Côte d’Ivoire: la justice des vainqueurs ou la «nazisation» des pro-Gbagbo

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Libre Opinion | La Chronique Politique de Marc Micael

Si d’aucuns croient encore qu’il ne s’agit que d’une simple vue de l’esprit, ils se trompent. Mais alors lourdement. En Côte d’Ivoire, il existe bel et bien une justice des vainqueurs. Cette politique inique qui consiste à ne poursuivre, traquer, emprisonner, accuser de tous les maux…, qu’une et une seule partie d’ivoiriens pour leurs opinions politiques. Mieux, Gnenema Coulibaly, ministre de la justice sous Ouattara, nous livre ce qui en constitue le véritable fondement.
En effet, dans un entretien – qualifié de « grande interview » – accordé au principal quotidien pro-RDR (rassemblement des républicains, parti politique d’Alassane Ouattara), ce monsieur nous révèle – à mots à peine voilés – comment, en Côte d’Ivoire, le régime actuel au pouvoir, a toujours perçu tous les militants du FPI (front populaire ivoirien, parti politique crée par Laurent Gbagbo), les sympathisants de ce parti et – par ricochet – tous les ivoiriens qui croient et se sentent proches des idéaux de Laurent Gbagbo – c’est-à-dire, tous ceux que l’on nomme « pro-Gbagbo » – au sortir de la guerre post-électorale survenue en Côte d’Ivoire : « La Côte d’Ivoire n’est quand même pas le premier pays au monde qui connait une telle situation. Quand la guerre est finie en Europe, les Nazis n’ont-ils pas été les seuls à être poursuivis et jugés ? ». Voilà qui est clair.

Ainsi donc, les pro-Gbagbo ne sont rien d’autre, aux yeux des hommes d’Alassane Ouattara que de vulgaires nazis.

Cette comparaison des pro-Gbagbo aux nazis, du temps du triste Hitler, dicteur allemand – et des atrocités que ces nazis ont commis – est, à elle seule symptomatique de l’état d’esprit qui conduit inévitablement aujourd’hui, à la pratique de la justice des vainqueurs en Côte d’Ivoire, par le régime d’Alassane Ouattara.
Dès lors, l’on comprend mieux cette cynique méthode de gestion de l’après-guerre post-électorale en Côte d’Ivoire, mais et surtout, les agissements qui en découlent.
Pro-Gbagbo, des moins que rien

A la question se rapportant au traitement des prisonniers pro-Gbagbo, le ministre répond : « Ceux dont vous parlez dans cette marre (9295 détenus, selon ses dires, ndlr), ne sont que des gouttes d’eau. (…) Quand vous parlez de deux ou trois personnes, vous vous rendez compte véritablement que ce n’est pas la tasse la plus grande à boire dans cette affaire. ». A lire ce qui précède, l’on se demande bien si monsieur Gnenema mesure la gravité de ses propos. La présence des prisonniers pro-Gbagbo dans les geôles de la ouattarandie, le traitement qu’ils y subissent, n’est-ce pas aussi-là, l’une des principales causes de la tension socio-politique qui perdure depuis la prise du pouvoir par son mentor Alassane Ouattara ? On ne peut se voiler la face devant ce qui apparait comme une privation en masse de liberté pour des personnes à cause – visiblement – de leurs choix politiques. Car la crise ivoirienne et singulièrement, la post-électorale, est avant tout, une crise politique, née d’un contentieux entre deux camps politiques. Nier, voire refuser aux prisonniers politiques, leur statut et la place incontournable qu’ils doivent occuper dans le processus de réconciliation nationale et de cohésion sociale en Côte d’Ivoire, est une regrettable erreur de jugement. Mais, n’est-ce pas – là aussi – la logique de « nazisation » d’une partie d’ivoiriens qui ne sont en fait, rien aux yeux du régime en place, sinon des prisonniers sans aucune importance, des nazis qui méritent bien leur sort ?

Faire mourir à petit feu ces nazis ivoiriens

Jusqu’à quand resteront encore en prison ces pro-Gbagbo, ces nazis ivoiriens ? Car le constat est-là. Plus qu’alarmant. Certains d’entre ces prisonniers n’ont – à ce jour – jamais pu voir leurs avocats, ni même bénéficier d’un début de procès.

« Ces dossiers avancent » ou encore, « ces dossiers sont en cours de traitement ». Voici ce qui, depuis bientôt plus de deux ans, reste l’invariable réponse donnée par les vainqueurs – à la juges et partie – de la ouattarandie. A ce rythme, la stratégie est claire, identique à celle appliquée aux nazis allemands, au sortir de la seconde guerre mondiale. En Côte d’Ivoire, il s’agit aussi de maintenir en détention et, pour le restant de leur vie, toutes ces personnes, fautives pour leur proximité avec Laurent Gbagbo, de sorte à les y faire mourir à petit feu.

Pro-Gbagbo, seuls coupables, comme les nazis

Au sortir de la deuxième guerre mondiale, il est vrai que des nazis allemands ont été les seuls à être poursuivis et jugés. Il est aussi bien évidemment que les concepteurs, les commanditaires, les responsables de la mise en œuvre et les exécutants de cette guerre absurde qui a coûté la vie à plusieurs millions d’hommes, de femmes et d’enfants, soient jugés et poursuivis.

Mais en Côte d’Ivoire, qui sont es concepteurs, les commanditaires, les maîtres d’œuvre de la guerre post-électorale ? Qui sont ceux qui prirent le raccourci des armes comme unique solution dans un malheureux contentieux électorale ? Qui sont-ils, ceux qui ont crié haut et fort : « les armes se sont imposées à nous » ?

Le règne du pouvoir absolu et de la pensée unique

N’en déplaise à ceux qui pourraient s’offusquer de ce qui apparait, ni plus ni moins ici comme une « nazisation » de cette large frange d’ivoiriens, c’est-à-dire, la justice des vainqueurs qui a cours en Côte d’Ivoire, à ceux-là, monsieur Coulibaly Gnenema, ministre de la Justice d’Alassane Ouattara, répond, non sans désinvolture : « Nous avons un pays à gérer. Et personne ne pourra imposer à la Côte d’Ivoire une quelconque volonté. Nous travaillons comme nous estimons bon pour les populations et pour la Côte d’Ivoire ». En d’autres termes, monsieur Gnenema affirme – à mots couverts – que poursuivre ceux de son camp, coupables avérés de crimes graves, ne serait donc pas – aux yeux du régime Ouattara – une priorité. Aussi, nul ne saurait contraindre ce régime à adopter une attitude contraire. Car il est le détenteur absolu du pouvoir. Ce régime compte donc imposer sa pensée à tous et n’a, finalement, pas de compte à rendre à personne. Ainsi sonna-t-il le glas : en Côte d’Ivoire, seul le camp Gbagbo, s’est rendu coupable de crimes ayant occasionnés plus de 3000 morts. Il doit en payer le prix, lui et lui seul. Et la réconciliation dans tout ceci, pourrait-on se demander ?

Au regard de ce qui précède, il est bien évident qu’elle se fera de la manière dont Ouattara et son camp la conçoive.

En attendant, les hommes du FPI, et tous les pro-Gbagbo, ces nazis identifiés comme tels, ont-ils – sous cette forme de dictature – le choix d’autres moyens d’expression, en dehors de leur refus à s’asseoir à la même table de dialogue que leurs bourreaux-accusateurs ?

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