C’est dans l’angoisse totale que sont en ce moment des millions d’ivoiriens mais aussi africains qui attendent la décision de la Chambre préliminaire I, concernant l’audience de confirmation des charges retenues par le Procureur contre l’ex président ivoirien, Laurent Gbagbo.
Aussi, cette décision qui devrait être rendue publique au plus tard le vendredi 1er juin sinon le lundi 3 juin prochain, risque de bouleverser bien de calendriers. On le voit en ce moment avec les mobilisations des patriotes ivoiriens de France qui après la marée orange du 18 mai dernier, s’apprêtent à reprendre les rues de la Haye demain 28 mai 2013, cette fois avec le FPI de Laurent Gbagbo en tête de cortège. La pression a-t-elle changé de camp ? Les pro-Gbagbo qui avaient la certitude que leur champion serait libéré ce 28 mai avant de se rendre compte qu’il ne s’agit pas d’un verdict d’un procès mais plutôt d’une décision concernant le travail (appelé brouillon par la défense) du procureur de la CPI.
Dans ce cas d’espèce, et sur ce sujet, beaucoup a été déjà écrit. Les juges confirment, infirment ou ajournent.
Seulement quelque soit le cas de figure et au regard des nombreuses dispositions prévues par la CPI, le débat n’est pas pour autant terminé. En un mot, l’affaire Laurent Gbagbo n’est pas de sitôt clause.
C’est pourquoi, il nous apparaît raisonnable d’engager ce dernier cas de figure : Et si les juges décidaient la confirmation des charges ? Les autres cas de figures ayant déjà été analysés par nos soins dans nos précédentes publications.
Les positions convergentes et divergentes au sein de la Chambre préliminaire
On le sait, dans le cas d’une prise de décision et surtout qui se prend à trois comme c’est le cas de la Chambre préliminaire I, où siègent les juges, De Gurmendi, Hans Peter Kaul et Christine Van Den Wyngaert, Pour qu’il y ait confirmation des charges, il suffit que deux sur les trois juges donnent leur accord. La loi de la majorité étant prédominante à la CPI.
Alors l’on se demanderait qui parmi les trois juges pourrait adopter au moins une position dissidente ?
Cette question qui ne résout pas forcement la question de la libération de l’ex président Gbagbo peut néanmoins répondre à certaines personnes qui estiment que la CPI serait une juridiction qui fonctionnerait au gré des grandes puissances, où la crédibilité des magistrats est constamment mise en en accusation.
Pour comprendre ce qui pourrait arriver dans les jours à venir dans l’affaire Laurent Gbagbo, il convient de fouiner dans nos archives.
Le samedi 27 avril 2013, à la surprise générale, c’était la juge Belge, Christine Van Den Wyngaert qui annonçait son retrait du dossier Kenyan. Déclarant qu’il subsistait d’importantes questions « quant à savoir si la confirmation des charges retenues contre les accusés étaient basées sur des investigations complètes et approfondies ». Et d’ajouter : « En fait, je crois que les faits montrent que la partie plaignante n’avait pas respecté les dispositions de l’article 54 (1) (a) au moment où elle demandait cette confirmation et qu’elle n’était pas du tout prête au moment du démarrage des poursuites devant cette Chambre ».
Toujours dans cette affaire kenyane, elle aurait aussi déploré le fait qu’après la confirmation des charges, il y’avait « un nombre impressionnant de témoins post-confirmation et une grande quantité de documents de preuves post-confirmation, sans oublier le grand retard apporté à la production de ces preuves ».
Une jurisprudence ?
Ce n’est pas la première fois qu’un juge de la CPI se retire d’un dossier ou donne un avis dissident dans une affaire.
En effet, au début de l’’affaire Gbagbo, nous confiait une source proche de la Cpi, la juge Fernandez De Gurmendi aurait donné un avis dissident et avait menacé de démissionner si le procureur s’obstinait à enquêter uniquement sur les crimes commis par le seul camp Gbagbo.
Aussi, le juge Allemand, Hans-Peter Kaul qui fait aussi partie du trio des juges de Gbagbo avait lui aussi donné un avis dissident dans l’’affaire Kenyane. Toujours dans cette même affaire kenyane , l’ex procureur Ocampo avait présenté six chefs d’accusation dans une première affaire (affaire n°1) contre trois suspects, de crime contre l’humanité, de meurtre, de déportation forcée de population, de viol et d’autres actes de violence sexuelle et actes inhumains. Dans son opinion dissidente, le juge Hans-Peter Kaul soutenait que la Cour pénale internationale « ne peut être saisie, car les crimes commis sur le territoire de la République du Kenya pendant les actes de violence qui ont suivi la période postélectorale de 2007/2008, étaient à son avis des crimes graves de droit commun relevant du droit pénal kenyan et ne constituent pas des crimes contre l’humanité tel que codifié à l’article 7 du statut de Rome »
Kenya-Côte d’Ivoire : Deux affaires différentes ?
L’enquête sur la situation au Kenya est la cinquième ouverte par la Cour pénale internationale. Le 31 mars 2010, les juges de la Chambre préliminaire II ont autorisé le Procureur de la CPI à ouvrir une enquête sur les crimes contre l’humanité qui auraient été commis au Kenya dans le cadre des violences postélectorales de 2007-2008. C’est la première fois que le Procureur de la CPI demande l’ouverture d’une enquête de sa propre initiative, « proprio motu », sans que la situation ait été renvoyée au préalable à la Cour par un État partie ou par le Conseil de sécurité de l’ONU. Une situation identique dans le cas de la Côte d’Ivoire. Le procureur ouvrait une enquête de sa propre initiative depuis le 3 octobre 2011 suite à la crise postélectorale de novembre 2010.
Dans les deux situations les suspects sont poursuivis pour les mêmes faits et sont tous des co auteurs indirects. Laurent Gbagbo et Uhuru Kenyatta étaient tous deux présidents en exercice dans leurs pays respectifs. Seulement si la réélection du kenyan le 9 mars dernier a beaucoup joué sur son procès qui devrait normalement débuter le 11 avril dernier, ce n’est pas le cas pour Laurent Gbagbo qui lui a été remis à la COUR par les nouvelles autorités ivoiriennes depuis le 28 novembre 2011.
L’autre coïncidence est la composition de la chambre préliminaire en charge des deux dossiers. Les deux juges Hans Peter Kaul et Christine Van den Wyngaert sont commis pour juger les deux affaires. Sauf qu’ils auraient eu dans la première affaire (Kenyane) déjà des avis dissidents. Aussi on se souvient que ces deux juges avaient sommé le bureau du procureur lors de l’audience de confirmation des charges retenues contre Laurent Gbagbo, de clarifier ses allégations surtout au regard de l’article 28 du Statut de Rome.
Après ce rappel, et selon des informations en notre possession depuis ce matin, l’affaire Laurent Gbagbo pourrait subir un coup de théâtre.
En effet, plusieurs sources proches du dossier révèlent que l’un des trois juges serait favorable à l’infirmation des charges retenues contre l’ex président ivoirien, Laurent Gbagbo. Seulement, la décision étant valable à la majorité, notre informateur craint qu’il y ait confirmation d’une partie des charges ce qui nous amène droit au procès, là où l’on pouvait croire que le pire serait l’ajournement au vu de la qualité du Document contenant les charges (DDC) du procureur.
Qui vivra verra.
Ouattara Safiatou/ Diaspo Tv
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