De la sobriété pragmatique à la mythification: comment nous avons dénaturé le Président Ouattara !

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Par Diarra Cheickh Oumar Libre Opinion

S’il est établi que l’homme a une histoire, il n’en demeure pas moins qu’il est aussi une histoire, le produit craché des conditions socio-culturelles de son éducation, de ses rapports avec son ego et les autres hommes désignés sous le vocable générique d’autrui. L’individu humain n’est, par conséquent, pas, in statu nascendi, donné comme une entéléchie c’est-à-dire un être en état de perfection, de parfait accomplissement. Il n’est pas donné une fois pour toutes, de façon dogmatique et inflexible, mais comme un être sans cesse en quête de son essence, donc falsifiable dans les deux sens du bien et du mal. De ces deux trajectoires qui constituent la trame de notre existence en la structurant, il convient de se démarquer rigidement de la pente du mal, de la négativité qui nous éloigne des valeurs, nous amène à nous parjurer, à être en porte à faux avec les principes cardinaux de vie que nous nous sommes librement et de façon souveraine, choisis. Je ne suis pas à ma première tribune sur ce sujet. Toutefois, j’aimerais y revenir dans la mesure où les choses vont, avec le flux du temps, de charybde en scylla. C’est avec beaucoup d’amertume, d’affliction que je vois, journellement, le Président Ouattara, s’écarter de plus en plus des canons de rigueur, de chantre du travail bien fait, de la célébration du mérite et de la valeur intrinsèque de l’être … sous lesquels nous l’avons connu lorsque la primature lui fut confiée par feu le Président Houphouët-Boigny, avec comme mission essentielle de redresser une situation économique des plus catastrophiques, de mettre fin à cette permissivité pernicieuse qui s’était emparée du corps social et ses succédanés d’absentéisme, de corruption, de manque d’honnêteté dans la gestion des biens publics, de gabegie, de népotisme etc. En homme sobre, mais surtout pragmatique, il avait, en son temps, pensé et arrêté toute une série de mesures qui, en un laps de temps assez bref, avaient fait recette et permis de déboucher sur des résultats inespérés. Ce plan Alassane, on s’en souvient encore, marqué du sceau de l’austérité et d’une application intransigeante d’une justice répressive avait conduit à faire reculer de façon significative ces pratiques perfides qui s’étaient incrustées dans les habitudes. Cette traque sans merci des ripoux de notre administration de l’époque, lui a valu une aversion profonde, presque générale, de tous ceux qui s’étaient accoutumés à des pratiques répréhensibles comme moyen d’élévation sociale et comme viatique pour contenter les lubies de leur hubris sans commune mesure.

Ce ‘’crime de lèse-majesté’’, on le sait, rendra par la suite, son insertion dans le marigot politique, difficultueuse au motif de constructions oniriques spectaculaires qui le présenteront comme un national Burkinabé ayant usurpé la nationalité ivoirienne. Ce M. Ouattara, précédé des qualités fort dithyrambiques d’homme à la rigueur implacable, foncièrement honnête et ayant une haute conception de l’éthique et de la justice sociales, est aujourd’hui évanescent. Certes, par sa propre volonté car doté de cette matière hautement raffinée, la raison, qui engage son entière responsabilité vis-à-vis de ses fautes morales et de ses agissements illégaux, mais essentiellement, par notre faute, nous ses courtisans, ses pseudo-conseillers, ses laudateurs stomacaux qui avons fini, par nos âneries loin de la réalité que nous lui scandons, sans débrider, chaque jour, à l’oreille, par lui faire croire qu’il est outillé de pouvoirs extraordinaires l’élevant au même statut que le Dieu artisan créateur de l’Univers. C’est un peu le cas de l’enfant qui, durant son éducation aux valeurs sociales qui fondent la vie communautaire, n’a été acclimaté qu’à des discours exprimant une opinion très favorable quant à ses actes bons ou mauvais qu’il pose, est amené, in fine, à graver dans son subconscient qu’il n’est capable que d’actes mélioratifs, dignes d’être applaudis, que l’erreur est étrangère à ses gênes, qu’elle est l’apanage exclusif des autres. Dès cet instant, il éprouve de réelles difficultés à démarquer le bien du mal, s’enferme dans une tour d’ivoire, n’écoutant que les mélodies déblatérées par son hubris et, se braque, entre en rébellion chaque fois qu’il est mis devant ses inconduites, ses actes inconvenants qui choquent la morale sociale. Mais, on n’en voudra pas à l’enfant pour cet étalage d’égocentrisme, pour cette vision trop favorable qu’il a de lui-même dans la mesure où cela lui a été imposé, insufflé par les autres qui, dans le commerce qu’ils ont eu avec lui, lui ont donné des dimensions exagérées, surfaites, non certifiées par l’expérience. Le démiurge, ne se trompe pas, est étranger à la faute, à l’erreur parce que tout simplement omniscient, omnipotent, omniprésent. Toute critique visant à mettre en exergue ses ratés langagiers ou comportementaux, est reçue comme une pique, une vexation, une mortification. Or, la véritable évolution, le progrès vrai, sont fatalement tributaires de la critique, de l’auto-critique comme acte inaugural. Le sens de mon propos ici, est que Monsieur Ouattara est plus victime que coupable des dérapages constatés, qui ne se comptent plus. Prisonnier des mailles de flagorneurs intéressés qui l’entourent et qui lui mentent quotidiennement, il est en proie à de sérieux ennuis d’appréciation. Lorsqu’il occupait la primature sous le Président Houphouët-Boigny, il devait avoir entre 47 et 48 ans ; donc encore très jeune et apte à se prémunir aussi bien physiquement qu’intellectuellement contre les traquenards dressés sur son parcours.

Mais, aujourd’hui, il en a précisément 71. Par conséquent, fortement débilité par l’état de sénilité dans lequel il se trouve, il du mal, malgré la bonne volonté qui l’anime, de faire barrage aux intrigues de certains faucons qui l’environnent, qui ne se battent que pour leur émergence, leur prospérité personnelles et, n’hésiteront pas, toute honte bue, à quitter le navire, à être des courtisans du prochain chef appelé à présider aux destinées de notre cher pays lorsque les choses péricliteront. Toutefois, quoi qu’on dise, Monsieur Ouattara reste et demeure celui que nous avons élu. Sous ce rapport, malgré l’argument de l’âge, de sa prise en otage par des vautours faisant l’âne autour de lui pour mériter le foin qui plaident en sa faveur, il est celui qui devra rendre compte devant le peuple. Par ricochet, revenir aux anciennes valeurs qui ont bâti sa renommée nationale et internationale, ne lui ferait que du bien, en prévision des joutes électorales à venir. Vivement, que ces nominations et dégommages fantaisistes et sans fondement juridique qui pleuvent ces jours-ci connaissent un bémol. Les promotions doivent être exclusivement guidées par les valeurs intrinsèques des personnes promues ; que les considérations claniques et népotiques soient définitivement bannies.

Le problème du cumul des postes de responsabilité doit également être efficacement traité pour mettre fin aux frustrations qui sont politiquement, graves de conséquences. En effet, un État décidé à rompre avec l’archaïsme, doit impérativement se débarrasser de ces oripeaux qui ne l’honorent point. L’efficacité fait difficilement bon ménage avec l’éparpillement. Je veux dire qu’un seul individu ne saurait, rationnellement parlant, conglomérer entre ses mains, les postes de Directeur financier de la Présidence, de Ministre, de Député, de Maire… Un peu de modération, tout de même ! Même si la transcendance, dans son infinie bonté, nous a permis d’être le frangin du guide suprême. Une purification s’impose également au sein du gouvernement qui est loin de refléter le principe de bonne gouvernance déclamé avec jactance. Beaucoup y sont à ne rien faire, à se tourner les pouces, s’ils ne sont pas trempés dans de grotesques scandales. Mus par des intérêts purement égoïstes, ces postes de Ministre offerts sur des plateaux d’or, ne sont pour eux que des filons permettant de faire l’étalage orgueilleux de leur ego démesuré, de leur bien-être matériel. Pour ce qui concerne le chantier de la réconciliation qui semble visiblement piétiner, s’inspirer de l’exemple de l’Afrique du sud sous Nelson Mandela, comme l’a brillamment démontré le Dr. Famahan Samaké dans une tribune la semaine dernière, est à calquer pour sa dimension pragmatique. Cela est d’autant plus nécessaire que sans paix véritable, il n’y a pas de progrès possible. Dans la recherche de la paix, l’orgueil est un mauvais conseiller. Savoir faire profil bas pour coïncider exactement avec l’essence de l’houphouëtisme comme doctrine morale et politique, dont on se réclame à hue et à dia, s’impose ici. Si quelquefois, le sage de Yamoussoukro a dû recourir à l’argumentum baculinum (argument du bâton, de la force) par nécessité, il dû le plus souvent faire usage du pardon, s’humilier pour souder davantage les liens entre les ivoiriens et faire de ce pays un pays de paix. Je crois que s’il était encore capable de parler, c’est cette voie pleine de sagesse qu’il aurait conseillée au Président Ouattara et à son aîné, le Président Konan Bédié. Il faut donc rester sourd aux injonctions des extrémistes couards toujours favorables aux solutions extrêmes, mais prêts à prendre la poudre d’escampette lorsque le contrôle de la situation devient une fiction. Que Dieu nous garde !

Diarra Cheickh Oumar
E-mail : diarraskououmar@yahoo.fr

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