Par Dr LANGUI Konan Roger
Enseignant-Chercheur Université F.H-Boigny
Membre de Conseil Politique JPCI-RDA
DROIT DE RÉPONSE À FRANKLIN NYAMSI : « L’IVOIRITE A PERMIS À OUATTARA D’ÊTRE AU POUVOIR ! »
« Connais-toi toi-même !», disent les Saintes Écritures. Peut-il y avoir en effet meilleure réplique à l’étrange contribution d’un certain Franklin NYAMSI, « universitaire africain de Paris » suite à une interview accordée par KKB à RFI ? La contribution publiée par le quotidien ivoirien l’ « Expression » du 27 juin 2013 (p4 et 5) avait pour titre « Un universitaire « corrige » KKB ». Mais ce réquisitoire plein d’atavisme, serait passé inaperçu s’il ne ressassait pas ou presque, les thèses proto-juridiques du ministre Cissé Bakongo sur la nationalité ; thèses relayées il y a peu. Alors ne faut-il pas intellectuellement oser le contre-regard sans lequel certains intellectuels mettraient sous scellé le principe si cher d’ « honnêteté intellectuelle » ? Il est vrai personne n’est censeur en la matière, mais si le voleur s’unit au meurtrier, n’est-ce pas pour haïr la force publique qui représente aux yeux des deux, le rappel fatidique des conventions sociales ? Dans cette analyse, il y aura de la dénonciation de contractions, du refus du martyrisme auto-flagellatoire et un regard dialectique sur les arguties sur le code de la nationalité et, à l’occasion, le principe de la nationalité.
I- Le principe de la nationalité et le vernissage immoral du déguisement identitaire permanent.
« Se connaître » (co-naître, pour Kant), c’est exprimer son existentialisme. En tout cas, au sens strict du mot, mais surtout, c’est s’identifier par rapport aux autres en se donnant une identité relative et, en en conférant une aux autres, aux phénomènes et aux choses. Or pour notre chroniqueur en philosophie anti-ivoiritaire du jour, KKB a osé tancer le régime Ouattara dans une interview lors de son passage à Paris. Pour ce faire, il serait coupable de bien de choses dont ces affidés et lui-même accusent le vocable « ivoirité » ; d’où cette débauche de confusion et de haine gratuite. Rappelons ces bouts de propos qui lui ont servi de corpus :
« RFI : N’y a-t-il pas de justice des vainqueurs ? » KKB : « Si pour l’instant on ne note pas d’arrestation dans notre camp, ça peut laisser entrevoir une justice de vainqueur, mais c’est un processus. Attendons de voir les choses » ; « RFI : Pensez-vous comme certains que le RDR au pouvoir privilégie une ethnie par rapport aux autres à la tête de l’administration et des sociétés d’Etat ? » KKB : « j’entends comme tout le monde, ces angoisses autour de la question en Côte d’Ivoire ».
Il n’en a pas fallu davantage pour provoquer l’ire du philosophe des marais qui renverse ainsi tout sur son passage : raison, sans froid, libre arbitre, confondant tout, bavant presque à établir un lien entre « ivoirité », colonisation, psychanalyse. Pour lui, la preuve n’a-t-elle pas été faite par un certain …Tiken Jah Fakoly qui aurait dénoncé très tôt les « difficultés [des dioulas] parce qu’ils ont des cousins en Casamance, comme s’il n’y a pas de Koffi au Togo ! ». Il s’englue davantage dans la thèse du « vous avez la primature !» ; lisons plutôt : « Les postes de premier ministre et les autres ministères gérés par le Pdci seraient-ils des ectoplasmes, des fictions, des rêveries sur la lune, ou sont-ils plutôt des administrations réelles, avec leurs budgets, leurs commodités, leurs habitués et leurs fonctions régaliennes ? ». Diantre ! Veut-il insinuer que par cette présence au gouvernement, le RDR entendait acheter la moralité et le militantisme du PDCI-RDA ? L’éviction du premier ministre Ahoussou, mais encore l’instauration de la gouvernance par ordonnance n’en disent-elles pas assez sur cette volonté ? Aux ivoiriens de juger !
Et sans vergogne Monsieur NYAMSI se fait des preuves partout en rappelant ces propos qu’aurait tenu le Fpi à l’encontre de Koulibaly Mamadou : «On n’attache pas bagage avec Dioula ! ». Pour autant que cela soit vrai, d’un point de vue dialectique, la cure émotionnelle de notre chroniqueur en philosophie du comportement devant ces clichés sociaux qui pullulent dans le zouglou, n’aurait-elle pas certainement mieux valu, s’il demandait aux « dioulas » de son jargon de prouver simplement qu’on peut attacher du «bagage» avec eux ? Le débat ne serait-il pas vite clos pour un intellectuel qui se sert si lâchement des caricatures sociales ? À moins que l’ambition ne soit naturellement de s’affaler à vivre le martyr alors qu’on a à son tour traité les autres de « roublards », de xénophobes testamentaires. Le comble est que notre cher contributeur a le culot de verser sans ménagement dans le dantesque et la menace : « Les faits nous disent, crûment, que tant que ceux-là même qui, dans les années 90 au PDCI, pensèrent et planifièrent l’exclusion ethnique des gens du Nord, n’ont pas renié leurs thèses et affiché publiquement un autre discours, le pire pendra toujours sur la tête de la Côte d’Ivoire, telle une épée de Damoclès. ». Cela n’est-t-il pas courageux quand une certaine hostilité à la réconciliation, tient indirectement en laisse toute une population ? Et si pour une fois ce pays savait débusquer les pyromanes ? Mais ces propos prouvent, en un sens, la vraie tragédie en cours qui n’est autre qu’une « autochtophobie » dont la plus grande illustration a été sans doute les exécutions sommaires au quartier « carrefour » de Duékoué. Lisons-le encore : « A-t-il [KKB] oui ou non, assisté des années 90 aux années 2000, à la chasse aux dioulas en Côte d’Ivoire ? » (Sic) ; « En soupçonnant le Rdr de faire ce qu’il ce qu’il ne prouve pas par des faits probants, KKB reprend le procès inquisitoire typique des ivoiritaires, qui voient sans cesse dans le dioula l’étrange et l’étranger, et par conséquent, s’en méfient avant même toute réflexion ou dialogue ». Mais au fait, a-t-on besoin de dialoguer si le principe de la vérité et de l’épée de Damoclès vous sont ainsi acquis ? Ne faut-il pas avouer, contre toute chose, que ce concept d’ivoirité tel que manipulé par ses soins a permis tout de même à Alassane Dramane Ouattara d’être au pouvoir ? Simple question. D’autre part, quelle distinction faut-il finalement établir entre le terme « dioula » qui veut dire « commerçant », des habitants du Nord de la Côte d’Ivoire (Sénoufo, Mahouka, Koyaka, Djimini…) et des immigrés venus du nord pays à qui il n’est nullement refusé le droit de demande d’asile ou de naturalisation, si besoin est ? C’est dans cette disposition d’esprit pailleurs que s’établit le lien avec les thèses du ministre Cissé Bakongo qui était en passe de se prouver à lui-même que, pour avoir été colonisée, la Côte d’Ivoire ne pouvait prétendre à quelque conscience de soi. Le ministre écrit en effet que tout dérive d’une certaine « posture » qui aurait, « [laissé] supposer et prospérer l’idée que les populations autochtones étaient des ivoiriens par essence et par excellence, contrairement aux populations allochtones, qui ne pouvaient être que des étrangers. Comme s’il préexistait, avant l’indépendance du pays, un code ethnique de la nationalité ou une ethnie donnant droit d’office à la nationalité, sinon un code coutumier de la nationalité ou une coutume conférant d’office la nationalité. ». Riche confusion. Il ajoute encore : « Pour des pays anciennement colonies de puissances étrangères, le principe ainsi posé impliquait deux conséquences majeures, qui étaient comme les deux facettes de la même médaille : Les colonies n’avaient pas de personnalité juridique propre au plan international ; elles n’étaient que des démembrements territoriaux des pays des puissances colonisatrices ; Les colonies étaient soumises aux lois et à toutes les lois en vigueur dans des pays des puissances colonisatrices, sauf celles dont l’application était réservée. » (sic). Que quelqu’un veuille bien dire au ministre, si ce n’est fait, qu’avant la colonisation, la notion de « territoire » tout comme celle de l’ « État » ou même de la « nation » existait bel et bien dans l’imaginaire négro-africain ! Qu’on lui enseigne surtout que la nationalité peut s’octroyer sur simple demande.
II. Du terrorisme intellectuel à « autochtophobie », chronique d’un terrorisme d’état en amorce.
Voyons ici dans la première réponse de KKB aux journalistes, le rendement du possessif « notre » pour mieux apprécier les contradictions de notre philosophe de Paris : « Si on ne note pas d’arrestation dans « notre » camp… ». Ce « camp » auquel KKB fait allusion, l’exclut-il du moment où le PDCI dont il est le responsable de jeunesse s’imbibe dans une alliance RDHP que Monsieur NYAMSI se plaît d’ailleurs à rappeler ? La seconde réponse n’est pas moins explicite. « J’entends comme tout le monde ces angoisses… ». Là Monsieur NYAMSI est encore plus qu’intransigeant et dénonce « la question dioula dans la catégorie de « l’angoisse de tout le monde ». Alors question : l’honnêteté en politique, relève-t-elle, comme il veut l’enseigner, du mythe du replâtrage de la vérité ou, découle-t-elle d’un regard objectif sur la réalité des faits ? Notre ami veut soupçonner les autres de non-dits pour « débusquer », dit-il KKB ; ce faisant il patauge dans la redondance constante comme ici : « La première thèse implicite de KKB est que le Rdr, parti du Président Alassane Ouattara, est un parti politique de domination ethnique dioula sur l’ensemble de la Côte d’Ivoire ». Du pareil au même, discours cyclique, endémique même ; et pourtant ! Mais enfin, quel jour, au nom du Rdr et d’Alassane Dramane Ouattara, va-t-on laisser libres, les ivoiriens du Nord et les musulmans pour une fois et proposer -surtout qu’on est au pouvoir-, un vrai programme de gouvernement ? La rengaine est connue en effet : créer un mythe de culpabilité identitaire en extériorisant sa propre peur du National. Le danger serait pour tout intellectuel, de laisser de telles thèses gouverner, surtout que notre agrégé de Paris ne se réfère qu’au célébrissime reggae-man Tiken Jah Fakoly, auteur de « Cours d’histoire » mais aussi célèbre pour son refrain « Ouvrez les frontières ». Faut-il enseigner à ces messieurs que la famille, le village, la région ou l’État, sont par nature des cellules-frontières qui réglementent, à différentes échelles, les sociétés humaines et que de « mondialisation », il ne saurait exister sans le « local » ? Ainsi devant ces incongruités, amalgames et aveux funestes qui en disent long sur la levée de bouclier contre cette démocratie interne au PDCI, les propos de KKB sont estampillés de dérives convulsives de la rengaine identitaire. Ce qu’il faut savoir, c’est que la colonisation n’est ni un code juridique ni une constitution. Par conséquent, les peuples qui parviennent à l’indépendance disposent en toute légitimité de leur destin. En tout état de cause, la porosité de ces analyses se confirme dans cette observation d’Aimé Césaire tirée de Discours sur le colonialisme : « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. ». (Cf Discours sur le colonialisme, 2006. p 3). Mais allons plus loin avec Césaire sur les notions de « colonisation » et de « civilisation » : « La malédiction la plus commune en cette matière est d’être la dupe de bonne foi d’une hypocrisie collective, habile à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les odieuse solutions qu’on leur apporte. » (Ibid. p 4). La malédiction serait ici de tout inscrire hors du cadre de la dialectique sociale et historique et la damnation, sans doute, de se dire que la patrie crée nécessairement l’apatride.
Par Dr LANGUI Konan Roger
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