«La tromperie, si elle a fait dîner, ne fera pas souper » Proverbe Peul.
La Construction de logement s sociaux en Côte-d’Ivoire : Le président Ouattara fait ce qu’il n’a pas dit aux Ivoiriens
Texte proposé par Dr PRAO Yao Séraphin, délégué national au système monétaire et financier à LIDER
Lors de la campagne présidentielle dernière, le candidat Alassane Ouattara, actuel président de la république a fait des promesses mirobolantes aux ivoiriens. A chaque région du pays, à chaque secteur de l’économie, à chaque ivoirien, le candidat Ouattara avait promis des milliards, du travail, des logements etc. Pour les Ivoiriens qui ont cru que le ciel allait se lézarder pour faire descendre des milliards. Deux années sont passées, le chômage est à son zénith, les régions sont toujours pauvres, la Côte d’Ivoire est divisée. Les défauts de la gouvernance du Président Ouattara sont légions, les énumérer n’est pas une tâche aisée. La présente contribution se propose de revenir sur sa promesse de faire bénéficier aux Ivoiriens modestes, des maisons à bas prix.
1. La situation du logement en Côte d’Ivoire
En Côte d’Ivoire, la population urbaine est estimée à environ 10,3 millions d’habitants en 2011, soit un taux d’urbanisation de 51%, quasi-égal à la moyenne mondiale de 52%, et le niveau le plus élevé de l’UEMOA, rappellent des sources gouvernementales. Les besoins non-satisfaits des populations sont évalués actuellement à 400.000 logements par an dont 200.000 pour le district d’Abidjan, face à une offre annuelle excédant à peine 3000 logements pour le district d’Abidjan. En effet, le déficit de logements en Côte d’Ivoire est évalué à 400.000 logements par an. Ce déficit croit de l’ordre de 10% par an. Pour les trois années à venir, 2013, 2014 et 2015, le déficit se sera accru de 120.000 logements. Le déficit de logement est dû au désengagement de l’Etat dans la construction directe de logements depuis les années 1980. Ce qui a provoqué une pénurie dans ce domaine, et qui constitue aujourd’hui, un problème socio-économique pour le gouvernement. A cela, il faut ajouter le manque de politique de logement en Côte d’Ivoire alors que la population croît à un rythme soutenu.
2. Retour sur la promesse de campagne du candidat Ouattara
Concernant la demande de logement en Côte d’Ivoire et le traitement qu’il réservait à ce problème, reprenons exactement ses propos, tirés de son programme « Vivre ensemble ».
« Beaucoup trop d’Ivoiriens sont mal logés. Beaucoup trop d’Ivoiriens paient des loyers trop élevés. Beaucoup trop d’Ivoiriens ne sont pas propriétaires de leurs logements et se sentent condamnés à rester locataires toute leur vie. Nous allons faire de la production massive d’habitat social une de nos toutes premières priorités. Nous concevrons et mettrons en œuvre des programmes d’habitat social à la portée de la grande majorité de la population de notre pays. Notre modèle : une maison de 5 millions de FCFA (Maison ADO), un emprunt de 5 millions de FCFA remboursé sur 25 ans dont la mensualité n’excédera pas 25 000 FCFA. Pour financer la construction de ces logements, nous mobiliserons 100 à 200 milliards de FCFA chaque année. …….Nous estimons la demande de logements sociaux neufs à près de 50 000 par an. Nous en construirons 10 000 la 1ère année, 20 000 la 2ème, 30 000 la 3ème, 40 000 à 50 000 en régime de croisière ˝.
Certainement que cette promesse a fait rêver certains ivoiriens au point de lui accorder leur suffrage. Aujourd’hui, le gouvernement ivoirien prévoit la construction de 60.000 logements sociaux d’ici 2015 dont 50.000 à Abidjan et 10.000 à l’intérieur du pays.
3. Le constant d’une promesse non tenue
La première constatation : l’Etat n’est pas central dans le projet comme annoncé. Initialement, le candidat Ouattara promettait loger les Ivoiriens à moindre coût. Il laissait croire que c’est l’Etat qui allait construire les logements pour les ivoiriens défavorisés, les économiquement faibles. Dans les faits, le gouvernement a confié aux sociétés immobilières la construction de ces logements sociaux. Les ivoiriens cherchent en vain la place de l’Etat dans ce projet. Les ivoiriens ont simplement le sentiment qu’on leur sert du vent.
La deuxième constatation : le coût élevé des maisons
Dans son programme « Vivre ensemble », la promesse était de construire une maison à 5 millions de FCFA (Maison ADO). Aujourd’hui, selon le ministre de la construction et de l’urbanisme, « les logements sociaux coûteront entre 5 et 10 millions de FCFA. Et les logements économiques seront compris entre 10 et 15 millions de FCFA. Quant aux logements de « Hauts Standing » les prix varieront entre 20 et 25 millions de FCFA ». Toujours, selon le ministre, les coûts de ces logements, ne seraient pas excessifs. Effectivement, ces coûts ne sont pas excessifs si on considère que ce sont les proches du Président qui s’offriront ces maisons. Il est indécent de dire que ces coûts sont modestes dans un pays où la pauvreté gangrène les populations.
La troisième constatation : la difficulté au niveau du financement
Le gouvernement ivoirien chiffre à 600 milliards FCFA (914 millions €) le coût global de la construction de 60 000 logements sociaux. Le ministre de la construction et du logement a précisé que les fonds publics disponibles à ce jour pour soutenir ce programme sont insuffisants. « Le gouvernement est conscient que le niveau actuel des fonds disponibles au niveau du Compte de mobilisation pour l’habitat (CDMH), soit 19 milliards FCFA, ne suffira pas, il faut aller beaucoup plus loin ».
Dans l’impossibilité de trouver les fonds nécessaires pour financer ce projet, le gouvernement a simplement choisi d’extorquer de l’argent aux pauvres ivoiriens. A chaque souscripteur, l’Etat demande 30.000 FCFA. Pour 60.000 logements, l’Etat pourrait collecter 1.800.000.000 FCFA. A cette cagnotte, il faut ajouter les apports initiaux qui se situent, selon le ministre, « autour de 10% ou plus ». En considérant qu’une maison coûte en moyenne 10 millions FCFA, les apports initiaux pourraient atteindre 60 milliards FCFA. Finalement, les pauvres ivoiriens sont plus engagés dans le projet que les initiateurs.
La quatrième constatation : du bruit pour rien
4. Une vraie fausse solution du Président Ouattara
Les ivoiriens constatent une certaine frénésie de ces projets immobiliers. Le groupe chinois Henan Guoji Construction Group a annoncé la construction de 10 000 logements sociaux, soit un investissement de 1 milliard de dollars d’ici à 2015. Les marocains Addoha et Alliances, doivent construire respectivement 7500 et 7000 logements sociaux dans la ville d’Abidjan et ses environs. L’américain ABD et l’ivoirien Opes Holding s’intéressent aux projets immobiliers.
La construction de 60.000 logements sur trois années n’est qu’une goutte d’eau dans la mer. Un simple calcul permet de se rendre compte que le problème du déficit demeurera. Pour loger les ivoiriens, la politique doit être globale. La politique de logement du pays ne doit pas se résumer à une simple opération cosmétique de construction de logements sociaux. Nous faisons ici quelques propositions.
Premièrement, il faut organiser le secteur en profondeur. Pour les logements déjà existants, les ivoiriens ont du mal à se loger. Car, en réalité, la véritable question se pose en termes d’accès aux habitations existantes. Des maisons, il en existe. Même si elles ne sont pas suffisantes, il aurait fallu permettre aux Ivoiriens d’y avoir accès. Car, celles qui existent ne sont pratiquement pas à la portée de l’Ivoirien moyen. Simplement parce qu’il y a une anarchie totale dans le secteur. Aucune loi pour encadrer les contrats de location à tel point qu’un propriétaire peut demander une année de caution à un locataire. En France par exemple, des lois existent sur la location des maisons. La loi du 6 juillet 1989 modifiée en 2008 dit que le dépôt de garantie ne peut être supérieur à un mois de loyer. Les logements meublés sont encadrées par un autre texte, l’article L632-1 du Code de la construction et de l’habitation, et par les règles générales du Code Civil.
Deuxièmement, la réhabilitation des logements anciens. Plutôt que de construire toujours plus de logements, certaines organisations écologistes préconisent de cibler avant tout la réhabilitation des logements anciens, ce qui aurait pour effet d’améliorer leurs performances énergétiques et de limiter l’étalement urbain, lequel participe à la hausse des dépenses d’énergie (circulation automobile) et à l’artificialisation des sols.
Troisièmement, limiter le coût du foncier. Il est possible que la construction de logements bute sur le coût du foncier, trop élevé. Pour y remédier, on peut préconiser de revoir en priorité la fiscalité des plus-values immobilières qui aggravent la rétention des terrains opérée par leurs propriétaires.
Quatrièmement, associer le secteur bancaire. Il faut autoriser le secteur bancaire à recourir aux emprunts obligataires et aux prêts internationaux garantis par l’Etat, afin de faire face aux contraintes du financement du logement social. Les banques devront développer l’épargne logement. Elles peuvent se rapprocher de la Caisse Régionale de Refinancement Hypothécaire (CRRH) dont l’objectif est de permettre aux pays de l’Union de bénéficier de prêts à long terme pour l’acquisition d’un logement.
Cinquièmement, encourager le secteur privé à investir dans le secteur du logement. Il est possible de faire bénéficier aux privés investissant dans le secteur, des exonérations à partir d’un certain nombre de logement construits. La TVA réduite dans les logements sociaux peut permettre d’accroître le nombre de logements neufs.
Sixièmement, le rôle de l’Etat. Il pourra mettre à la disposition des privés quelques hectares par année et en contrepartie, ces privés devront appliquer des prix sociaux. L’Etat pourra mettre en place un fonds financé par une taxe sur le ciment par exemple ou la cigarette. Il devra également faciliter la délivrance de la documentation et des actes administratifs sur le foncier.
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