La Côte d’Ivoire, qui s’est développée grâce à l’agriculture, tarde à exploiter son potentiel minier, le « boom » attendu étant aujourd’hui suspendu au débat en cours entre gouvernement et industriels sur le cadre légal de l’exploration et de l’exploitation des mines.
« On n’a pas d’industrie minière en Côte d’Ivoire », affirme à l’AFP, sous couvert d’anonymat, une source proche des compagnies internationales présentes dans le secteur.
Depuis son arrivée au pouvoir il y a deux ans après une crise politico-militaire ayant fait quelque 3.000 morts, le président Alassane Ouattara affiche pourtant sa volonté de faire de la Côte d’Ivoire un pays minier.
Mais il y a du chemin à faire: depuis le « miracle économique » des années 1960-1970, le pays, premier producteur mondial de cacao, a essentiellement misé sur l’agriculture. Le sous-sol – qui recèle de l’or, du manganèse, du diamant, du fer, du nickel ou encore du cuivre – a longtemps peu intéressé.
Résultat: aujourd’hui, seuls l’or et le manganèse sont extraits de manière industrielle. En 2011, la production d’or a atteint 11,7 tonnes et celle de manganèse 40 tonnes. L’activité minière ne représente pas plus de 5% du PIB, selon le ministère des Mines.
Depuis plusieurs mois, le débat s’est focalisé sur la question du code minier, dont les bailleurs de fonds demandent la rénovation.
Dennis Marc Bristow, le patron de Randgold Resources, la compagnie exploitant la mine d’or de Tongon (nord), a mis il y a quelques semaines les pieds dans le plat. Il a réclamé un code « attractif » pour les investisseurs, valable sur le « long terme ». Surtout, il a appelé le gouvernement à ne pas chercher seulement à répondre à « un besoin urgent d’argent frais » en retouchant le code.
Fiscalité d’abord, mais aussi conditions d’exploration et d’exploitation: l’enjeu est de taille. Le pouvoir y voit l’occasion d’accroître ses recettes, quand les privés soutiennent que la Côte d’Ivoire est, du fait de son régime fiscal notamment, moins attractive que d’autres pays comme le Burkina Faso voisin.
« C’est un cas de nationalisme africain », analyse un diplomate occidental: « les Ivoiriens ont vu ce qui s’est passé dans d’autres pays d’Afrique et ne veulent pas se laisser dicter les règles par les multinationales ».
Or, même si aucun gisement « mammouth » n’a été repéré pour l’heure dans le sous-sol ivoirien, le potentiel minier est jugé alléchant par les industriels, comparé à ses voisins.
« Transparence »
Du côté du Groupement professionnel des miniers de Côte d’Ivoire (GPM-CI), on affiche son optimisme concernant le débat autour du code minier. « Les discussions en cours progressent et nous donnent de bons espoirs d’arriver à une porte de sortie élégante », assure son président Nouho Koné.
Mais, en privé, les opérateurs étrangers ne cachent pas leur impatience et se plaignent de ne pas être réellement associés à l’élaboration du nouveau texte.
L’un des sujets majeurs est la procédure actuelle d’octroi des permis, qui attire, selon ses détracteurs, des « investisseurs peu scrupuleux ».
« L’attribution des permis miniers n’est pas transparente », expliquait récemment, lors d’un séminaire à Abidjan, Liliane Doukouré, du cabinet Mc Dermott, chargé de réaliser un audit du code. Selon elle, « beaucoup de spéculateurs s’octroient des permis qu’ils monnaient à la Bourse, ce qui entraîne un gel des permis et attire moins d’investisseurs ».
Au ministère, on promet plus de clarté. « Nous sommes en train d’acquérir des outils pour moderniser l’attribution des permis et la rendre transparente », assure Ibrahima Coulibaly, directeur du développement minier, qui reconnaît que le sujet est « sensible ».
Si plusieurs dizaines de permis ont été accordés ces derniers mois, des acteurs de la filière doutent du sérieux de certaines des compagnies concernées.
Pour l’ONG Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), la transparence doit aller jusqu’à la publication des contrats.
Le code minier actuel garantit que les contrats restent « confidentiels, alors que ce sont des enjeux qui peuvent compromettre les revenus pour les générations futures », fait valoir l’expert Michel Yobouet, souhaitant que les députés soient saisis de la question.
Quant au diamant, il devra dans tous les cas attendre. Son exportation est frappée par un embargo de l’ONU depuis une dizaine d’années, après la chute du Nord ivoirien aux mains d’une rébellion (désormais intégrée à l’armée ou en cours de démobilisation) souvent accusée d’avoir pillé cette ressource.
AFP
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