La NSA espionnait aussi l’Union européenne
Le Monde.fr Par Frédéric Lemaître
Berlin, correspondant.
Barack Obama a menti.
En visite à Berlin le 19 juin, le président américain avait justifié l’étendue des écoutes américaines révélées quelques jours plus tôt par Edward Snowden par la nécessité de protéger les Etats-Unis et leurs alliés. Manifestement, selon les révélations ce dimanche de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, les écoutes opérées par la National Security Agency (NSA) américaine vont bien au-delà.
Selon un document américain datant de septembre 2010, les pays européens sont officiellement des « pays-cibles » aux yeux des Etats-Unis et à ce titre doivent être écoutés. Ce qui explique notamment que, par le biais de l’OTAN, dont le siège se trouve dans la banlieue de Bruxelles, les Etats-Unis écoutent les communications du bâtiment Justus-Lipsius qui abrite le Conseil de l’Union européenne. Les Européens ont découvert le système d’écoutes mis en place « il y a plus de cinq ans » affirme le Spiegel.
ÉCOUTE DES DIPLOMATES
Par ailleurs, les représentations diplomatiques de l’Union européenne à Washington et à New York (Nations unies) font l’objet du même traitement, révèle le Spiegel qui a eu accès aux informations d’Edward Snowden, cet Américain désormais en fuite qui a travaillé pour la NSA et révèle depuis quelques semaines l’ampleur mondiale des écoutes qu’elle opère dans le cadre du programme Prism.
A Washington et à New York, la NSA ne se contente pas d’écouter les communications téléphoniques, elle a également infiltré les communications internes entre ordinateurs. Alors que les moyens dont dispose la NSA sont confidentiels, le Spiegel a pu avoir accès à des documents qui montrent qu’en 2006, 19 335 civils et 15 986 militaires travaillaient pour cette agence qui disposait d’un budget de 6,115 milliards de dollars.
FRANCE, « PARTENAIRE DE TROISIÈME CLASSE »
Outre cette surveillance des diplomates européens, le Spiegel révèle l’importance des écoutes dont font l’objet plusieurs pays. Seuls l’Australie, le Canada, la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Zélande sont considérés comme des pays très proches et non comme des pays-cibles.
En revanche, 30 pays, considérés comme des « partenaires de troisième classe » seulement, n’échappent pas à la surveillance de la NSA. Celle-ci n’aurait pas accès au contenu des communications mais saurait qui est en contact avec qui. C’est notamment le cas en Allemagne. Selon le Spiegel, qui reproduit un graphique partiel des communications écoutées, « chaque mois les services secrets américains espionnent les données d’un demi-milliard de communications en provenance d’Allemagne ». Même les communications du gouvernement allemand seraient concernées.
Concernant la France, le graphique publié par le Spiegel ne concerne que les communications téléphoniques, pas Internet. Du 10 décembre 2012 au 8 janvier, quelques millions de communications semblent avoir été analysées chaque jour. Pour pouvoir tisser ce réseau mondial de surveillance des communications, les services secrets américains travailleraient avec plus de 80 grandes firmes mondiales, affirme le Spiegel.
INQUIÉTUDES AU PARLEMENT EUROPÉEN
L’ensemble de ces révélations ont déjà provoqué d’importantes critiques en Allemagne. Le député européen écologiste Daniel Conh-Bendit a appelé à une rupture immédiate des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique, tant qu’un accord n’a pas été signé avec les Etats-Unis sur la protection des données.
De son côté, le président du Parlement européen, l’Allemand Martin Schulz, s’est dit samedi « profondément inquiet et choqué par les allégations d’espionnage des autorités américaines dans les bureaux de l’UE ». « Si ces allégations sont avérées, ce serait un problème extrêmement grave qui nuirait considérablement aux relations entre l’UE et les Etats-Unis », a-t-il ajouté en réclamant « une pleine clarification et des informations complémentaires rapides » de la part des autorités américaines.
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