L’ex-épouse de Laurent Gbagbo à Algeriepatriotique : «La France a fait l’erreur de soutenir Alassane Ouattara»
Algeriepatriotique : Vous avez décidé d’écrire une lettre à François Hollande. Avez-vous eu une réponse ?
Jacqueline Chamois : Je n’ai pas encore eu de réponse de l’Elysée. En revanche, j’ai reçu beaucoup de messages de soutien. Les réactions ont été très positives.
Votre fils Michel est citoyen français. Pourquoi les autorités françaises ne se sont-elles pas saisies de son cas, d’autant que la Cour de justice de la CEDEAO a déclaré que sa détention était illégale et arbitraire ?
C’est là toute la question. La défense de mon fils ne semble pas jusqu’à présent avoir été une priorité pour le gouvernement français. Je ne comprends pas cette passivité qui peut être interprétée comme un soutien au régime d’Ouattara, alors que celui-ci viole en permanence les droits de l’Homme.
Les avocats ont dénoncé la confirmation des charges contre les 84 accusés et parlent d’un «procès politique et de justice de vainqueurs». Ce procès ne risque-t-il pas de remettre en cause la réconciliation prônée par Ouattara lui-même ?
Quel est le sens du mot «réconciliation» pour Ouattara ? On ne peut pas prôner la réconciliation et continuer à pourchasser les militants proches de Laurent Gbagbo. Des meetings sont interdits à la dernière minute, des journaux suspendus pour des motifs dérisoires, des prisonniers détenus au secret. Il y a un fossé entre les discours tenus à l’intention de la communauté internationale et la réalité sur place. Ce renvoi de 84 personnes en cour d’assises marque en fait la volonté d’exclure l’opposition de la vie politique.
Peut-on à la fois condamner l’ingérence de la France qui a coopté Ouattara par la force et solliciter son ingérence dans un procès qui se tient hors de ses frontières ?
Mon fils a été capturé alors qu’il s’était réfugié à la résidence présidentielle d’Abidjan. Sa détention est la conséquence d’une très grave ingérence, celle du bombardement de la résidence par les forces armées françaises sous la présidence de Sarkozy. Il n’y a pas pire comme ingérence. Si, maintenant, au nom de la non-ingérence le président Hollande et le gouvernement actuel entérinaient cet état de fait, ce serait accepter que mon fils demeure otage.
La France se targue d’avoir aidé la Côte d’Ivoire à assurer une transition démocratique alors que vous dénoncez, en tant que citoyenne française, un jugement «collectif et politique». Pourquoi la France continue-t-elle à soutenir Ouattara malgré cette dérive autoritaire ?
La violence est inhérente au régime d’Ouattara. Il est né à la suite de plusieurs tentatives de coups d’Etat, dont celui du 19 septembre 2002 qui a abouti à la partition du pays. La France, avec une grande partie de la communauté internationale, a fait l’erreur de soutenir Alassane Ouattara. Aujourd’hui, il est temps que le gouvernement clarifie sa position.
Vous estimez que la France a le «devoir impérieux d’agir» de manière directe dans ce procès. Pourquoi cela serait-il de son devoir ?
Mon fils Michel a été enlevé le 11 avril 2011, séquestré pendant plusieurs jours avec son épouse et ses enfants dans un hôtel, puis déporté dans une prison dans le nord du pays. Il n’était alors poursuivi pour aucun délit et il n’y avait ni mandat ni ordre judiciaire quelconque. Les autorités françaises ont été informées de sa situation dès le début. Elles auraient donc pu intervenir beaucoup plus tôt, parce que la détention arbitraire est une violation des droits de l’Homme.
Vous rendez-vous, vous-même, en Côte d’Ivoire ? Quelle est la situation réelle des droits de l’Homme dans ce pays ?
Depuis le conflit postélectoral, je ne me suis pas rendue en Côte d’Ivoire. Mais je reçois de nombreuses informations de sources différentes qui sont corroborées par les rapports des ONG. Nous disposons de données sur les personnes contraintes à l’exil, les déplacés internes, les prisonniers politiques, les occupations illégales de terres et de logements, les blocages de comptes bancaires à grande échelle, sans compter les bandes armées qui sévissent en toute impunité et terrorisent les populations.
Que comptez-vous faire si la France ne réagit pas comme vous le demandez et qu’Ouattara persiste à vouloir condamner les 84 accusés, dont votre fils ?
Il y a beaucoup de paramètres, entre autres au niveau international, qui entrent en ligne de compte et peuvent faire évoluer positivement la situation. Nous devons garder espoir.
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi
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