En Côte d’Ivoire, la corruption semble pourvue d’une force qui la rendrait invincible, malgré tout l’arsenal déployé par les nouvelles autorités contre elle.
Par Parfait Tadjau Source: Nord-Sud
L’action «corrosive« du phénomène est indéniable. Le secrétariat national à la gouvernance et au renforcement des capacités (Sngrc), structure habilitée à le combattre, n’en dit pas autre chose. Son premier responsable, Méité Sindou, a ré-cemment exprimé ses regrets à propos de la corruption dont les effets restent tout à fait négatifs pour le pays. « …Le fléau gangrène tous les secteurs de la so-ciété en Côte d’Ivoire. Tous les indicateurs mis ensemble révèlent encore une constante : notre pays fait partie des cin-quante (pays) les plus corrompus au monde », a-t-il asséné, mercredi dernier, à Abidjan, à l’occasion d’un séminaire.
Maints faits traduisent l’ampleur de ce reflet de malgouvernance. Comment comprendre, en effet, que des per-sonnes, sur qui planent de forts soupçons de mauvaise gouvernance, changent de poste avec une facilité déconcertante, et se trouvent même promus ? Ce fut le cas, il y a quelque temps, dans la capitale éco-nomique ivoirienne. Aussi, bien de si-tuations (le cas des agresseurs du dg de l’Ecole normale supérieure, dont nous avons parlé dans nos précédentes édi-tions…) témoignent-elles, d’une certai-ne précarité des mœurs dans certains compartiments de la vie professionnel-le en Côte d’Ivoire. Aux assises qui ont réuni des membres de la société civile et des medias ivoiriens, M. Sindou n’avait pas caché sa peine : « La situation reste encore préoccupante, en dépit de tous les efforts. La corruption continue de de-meurer un défi national ». Sur ce fléau, le président de la Fédération des com-merçants de Côte d’Ivoire (Fenac-ci), Soumahoro Farikou, pense qu’il se pra-tique à tous les niveaux, mais aussi ailleurs. « Il s’agit d’un phénomène mondial qui a lieu partout. Les Ivoiriens ont pris l’habitude de vivre ainsi. Il est donc devenu difficile de les sortir de ce carcan. Et s’il y a des corrompus, c’est bien parce qu’il y a des corrupteurs. Il faut traquer le mal à la source », a-t-il suggéré. Farikou Soumahoro a estimé que le phé-nomène doit être combattu à tous les ni-veaux, du plus bas au plus haut. Dou-koua Godé, président de la Fédération nationale des associations de consom-mateurs (Fac-ci), lui, soutient que le faible pouvoir d’achat favorise la corruption. « Tout augmente et malheureusement, les salaires restent inchangés. Cela expose même les travailleurs les plus hon-nêtes», a-t-il dénoncé. Pour sa part, tant que les biens et services afficheront des prix constamment majorés, « les po-pulations, qui ont de faibles revenus se-ront toujours tentées par les attitudes de dessous de table». Il a avancé également que « la corruption est considérée com-me un fait culturel dans nos sociétés, où on se sent obligé d’offrir un présent à une personne pour un service rendu ». Par ailleurs, il a fait allusion aux mauvaises ma-nières qui ont gagné les contacts de tra-vail et d’affaires, les passations de mar-chés et autres opérations qui ne peuvent se dérouler sans corruption en Côte d’Ivoire. Cet opérateur économique et juristes, sous le sceau de l’anonymat, a dé-claré, qu’il ne suffit pas de prendre des décisions. Il faut les appliquer, effecti-vement. « Les actions d’éclat ne peuvent pas être efficaces s’il n’y a pas de suivi et de la rigueur. Il faut un signal fort des gouvernants. Qui doivent se référer aux stratégies de certains pays déve-loppés. Leur particularité, c’est que leurs dirigeants ont plutôt cherché à as-seoir des institutions fortes», a-t-il pro-posé. A ses dires, « de cette façon, tou-te personne qui arrive est contrainte de faire montre d’une gestion optimisée ». Le fléau est bien une réalité. Et pour Méi-té Sindou, qui choisit de mettre les pieds dans le plat, «…il n’y aura pas d’émer-gence sans bonne gouvernance; il n’y aura pas d’émergence sans transparen-ce, sans reddition de comptes, sans contrôle, sans un mécanisme efficace de sanction des faits de corruption ». « Par-ce que, a-t-il noté, la corruption, nous le savons tous, engendre le gaspillage des ressources publiques, la baisse de la crois-sance, l’augmentation du coût des tran-sactions, la baisse de la qualité des ser-vices et donc l’inefficacité de l’adminis-tration et la perte de crédibilité des ins-titutions ». Un classement sur les indices de perception de corruption (Ipc), pu-blié par l’organisation Transparency in-ternational (Ti), spécialisée dans la lutte contre la corruption, indique que la Côte d’Ivoire, en 2012, a occupé le 130ème rang sur 180 pays dans le monde, contre 154 sur 182 en 2011. Ce qui don-ne les Ipc 2,9 et 2,2 sur 10. La Côte d’Ivoi-re est encore loin de l’acceptable, concluent les experts de la structure. Pour rappel, la corruption à laquelle s’ajoute le racket, selon des études menées par les institutions financières internatio-nales et d’autres partenaires au déve-loppement, fait perdre annuellement plus de 300 milliards de Fcfa au pays. « Né-gativement performante », selon Ti, la Côte d’Ivoire est victime de ses maux de société.
[Facebook_Comments_Widget title= » » appId= »144902495576630″ href= » » numPosts= »5″ width= »470″ color= »light » code= »html5″]
Commentaires Facebook