″ color= »light » code= »html5″]

Commentaires Facebook