Nationalité et Foncier – Le PDCI entend procéder « à de larges consultations pour recueillir les observations des populations [Déclaration]

PDCI

« Pour infos, voici une copie de la Déclaration du Groupe Parlementaire PDCI relative aux projets de lois autorisant le Chef de l’Etat à ratifier les 2 conventions sur l’Apatridie.«  Yasmina Ouégnin

Madame la Présidente,

Le Groupe parlementaire PDCI-RDA a examiné avec beaucoup d’attention le présent projet de loi dont l’adoption permettra certainement à la Côte d’Ivoire de parachever son adhésion à la convention de 1961 et contribuer ainsi à la réduction des cas d’apatridie dans notre Pays.

Il n’échappe à personne que l’apatridie, le fait pour un individu de n’être reconnu par aucun État comme son ressortissant par application de sa législation, est une question essentielle qui porte sur un droit fondamental qu’est la nationalité.

En effet, la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 énonce en son article 15 que “tout individu a droit à la nationalité”. Aucun individu ne peut donc pouvoir vivre sans aucun lien de rattachement à un pays.

Et pourtant, les estimations mondiales font état de plus de 12 millions d’individus concernés par l’apatridie.

Dans notre pays, selon le Haut Commissariat aux Réfugiés [HCR], on dénombre au moins 950.000 cas d’apatrides résultant de causes diverses comme l’immigration, la méconnaissance de la loi, la succession d’état ou encore la défaillance du système de l’état civil.

C’est pourquoi, le Groupe parlementaire PDCI-RDA, profondément attaché au respect des droits de l’Homme, est sensible à la volonté du Gouvernement de réduire et de prévenir les cas d’apatrides dans notre Pays.

Cependant, la voie proposée pour remédier à ces situations regrettables à tous égards, aussi bien pour les individus concernés que pour la Côte d’Ivoire elle-même, ne nous semble pas la meilleure.
Les réserves du Groupe parlementaire PDCI-RDA sur le présent projet de loi portent sur la procédure utilisée pour l’adoption de cette loi, les contrariétés fondamentales entre les dispositions de cette convention et le code de la nationalité ivoirienne et enfin sur l’impact que la ratification de ce traité pourrait avoir sur le droit foncier rural.

Sur la procédure, le Groupe parlementaire PDCI-RDA s’étonne qu’un projet de loi aussi important soit soumis à la procédure de la discussion immédiate. Procédure d’urgence, procédure sommaire, la discussion immédiate n’offre pas l’occasion aux députés d’examiner avec toute la sérénité requise les projets de loi.

Cette urgence est d’autant plus incompréhensible puisqu’il s’agit en l’espèce d’autoriser le Président de la République à ratifier une convention signée en 1961, c’est-à -dire une convention vieille de plus de cinquante deux ans. Notre étonnement est davantage renforcé par le fait qu’il y a de cela quelques mois, précisément le lundi 4 mars 2013 à Bouaflé, 8133 individus présentés comme des apatrides ont reçu des mains du Ministre de la Justice, des droits de l’Homme et des Liberté publiques, la citoyenneté ivoirienne. C’est dire que, nonobstant la non-ratification de la convention de 1961, les lois nationales permettent de régler le problème des apatrides.

Où est donc l’urgence ?

Sur la contrariété avec certaines dispositions du code de la nationalité, l’intimité entre l’apatridie et la nationalité a amené le Groupe parlementaire PDCI-RDA à examiner ce projet de loi à la lumière des dispositions légales dont notre Pays s’est librement dotées pour régir la Nationalité.

Il ressort de cet examen que plusieurs dispositions de la Convention de 1961 sont contraires aux lois ivoiriennes sur la nationalité.

A titre d’illustrations on peut citer : • L’Article premier, paragraphe 1 de la convention qui dispose notamment que : “Tout État contractant accorde sa nationalité à l’individu né sur son territoire et qui, autrement, serait apatride« .

Cette nationalité sera accordée : a) De plein droit, à la naissance; ou b) Sur demande souscrite, suivant les modalités prévues par la législation de l’État en cause, auprès de l’autorité compétente par l’intéressé ou ‘-en son nom; sous réserve des dispositions du paragraphe 2 du présent article, la demande ne peut être rejetée .

Aux termes de cet article, la naissance sur le sol de l’État, autrement dit le droit du sol serait une condition suffisante pour attribuer la nationalité. Or le Législateur ivoirien a opté depuis 1972 pour le droit du sang comme condition d’attribution de la nationalité ivoirienne.

C’est ce qui ressort des dispositions pertinentes de l’article 6 de la Loi nO 72-852 du 21/12/1972 portant code de la nationalité ivoirienne qui énonce que:

« Est Ivoirien: 1- l’enfant légitime ou légitimé, né en Côte d’Ivoire, sauf si ses deux parents sont étrangers; 2- l’enfant né hors mariage, en Côte d’Ivoire, sauf si sa filiation est légalement établie à l’égard de ses deux parents étrangers, ou d’un seul parent, également étranger. « Ces contrariétés sont observées également en ce qui concerne :

• l’enfant trouvé (article 2) ;

• l’enfant né hors du territoire national (article 4)

• la perte ou la privation de la nationalité (Articles 5, 6, 7, 8 et 9)

Le Groupe parlementaire aurait pu passer sous silence ces divergences, si l’Article 3 du code de la nationalité ivoirienne n’était pas libellé de la manière suivante: « Les dispositions relatives à la nationalité contenues dans les traités internationaux dûment ratifiés et publiés s’appliquent, même si elles sont contraires aux dispositions internes. Ce qui signifie que la ratification de cette convention rendra automatiquement applicables ses dispositions qui sont contraires à la loi ivoirienne sans qu’il soit nécessaire de modifier celle-ci.

La nationalité est un élément fondamental de la souveraineté nationale, c’est pourquoi son encadrement juridique ne saurait être aussi facilement rendu caduc par l’effet automatique des traités et autres accords mêmes dûment ratifiés. En notre sens, en insérant cette disposition, nos devanciers ont sans nul doute voulu nous inviter à faire preuve d’une vigilance particulière avant d’autoriser la ratification d’instruments légaux internationaux relatifs à la nationalité.

En ce qui concerne l’implication de cette convention sur le droit foncier rural.

Dans notre Pays, propriété terrienne et nationalité sont intimement liées, la loi sur le foncier rural de 1998 expose en effet que seuls les Ivoiriens peuvent être propriétaires terriens.

Il va sans dire que les personnes qui auront acquis la nationalité ivoirienne par l’effet de cette Convention pourront légitimement prétendre à la propriété foncière sur des terres qui n’ont été mises à leur disposition qu’en considération du fait qu’ils n’étaient pas Ivoiriens.

Au regard de tout ce qui précède, et convaincu que les questions de la nationalité et du foncier rural, données comme les causes fondamentales de la crise qu’a connue notre Pays dix années durant, ne peuvent être traitées séparément, le Groupe parlementaire PDCI-RDA propose l’ajournement de l’examen de ce texte à la prochaine session ou à une session extraordinaire.

Ce report nous permettra non seulement d’examiner ce texte avec toute la sérénité et la sagesse requises du Législateur, mais aussi de procéder à de larges consultations, pour recueillir les observations des populations dont nous sommes les mandants, sur ces questions importantes que sont, nous le répétons, la nationalité et le foncier rural.

Fait à Abidjan, le 17 juillet 2013

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