Eviter que ces jeunes combattants ne basculent aux mains des va-t-en guerre
FRCI (Forces Républicaines de Côte d’Ivoire), est la nouvelle appellation de toutes les forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire selon le vœu des nouvelles autorités du pays. Vœu et appellation qui ont pour objet de fondre tous les corps d’armée (FDS et FN) qui s’étaient regardés durant des années en chien de faïence et qui se sont même affrontés, pour certains.
Cependant, dans l’entendement populaire, lorsque le mot FRCI est prononcé, ce sont les ex-Forces Nouvelles (FN) qui viennent à l’esprit. Ces combattants qui depuis le 19 septembre 2002, ont occupé plus de la moitié du pays. Ces mêmes combattants qui en mars 2011, ont fait une descente triomphale, presque sans résistance en trois jours, sur Abidjan, la capitale économique. Prenant et pacifiant toutes les villes sur leur passage. Finalement le 11 avril 2011, après une rude bataille d’Abidjan, ils ont délogé et arrêté l’ex-Président Laurent Gbagbo qui s’était retranché dans un bunker. Celui-là même qui refusait de reconnaître la victoire aux élections présidentielles de son adversaire Alassane Ouattara.
Les héros d’hier à la croisée des chemins
Les combattants d’hier, ex-rebelles, ex-Forces Nouvelles (FN), aujourd’hui Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), libérateurs pour beaucoup et encore traités de rebelles analphabètes pour d’autres, sont-ils pour la plupart, des oubliés de la société, des laisser-pour compte ou simplement pris dans les spirales des pièges des politiques ?
Ils sont à la croisée des chemins
Situation qui amène beaucoup à se poser des questions sur leur avenir: « Après 10, 05, 02 ans passés avec les armes, que deviendrai-je ? Quelle est la reconnaissance pour le combat de libération que je viens de mener en donnant ma poitrine pour mon pays ? ».
Qui sont-ils ces Forces Nouvelles, artisans de l’Etat de droit retrouvé ?
Au départ en 2002, les Forces Nouvelles, composées de quelques centaines de combattants, étaient la coalition de mouvements rebelles connus sous les appellations de MJP, MPIGO et MPCI, dont le secrétaire général était Soro Guillaume, ex-1er Ministre et aujourd’hui, Président de l’Assemblée Nationale Ivoirienne. A la suite de ces éléments, on notera l’arrivée massive et par vagues successives de nombreux volontaires, pour diverses raisons. Surtout pour les nombreuses injustices et exactions subies dans leur quotidien. A chaque évènement majeur, des frustrés et des révoltés allaient grossir leurs rangs. De ces évènements, on peut citer pêle-mêle : Le bombardement de Bouaké, de Séguéla en novembre 2004, le massacre des militants du RHDP aux mains nues des 24, 25 et 26 mars 2004, le recensement de la population en vue des élections (audience foraine, liste électorale provisoire et réclamations) où des ivoiriens, de par leurs noms, ont été traités de fraudeurs de la nationalité ivoirienne, des étudiants qui n’en pouvaient plus de subir le joug de la toute puissante FESCI, des planteurs dépossédés de leurs plantations, etc. Au final, ce sont des personnes issues de toutes les couches socioprofessionnelles qui s’y retrouvent. Du soldat à l’élève et étudiant, du fonctionnaire, en passant par le chauffeur, le tailleur, le commerçant et même le chômeur.
Comment étaient-ils organisés ?
La partie conquise du pays depuis 2002 était repartie en 10 zones sous le commandement d’un Commandant appelé COM-ZONE. La Zone 1, Bouna était sous le Com-Zone Mourou Ouattara, la 2, Katiola, sous Touré Hervé Pélikan ‘’Vetcho’’, la 3, Bouaké, sous Chérif Ousmane ‘’Papa Guépard’’, la 4, Mankono, sous Ouattara Zoumana ‘’Lt Zoua’’, la 5, Séguéla, sous Ouattara Issiaka ‘’Wattao’’, la 6, Man, sous Losséni Fofana ‘’Loss’’, la 7, Touba, sous Aboudramane Traoré ‘’Dramane Touba’’, la 8, Odienné, sous Ousmane Coulibaly ‘’Ben Laden’’, la 9, Boundiali, sous Koné Gaoussou ‘’Jah Gao’’ et la 10, Korhogo, sous Fofié Kouakou Martin. Sous les Com-Zones, il y avait plusieurs chefs d’unités qui avaient de nombreux éléments rattachés à eux. Ces chefs d’unité avaient en charge tous leurs éléments car considérés comme le chef de famille. Comment entretenir toutes ces personnes rien que sur le plan de la nourriture et du savon ? Ainsi naquirent les barrages où ils demandaient la contribution ‘’volontaire’’ de chacun.
La donne a changé mais la situation de ces ‘’anciens combattant’’ demeure. Combien sont-ils en réalité ? Malgré les nombreux recensements qui ont été faits, beaucoup, bien que sous le commandement de certains chefs d’unités, ne sont pas encore pris en compte. Alors pour nourrir leurs éléments et malgré les injonctions du pouvoir en place, on constate des demandes d’argent que la population a vite fait de baptiser racket.
Attention au sourd silence des FRCI
« Je n’ai pas fait les bancs. Je ne veux et ne peux être gendarme ou policier. J’avais mon métier que j’ai abandonné depuis des années. On ne nous paie pas ici, on se débrouille. On ne va pas rester toujours comme ça. », « On a fini la bataille, qu’on ne nous abandonne pas comme ça. Moi j’aimerais bien retourner reprendre mon ancien travail mais je n’ai pas d’argent pour m’installer alors que je ne vais pas voler » et d’autres, beaucoup plus incisif dans leurs propos de lancer : « Si c’est pour nous laisser comme rien, on va nous entendre ». Attention à ces paroles ! Après ce bruyant silence de certains, il faut éviter de leurs offrir l’opportunité de trouver matière à des soulèvements sporadiques. Dont les raisons pourraient être entre autres, des camarades d’armes devenus mieux nantis que d’autres, surtout que parmi ceux-ci, il est reproché à certains d’être venus beaucoup plus tard, après le temps des chaudes braises. Ou d’autres encore, moins gradés, qui auraient bénéficié de quelques largesses. Il ne faut pas attendre que les loups veuillent se manger entre eux sous l’influence de va-t-en guerre.
Pour la stabilité, il faut des décisions fermes et ‘’justes’’ pour ces combattants de la liberté
Bien que la question militaire en Côte d’Ivoire soit une équation aussi difficile que délicate, elle mérite que le gouvernement s’y penche maintenant pour y réfléchir sérieusement. Si tel est le vœu de SEM Alassane Ouattara, Président de la Côte d’Ivoire, de bâtir le pays sur le fondement de la stabilité sociale et politique, c’est le lieu de prendre des décisions courageuses. Car mal ficelé, le problème des FRCI deviendra aux mains des dirigeants actuels, un boomerang et une bombe dont l’explosion fera d’énormes dégâts. Le Président Alassane Ouattara qui, j’en suis certain, ne veut pas d’une telle situation, doit à présent prendre le problème à bras le corps.
Et si un statut ‘’d’anciens combattants’’ était attribué à ces héros ?
Force est de reconnaitre que ces hommes en armes parmi lesquels existent quelques brebis galeuses comme dans toute société, sont et demeurent pour beaucoup d’ivoiriens, de véritables héros. Des héros qui peuvent être des couteaux à double-tranchants. Il ne faut point l’ignorer. Pour cela, sans demander de leur verser d’exorbitantes sommes sous forme de primes (ce qui est difficile pour l’Etat à l’état actuel des choses), cependant, il serait très judicieux de trouver le moyen de les intéresser. Ensuite prendre un décret qui, après un méticuleux recensement, ferait de ceux qui ne seraient pas retenus dans l’armée républicaine, des ‘’anciens combattants’’. Ces ‘’anciens combattants’’ percevraient une pension mensuelle de 30 à 50 000 FCFA pendant cinq (5) ans par exemple. Après que l’Etat leur ait remis une prime de départ afin de retrouver leurs anciennes activités. Cette approche pourrait calmer de nombreuses velléités et intentions belliqueuses. Aux spécialistes en la matière de mieux réfléchir à des propositions idoines mais rapides. La Côte d’Ivoire aura ôté une épine de son pied sur le long chemin de la recherche de la consolidation sociale et de la paix. Ainsi, les attaques comme la dernière à Ferké, ne seraient que de lointains souvenirs.
Khalil Ben Sory
[Facebook_Comments_Widget title= » » appId= »144902495576630″ href= » » numPosts= »5″ width= »470″ color= »light » code= »html5″]
Commentaires Facebook