Par Mamadou Koulibaly | LIDER | 11 juin 2013
Comment faire le développement économique et social de la Côte d’Ivoire si nous ne connaissons pas la population pour laquelle nous voulons ce développement ?
Cette question, qui est à l’origine de toutes les interrogations à propos de la politique nationale d’un pays, est totalement exclue des préoccupations du gouvernement ivoirien. Le développement, c’est d’abord prendre soin et organiser méthodiquement et rigoureusement le travail et la vie des populations en société. Cela suppose que la population à laquelle s’adresse la politique soit connue par le politique et que les décisions d’intérêt général soient prises dans l’intérêt de ces mêmes populations. Comment alors connaître ces populations ?
La méthode à la disposition des Etats pour les connaître, c’est d’abord leur recensement général périodique. En Côte d’Ivoire, depuis l’année de la proclamation de l’état postcolonial officiel, il y a eu un certain nombre de recensements généraux de la population. En 1955, le recensement administratif effectué par le régime colonial indiquait approximativement 2.540.000 habitants, mais c’est en 1975, soit 15 ans après l’indépendance, qu’il y a eu le premier recensement général de la population et de l’habitat en Côte d’Ivoire (RGPH), qui a compté 6.709.000 habitants. Le second RGPH a eu lieu en 1988, avec pour résultat 10.815.694 habitants. Puis il y a eu le troisième RGPH en 1998, qui a comptabilisé 15.366.672 habitants. Ainsi, l’on avait pris l’habitude de procéder régulièrement à un RGPH et, si entre 1955 et 1975, il s’était passé 20 ans, depuis 1975, les délais semblaient se raccourcir puisque 13 ans après, le second recensement général avait eu lieu et 10 ans plus tard, le troisième. Il avait été prévu de procéder au quatrième 10 ans plus tard, en 2008. Rien n’a été fait, concentrés que nous étions à gérer la sortie de crise. Et depuis 2008, l’on ne fait que spéculer sur les questions de population.
Le 16 novembre 2012, le gouvernement à Yamoussoukro installait le comité national chargé de piloter l’opération de RGPH qui était prévu pour mars 2013, avec un budget de 11,8 milliards de francs cfa (23 millions de dollars). Le gouvernement déclarait à l’époque que 3 milliards étaient déjà disponibles et que l’opération était lancée. Le mois de mars est passé, celui d’avril aussi, puis mai et maintenant nous sommes en juin et nous n’avons plus aucune nouvelle du RGPH 2013. Quinze ans après le troisième recensement général, la Côte d’Ivoire est incapable de dire avec précision quelle est la taille de sa population. Où cette population vit-elle, en ville, en milieu rural ? Quelle est la proportion de jeunes, de femmes, d’hommes et de vieux ? Combien y a-t-il de chômeurs et de non chômeurs, d’élèves et d’étudiants, d’agriculteurs et d’ingénieurs ? Quel est le profil réel de cette population ? Comment est-elle répartie sur l’ensemble du territoire ? A quelles activités est-elle occupée ? Combien y a-t-il d’étrangers en Côte d’Ivoire ? D’où viennent-ils ? Que font-ils en Côte d’Ivoire ? Dans quel genre d’habitat les gens vivent-ils ? Ont-ils de l’eau courante ou non ? Comment se procurent-ils cette eau ? Ont-ils de l’électricité ? Leurs lieux d’habitation sont-ils joignables par la route, par piste ? Combien sont propriétaires d’entreprises, de leur maison, de leurs champs ?
Nous n’en savons strictement rien. Et passé le mois de mars, il semble même que le gouvernement ait décidé de retirer des prévisions de dépenses budgétaires les fonds qui devaient servir au RGPH. Comment expliquer que nous fassions chaque jour des discours sur l‘économie, le développement, l’émergence, le chômage et la pauvreté de notre pays et que nous ne sachions même pas pour qui nous souhaitons cette économie et ce développement ? Comment attirer les investisseurs, si nous ne sommes pas capables de leur donner des indications précises sur le marché dans lequel nous les invitons à développer leurs activités ? Le gouvernement n’a pas envie de faire ce recensement, il gouverne à l’aveuglette, ne sachant pas exactement quoi faire avec les populations, parce que son but ultime n’est pas l’amélioration des conditions de vie desdites populations, mais plutôt de rester le plus longtemps au pouvoir pour l’enrichissement personnel de ses membres.
Il est devenu urgent de procéder immédiatement au RGPH, avant de lancer la mise à jour de la liste électorale.
Pr. Mamadou Koulibaly
Président de LIDER
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