«Libérer Gbagbo, c’est brûler la Côte d’Ivoire» Ce titre, plaqué fièrement à la Une d’un quotidien pro-Ouattara, est si grave de sens, qu’il ne peut pas et ne doit pas passer inaperçu pour tout ivoirien ayant l’amour pour son pays. Ce titre haineux, cette phrase dangereuse, est l’exemple éloquent qu’au-delà de leurs « berceuses » sur la réconciliation nationale, des caciques du régime d’Abidjan, n’ont – en réalité – jamais abandonné leurs habitudes de pyromanes criminels.
Au nombre de ces derniers, on peut citer un certain Soro Alphonse, député de la ouattarandie, proche conseiller de Soro Guillaume et principal instigateur de cette phrase incendiaire.
Le contexte
A peine les juges de la CPI eurent-ils décidé d’un ajournement de l’audience de confirmation/Infirmation des charges contre Laurent Gbagbo, que l’ont constata un véritable émoi dans le camp Ouattara. Ce fut d’abord la surprise générale dans le camp des républicains. Surprise qui, vite fit place à l’inquiétude. Ensuite vint la révolte et enfin l’incitation à brûler le pays, c’est-à-dire, à la haine et au meurtre. Le tout, dans une crise d’hystérie, montée de toute pièce et, au centre delaquelle, des populations appelées « victimes de Gbagbo », sont malheureusement instrumentalisées. Ainsi, on reconnait ici l’éternel reflexe de gens – très souvent – à court d’arguments: l’appel à la violence.
Ce quotidien, complice de cet appel haineux, porte-voix du régime Ouattara, n’est d’ailleurs pas à son premier forfait. Après avoir « divisé » en deux, à sa Une, la carte de la Côte d’Ivoire, il y a quelques années, le voici encore à jeter de l’huile sur le feu. Et ce, au nez et à la barbe du CNP (conseil national de la presse), dont on le parti-pris n’étonne plus personne.
Mais intéressons-nous plutôt à cette crise d’hystérie qui s’empara subitement du camp Ouattara. Car elle est à prendre au sérieux. Mieux, il nous faut la décrypter, afin de pouvoir – le moment venu – dire au peuple ivoirien, sans risque de se tromper, qui sont ceux qui ont intérêt à mettre la Côte d’Ivoire à feu et à sang. Il nous faut nous interroger, afin de savoir pourquoi une décision de justice équivaudrait à brûler un pays, surtout de la part de gens qui soutenaient pourtant sur tous les toits qu’ « il ne pouvait y avoir de réconciliation sans justice préalable ».
Quand tombent les masques…
Qui n’a jamais entendu l’ennuyeux refrain : « les ivoiriens se réconcilient » ? Ou en encore : « la réconciliation est en marche en Côte d’Ivoire » ? Or, comment se fait-il que ce qui est dit, tranche nettement avec ce qui est fait ? Qu’en est-il donc réellement ?
Il se trouve que, pour faire croire qu’il faisait de la réconciliation sa priorité, Alassane Ouattara mit en place la CDVR ( commission dialogue vérité et réconciliation), avec à sa tête monsieur Konan Banny. Mais dès qu’il prit vent de ce que ce dernier avait des ambitions politiques inavouées et donc qu’il pourrait être pour lui, un potentiel adversaire à la course au pouvoir, il le court-circuita par la création d’une CDVR bis : le PNCS (programme national de cohésion social), piloté par, Madame Mariatou Koné. Quelle leçon peut-on en tirer ? Sinon que les ambitions personnelles l’ont emporté sur un projet qui devrait servir la communauté ? Et donc qu’ici, la réconciliation n’était pas – en fait – le mobile recherché ?
Mais, allons plus loin avec cette belle profession de foi de Kablan Duncan, premier ministre : «(…) la réconciliation n’est pas une option, mais une obligation de bon sens. Et le gouvernement est résolu, avec détermination et engagement, à y consacrer l’énergie qu’il faut ».
Contrairement à ces propos, certains observateurs, très au fait de la situation en Côte d’Ivoire, depuis l’arrivée au pouvoir de Ouattara, n’ont cessé de prévenir qu’il faille : « Transformer les discours en réalité », car « la Côte d’Ivoire est loin d’être apaisée » et que la réconciliation est « au point mort ». Mais Alassane Ouattara et son camp – que cette évidence irrite ostensiblement – n’ont jamais voulu l’admettre. Niant – au passage – tout en bloc et se faisant passer pour les prophètes illuminés de la réconciliation.
Mais alors comment se fait-il que les masques tombent soudainement dès lors qu’il s’agit de libérer Laurent Gbagbo au point de vouloir brûler le pays ? Comment expliquer cette perte de sang froid de la part de nos nouvelles autorités alors qu’il ne s’agit-là que de rendre une décision de justice ?
En fait, pour la classe politique actuellement au pouvoir, l’adage ne fait que se confirmer : « chassez le naturel, il revient au galop ».
La nouvelle de l’ajournement de l’audience de confirmation / infirmation de Laurent Gbagbo et la perspective de la libération de ce dernier, ont bien eu raison de l’apparente sérénité du régime d’Abidjan. Cette nouvelle a eu le mérite de révéler sur la place publique, la fébrilité d’un régime qui, sentant le danger s’approcher, voit sa tendance naturelle ressurgir : recourir à ce qu’il sait faire le mieux. C’est-à-dire, l’incitation à la violence, verbale et physique.
On peut donc le répéter : avec cette annonce de la CPI, les masques sont lourdement tombés. Confirmant du coup, les soupçons des uns et des autres: à savoir, qu’à la moindre occasion, le régime en place relèguerait son hymne à la réconciliation aux calendes grecques pour brûler le pays.
Aujourd’hui, le pyromane Soro Alphonse, et les services du quotidien abusivement autoproclamé « Le Patriote », sont à la tâche, guettant avec fébrilité, une éventuelle libération de Laurent Gbagbo.
En somme, on comprend à mieux présent que ces gens, aujourd’hui aux affaires, n’ont jamais voulus d’une réconciliation sincère. Car ils cherchent plutôt à…
Confisquer le pouvoir et le consolider par tous les moyens
« Notre survie dépend de sa (Alassane Ouattara, ndlr) réélection », déclarait – il y a peu – Soro Guillaume.
Alors petite Question de bon sens: que ne ferait pas un homme pour survivre surtout lorsqu’il sent sa condition – pratiquement – désespérée ?
Et bien, il pourrait utiliser tous les moyens à sa disposition, surtout si – comme le dit si bien Soro – sa vie en dépend.
En en mettant en ordre de bataille, par de tels propos, ceux de son camp, Soro Guillaume ne fait rien d’autre qu’appeler à la confiscation du pouvoir, dans un contexte où chacun peut se rendre à l’évidence que son mentor, Alassane Ouattara, n’a réussi qu’à diviser et exacerber les différences entre ivoiriens. Dans ce contexte d’agitation dû à la décision des juges de la CPI qui pourrait se solder par la libération de Laurent Gbagbo, l’adversaire le plus farouche et le plus craint d’Alassane Ouattara, Soro Guillaume ne fait que jouer sa partition. Appeler à la perpétuation de ce qui – jusqu’ici – maintient son mentor au pouvoir : la poursuite de la mise en œuvre du plan machiavélique dont les deux mamelles nourricières ne sont autre que la justice sélective avec son corolaire de représailles contre les proches de Gbagbo et l’apologie de l’impunité totale accordée aux meurtriers au sein du camp Ouattara.
Une triste situation que l’ex-patron de l’Onuci, après 18 mois passées en Côte d’Ivoire et en partance pour le Mali, n’a pas manqué relever et d’exprimer au nombre de ses regrets. Il s’est dit préoccupé par « la lenteur des enquêtes » et qu’il regrette qu’ « aucune fouille des fosses communes (du massacre du camp de Nahibly-Duékoué, par les FRCI et les dozos fidèles à Ouattara, ndlr) signalées par les témoins, n’ait été programmées ». Une façon de rappeler aux autorités au pouvoir et à l’opinion publique que la justice en Côte n’a jamais été équitable depuis le changement de régime par les bombes françaises.
Ainsi, si l’on s’en tient au propos de Soro Guillaume selon lesquels de la réélection de Ouattara dépend la survie des partisans de leur camp, cela signifie que ce cynique plan, « nettoyer » tout sur leur chemin, afin d’espérer régner tranquillement ou à défaut, brûler la Côte d’Ivoire toute entière comme ils l’ont fait en 2002 et en 2011, a encore de beaux jours devant lui.
Au final, on peut retenir qu’en réalité, il importe peu au régime en place de réconcilier les ivoiriens. Seuls comptent pour lui la logique de la confiscation du pouvoir et sa consolidation par tous les moyens. Un projet qui – on le devine aisément – ne peut être du goût de tout le monde.
Dès lors, Alassane Ouattara et son camp – à moins qu’ils ne se ressaisissent maintenant – ne peuvent être que les seuls tenus pour responsables de ce qui pourrait advenir à ce pays. Eux et seuls, seront les coupables de ce qui pourrait – une fois de plus – mettre la Côte d’Ivoire à feu et à sang.
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