Il vient d’achever sa visite d’Etat dans le district des savanes. Au-delà de quelques pistes rénovées à la hâte, de quelques dons offerts par sa « first lady » en manque de popularité et, bien sûr, des éternelles promesses dont la réalisation restent toujours hypothétiques, notons que la visite d’Alassane Ouattara aux braves populations du nord de la Côte d’Ivoire, aura laissé plus d’amertume qu’un sentiment de confiance et de sérénité retrouvée, à tous ceux qui auraient cru que cet homme avait – le temps aidant – abandonné son costume de chef de parti politique pour se revêtir de celui de président de la république de tous les ivoiriens. Tous, se seront donc lourdement trompés.
Ainsi, la question qui découle finalement et de toute évidence d’un tel constat est celle-ci: Alassane Ouattara est-il – pour les ivoiriens – un rassembleur ?
Il aura fallut d’abord déjouer le piège des effets spéciaux de la visite: l’important déploiement de la grosse artillerie de moyens financiers, humains et matériels pour impressionner les populations et pour faire croire que les choses bougent ; les discours creux invitant ou exhortant au pardon… Il aura fallut « enjamber » tout ce mirage, pour ensuite, prêter une oreille attentive au véritable message: celui de la division.
L’on notera ainsi qu’au cours de sa visite au nord, Alassane Ouattara s’est – volontairement – rendu coupable de graves dérapages qui mettent d’avantage à mal la cohésion sociale. Bien plus qu’elle ne l’est déjà. Deux faits majeurs requièrent notre attention :
Les injustices supposées contre les nordistes
« Le nord n’a pas eu sa part de contribution à l’effort national » déclarait d’entrée Alassane Ouattara, lors de son deuxième meeting dans le district des savanes. Que cache une telle affirmation, sinon jeter l’opprobre sur ses prédécesseurs qui ne sont autres que Félix Houphouet Boigny, Konan Bédié et Laurent Gbagbo ? Ce qui laisse donc à supposer que ces précédents chefs d’Etat de la Côte d’Ivoire, ne se sont guère occupés – comme il se devait – de cette région de la Côte d’Ivoire. Du coup, c’est aux populations du cette région qu’il semble dire : « Voyez, vous avez participé à l’effort pour construire ce pays, mais vous n’avez pas bénéficié de vos efforts. Personne ne s’est préoccupé de vous. Vous avez été délaissées au profit des autres régions». Voilà en substance le sens d’une telle déclaration. Son objectif, de toute évidence, ne peut être que créer chez ceux qui l’écoutent, le sentiment d’avoir été victime d’injustice, pour ne pas dire d’une certaine exclusion.
« Exclusion », le mot est lâché. Voilà le fameux mot qui se cache derrière cette déclaration d’Alassane Ouattara. Un mot qu’il n’a pas osé prononcer, mais qui signifie à ses yeux: exclusion des ressortissants du nord au motif qu’ils seraient moins ivoiriens que les autres ; exclusion de la vie socio-politique et du développement économique des nordistes ; exclusion…, ce mot qui, durant plusieurs années aura été l’un des piliers de la politique déstabilisatrice du RDR, le parti d’Alassane Ouattara. Mais Ouattara, comme pour étayer sa thèse sur les supposées injustices subies, par nos parents nordistes, ajoute: « Les populations du nord qui ont accepté tant d’injustices par la passé, doivent accepter le pardon ».
Certes, le nord, contrairement aux autres régions de la Côte d’Ivoire, ne dispose pas de terres aussi arables que ses voisins du Sud, de l’Ouest ou de l’Est. On n’a donc assisté, des dizaines d’années durant, à un exode massif de ces populations vers les autres zones de la Côte d’Ivoire. Par ailleurs, ne faut-il pas aussi dénoncer l’attitude de certains cadres du nord qui préfèrent « s’expatrier » dans les autres régions de la Côte d’Ivoire, délaissant ainsi leur propre région ?
Au lieu de livrer ses prédécesseurs à la vindicte populaire, il aurait été sage pour Alassane Ouattara d’exhorter – non sans insistance – les ressortissants de cette région, notamment les cadres, à investir et à s’investir concrètement dans leur propre région.
D’ailleurs, doit-on accorder d’avantage de crédit à de tels propos quand on sait que finalement – pour ceux qui connaissent bien cette région – les chiffres annoncés pour démontrer le fameux « retard accusé par le nord », sont franchement discutables? Le nord est-il vraiment « un désert – crée par la seule volonté politique de ses prédécesseurs – dans un oasis » comme tente de le faire croire Alassane Ouattara ?
L’apologie de la rébellion armée
Depuis 2002, Soro Guillaume et sa bande armée de rebelles, ont tué des ivoiriens. Ils ont versé du sang humain. Ils ont massacré des ivoiriens, des civils, des militaires, égorgés des enfants, des femmes. Ils ont brûlés vifs, fusillés, cassés, pillés, détruits.., bref, ils ont semé mort et désolation sur leur passage, durant plusieurs années. Prétextant lutter pour la cause des ressortissants d’une seule et unique région de la Côte d’Ivoire: ceux du nord. Le peuple ivoirien tout entier en garde encore les stigmates et le douloureux souvenir. Comment alors appeler autrement Soro et ses hommes, sinon des criminels ?
Or, c’est justement à ces assassins et à leur chef, que Ouattara adresse ses remerciements publics pour leur « œuvre », ou disons-le tout simplement, c’est à eux qu’il rend un hommage appuyé en déclarant : « Soro Guillaume s’est battu pour que les populations du nord puissent retrouver leur dignité par la nationalité ivoirienne ».
Cette attitude qu’a eue Alassane Ouattara, de faire ainsi l’apologie de la rébellion armée, n’est-elle pas de nature à encourager, plutôt qu’à décourager tous ceux des autres régions de la Côte d’Ivoire qui se sentiraient eux-aussi « exclus » ou « victimes d’injustices », un jour ou l’autre ? Est-ce là l’attitude d’un démocrate – soucieux de la paix et de l’unité – que d’encourager la résolution d’un problème politique par les armes ? Non. Sinon, Alassane Ouattara n’aurait pas achevé de nous convaincre qu’il n’en n’est pas un, en ajoutant : « Ferké connait bien sûr un jeune (Soro Guillaume, ndlr) qui a grandi ici, qui a fait le petit séminaire à Katiola, qui a fait preuve d’un courage exceptionnel. Bien sûr, il a estimé à un moment donné que, nous les anciens, nous étions engagés dans une voie qui peut-être allait prendre trop de temps pour faire aboutir notre combat ». D’autre part, ne faut-il pas aussi chercher les causes du fameux « retard », dans l’occupation de cette partie du pays par une rébellion armée, dont les intérêts égoïstes ont – de tout temps – contrastés avec ceux des paisibles populations de cette région ?
Les ivoiriens sont certes des gens paisibles et fiers de leur pays. Mais ils sont loin d’être des ignares. De tels dérapages, de la part d’un homme se faisant passer pour leur chef, c’est-à-dire, celui qui doit être à même de les souder autour des idéaux de la nation et de l’unité nationale, ne seront pas passés inaperçus.
De toute évidence, peut-on encore croire que cet homme ait pu se débarrasser de son discours tribal et religieux, depuis son accession au pouvoir : « Je suis musulman et du nord » ?
Marc Micael
marcmicael@yahoo.fr
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