Côte d’Ivoire – Comment la corruption résiste sous Ouattara

CisseBacongo(30)

En Côte d’Ivoire, la corruption semble pourvue d’une force qui la rendrait invincible, malgré tout l’arsenal déployé par les nouvelles autorités contre elle.

Par Parfait Tadjau Source: Nord-Sud

L’action «corrosive« du phénomène est indéniable. Le secrétariat national à la gouvernance et au renforcement des capacités (Sngrc), structure habilitée à le combattre, n’en dit pas autre chose. Son premier responsable, Méité Sindou, a ré-cemment exprimé ses regrets à propos de la corruption dont les effets restent tout à fait négatifs pour le pays. « …Le fléau gangrène tous les secteurs de la so-ciété en Côte d’Ivoire. Tous les indicateurs mis ensemble révèlent encore une constante : notre pays fait partie des cin-quante (pays) les plus corrompus au monde », a-t-il asséné, mercredi dernier, à Abidjan, à l’occasion d’un séminaire.
Maints faits traduisent l’ampleur de ce reflet de malgouvernance. Comment comprendre, en effet, que des per-sonnes, sur qui planent de forts soupçons de mauvaise gouvernance, changent de poste avec une facilité déconcertante, et se trouvent même promus ? Ce fut le cas, il y a quelque temps, dans la capitale éco-nomique ivoirienne. Aussi, bien de si-tuations (le cas des agresseurs du dg de l’Ecole normale supérieure, dont nous avons parlé dans nos précédentes édi-tions…) témoignent-elles, d’une certai-ne précarité des mœurs dans certains compartiments de la vie professionnel-le en Côte d’Ivoire. Aux assises qui ont réuni des membres de la société civile et des medias ivoiriens, M. Sindou n’avait pas caché sa peine : « La situation reste encore préoccupante, en dépit de tous les efforts. La corruption continue de de-meurer un défi national ». Sur ce fléau, le président de la Fédération des com-merçants de Côte d’Ivoire (Fenac-ci), Soumahoro Farikou, pense qu’il se pra-tique à tous les niveaux, mais aussi ailleurs. « Il s’agit d’un phénomène mondial qui a lieu partout. Les Ivoiriens ont pris l’habitude de vivre ainsi. Il est donc devenu difficile de les sortir de ce carcan. Et s’il y a des corrompus, c’est bien parce qu’il y a des corrupteurs. Il faut traquer le mal à la source », a-t-il suggéré. Farikou Soumahoro a estimé que le phé-nomène doit être combattu à tous les ni-veaux, du plus bas au plus haut. Dou-koua Godé, président de la Fédération nationale des associations de consom-mateurs (Fac-ci), lui, soutient que le faible pouvoir d’achat favorise la corruption. « Tout augmente et malheureusement, les salaires restent inchangés. Cela expose même les travailleurs les plus hon-nêtes», a-t-il dénoncé. Pour sa part, tant que les biens et services afficheront des prix constamment majorés, « les po-pulations, qui ont de faibles revenus se-ront toujours tentées par les attitudes de dessous de table». Il a avancé également que « la corruption est considérée com-me un fait culturel dans nos sociétés, où on se sent obligé d’offrir un présent à une personne pour un service rendu ». Par ailleurs, il a fait allusion aux mauvaises ma-nières qui ont gagné les contacts de tra-vail et d’affaires, les passations de mar-chés et autres opérations qui ne peuvent se dérouler sans corruption en Côte d’Ivoire. Cet opérateur économique et juristes, sous le sceau de l’anonymat, a dé-claré, qu’il ne suffit pas de prendre des décisions. Il faut les appliquer, effecti-vement. « Les actions d’éclat ne peuvent pas être efficaces s’il n’y a pas de suivi et de la rigueur. Il faut un signal fort des gouvernants. Qui doivent se référer aux stratégies de certains pays déve-loppés. Leur particularité, c’est que leurs dirigeants ont plutôt cherché à as-seoir des institutions fortes», a-t-il pro-posé. A ses dires, « de cette façon, tou-te personne qui arrive est contrainte de faire montre d’une gestion optimisée ». Le fléau est bien une réalité. Et pour Méi-té Sindou, qui choisit de mettre les pieds dans le plat, «…il n’y aura pas d’émer-gence sans bonne gouvernance; il n’y aura pas d’émergence sans transparen-ce, sans reddition de comptes, sans contrôle, sans un mécanisme efficace de sanction des faits de corruption ». « Par-ce que, a-t-il noté, la corruption, nous le savons tous, engendre le gaspillage des ressources publiques, la baisse de la crois-sance, l’augmentation du coût des tran-sactions, la baisse de la qualité des ser-vices et donc l’inefficacité de l’adminis-tration et la perte de crédibilité des ins-titutions ». Un classement sur les indices de perception de corruption (Ipc), pu-blié par l’organisation Transparency in-ternational (Ti), spécialisée dans la lutte contre la corruption, indique que la Côte d’Ivoire, en 2012, a occupé le 130ème rang sur 180 pays dans le monde, contre 154 sur 182 en 2011. Ce qui don-ne les Ipc 2,9 et 2,2 sur 10. La Côte d’Ivoi-re est encore loin de l’acceptable, concluent les experts de la structure. Pour rappel, la corruption à laquelle s’ajoute le racket, selon des études menées par les institutions financières internatio-nales et d’autres partenaires au déve-loppement, fait perdre annuellement plus de 300 milliards de Fcfa au pays. « Né-gativement performante », selon Ti, la Côte d’Ivoire est victime de ses maux de société.

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