Par THOMAS HOFNUNG – Source: Liberatioin.fr
Au beau milieu du bain de sang en Syrie, des relents de guerre civile en Egypte et de la délicate stabilisation du Mali, comment faire pour mobiliser l’attention sur le drame silencieux que subit la République centrafricaine? Ce mardi, cinq ONG françaises ont uni leurs voix pour tenter de tirer de l’oubli général cette ex-colonie française en proie au chaos. Lors d’une conférence de presse organisée dans les locaux de Médecins sans frontières (MSF), à Paris, les humanitaires ont sonné l’alarme, assurant que ce pays en plein centre du continent était sous la menace d’une crise sanitaire et alimentaire majeure.
«Sur une population estimée à environ 5 millions d’habitants, 500 000 sont en grande difficulté, a indiqué Thierry Mauricet, de l’ONG Première Urgence. Parmi eux, 147 000 vivent dans une situation d’insécurité alimentaire.» Dans ce pays enclavé, en proie à une instabilité politique chronique depuis trois décennies, la situation s’est encore aggravée avec la chute, en mars, du président François Bozizé, chassé du pouvoir par les rebelles du mouvement Séléka. «Depuis trois mois, tout est bloqué, les bailleurs de fonds ont gelé leur aide, s’alarme un humanitaire. Il ne se passe plus rien, sauf la lente désagrégation de ce qui restait d’administration.»
Sur des besoins estimés par les ONG à quelque 90 millions de dollars, seuls 10% de ces fonds sont disponibles, ont relevé les associations. Dans un tel contexte, la crise humanitaire prend de l’ampleur jour après jour. «D’après nos estimations, 60% de nos patients séropositifs ont interrompu leurs traitement, affirme le nouveau président de MSF France, Mégo Terzian. Il en va de même pour les patients atteints de tuberculose. Car même à Bangui, la capitale, il est difficile de s’approvisionner en médicaments.»
«Dans nos centres nutritionnels, nous enregistrons sur la première moitié de l’année deux fois plus d’admissions d’enfants qu’en 2012», s’inquiète Alain Coutand, d’Action contre la faim (ACF). Et ce constat est très partiel, de nombreuses zones du pays étant inaccessibles, essentiellement pour des raisons de sécurité. «Les champs ne sont pas préparés, il va falloir couvrir les besoins alimentaires d’une large partie de la population d’ici à l’an prochain», renchérit Bérangère Tripon, de Solidarité International.
Avec la corruption, qui gangrène la Centrafrique, la sécurité est le problème numéro 1 auquel font face les ONG. «Un appui sécuritaire de la communauté internationale est nécessaire», assure Alain Coutand, d’ACF. Les 1 200 hommes de la Fomac, la force multinationale africaine déployée dans le pays, sont incapables de faire face à la multiplication des groupes armés. Bien loin de rassurer la population, ils aggravent le sentiment d’insécurité générale: «La Fomac est composée pour un quart de soldats tchadiens, de même nationalité qu’une partie des ex-rebelles de la Séléka», remarque un humanitaire. «A quand une force d’interposition?», a lancé le représentant de Première Urgence. Mais cette demande ne fait pas l’unanimité parmi les humanitaires, notamment chez MSF, traditionnellement très réticent vis-à-vis du risque de mélange des genres. «L’ONU, qui démarre une opération de maintien de la paix au Mali, n’est pas prête à s’investir en Centrafrique, confie un humanitaire. La solution ne peut venir que des Africains eux-mêmes.»
Les ONG sont en revanche unanimes pour demander aux bailleurs de fonds de prendre leurs responsabilités. «Exiger comme condition préalable la bonne gouvernance en Centrafrique avant de débloquer des fonds, c’est se condamner à ne rien faire, observe un autre responsable d’ONG. Il faut absolument trouver un modus operandi permettant d’agir dans un pays où l’administration s’est totalement effondrée» Sous-entendu en limitant l’évaporation d’une partie de ces fonds.
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