(Reuters) – Les autorités ivoiriennes ont arrêté samedi Amadé Ouérémi, le chef d’une milice ayant soutenu l’actuel président Alassane Ouattara et soupçonné d’avoir fait massacrer en 2011 des centaines de personnes lors du conflit ayant suivi le scrutin présidentiel de 2010.
Selon une source militaire et un témoin, Amadé Ouérémi a été interpellé dans le cadre de l’enquête sur le massacre de centaines de partisans présumés de l’ancien président Laurent Gbagbo à Duékoué, dans l’ouest du pays en mars 2011.
« Nous l’avons arrêté. Il est maintenant en détention. Nous allons le transporter à Abidjan où il devra répondre de ses actes », a indiqué un officier de l’armée ivoirienne sous couvert d’anonymat.
Le refus du président sortant Laurent Gbagbo d’accepter la victoire de son rival Alassane Ouattara lors du scrutin présidentiel de 2010 a déclenché un conflit qui a fait plus de 3.000 morts, notamment dans la « boucle du cacao », dans le centre-ouest du pays.
Les milices pro-Gbagbo se sont réfugiées au Libéria à la fin de la guerre civile et sont accusées par le gouvernement Ouattara de mener des raids dans les villages ivoiriens proches de la frontière.
Des ONG de défense des droits de l’homme accusent les milices de commettre de graves atteintes (meurtres, détentions illégales, extorsion notamment) visant des partisans présumés de Laurent Gbagbo.
En février dernier, Amnesty International a dénoncé « la loi des vainqueurs », et accusé le gouvernement d’inaction vis-à-vis des milices.
Arrêtés en avril 2011, Laurent Gbagbo et son épouse Simone doivent être prochainement jugés par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité.
« La justice ivoirienne et la CPI vont-ils finalement équilibrer leurs actions ? C’est en tout cas la preuve que, s’il le veut, l’Etat (ivoirien) a la capacité de faire respecter son autorité », a estimé Rinaldo Depagne, de l’ONG International Crisis group.
Joe Bavier, Pascal Liétout pour le service français
Matt Wells, chercheur à Human Rights, à propos de l’arrestation d’Amadé Ouérémi, sur Rfi :
«Le Gouvernement doit donner le pouvoir aux juges d’enquêter sur les crimes graves»
Matt Wells, chercheur à Human Rights, à propos de l’arrestation d’Amadé Ouérémi.
Après l’arrestation de Amadé Ouérémi dans la forêt du Mont Péko, Matt Wells, chercheur à Human Rights, est intervenu, hier, sur Rfi, pour donner ses impressions. Il s’est prononcé sur les crimes commis à l’Ouest, durant la crise post-électorale et le sort d’Amadé après son arrestation.
Amadé Ouérémi a été arrêté samedi dernier. Peut-on dire qu’il s’agit-là de la première arrestation d’envergure menée par le pouvoir contre ses propres soutiens militaires ?
Bon, il faut attendre un peu. Parce qu’il n’a encore été possible d’établir clairement si cette arrestation d’Ouérémi est liée à cette investigation d’établir les crimes graves commis pendant la crise ou si elle est la conséquence de son refus de quitter la région du Mont Péko.
Parmi les crimes dont Amadé Ouérémi est soupçonné, il y a le massacre du quartier Carrefour à Duékoué fin mars 2011. Quel rôle aurait-il joué, d’après vos informations, dans ce massacre?
Human Rigths a interviewé de nombreux témoins oculaires qui ont identifié Amadé et ses hommes en tant que auteurs de ces massacres. Ce jour-là, le 29 mars, les forces pro-Ouattara étaient avec les hommes d’Amadé qui sont bien connus à Duékoué. Ils ont exécuté sommairement quelques centaines d’hommes y compris des personnes âgées dans le quartier suspecté d’être une base des pro-Gbagbo.
Au cours des deux dernières années, Amadé Ouérémi n’a pas été inquiété. Les crimes se sont poursuivis dans l’Ouest du pays.
Amadé occupe illégalement la forêt du Mont Péko. Lui et ses hommes ont commis des exactions graves durant la crise. Ils ont martyrisé une partie de la population. Mais Amadé bénéficie de l’impunité dont bénéficient les forces pro-Ouattara, aujourd’hui.
Son arrestation, selon vous, peut-elle permettre de ramener, un tout petit peu, la sérénité dans l’Ouest ivoirien ou bien s’agit-il essentiellement d’une opération de communication du pouvoir ?
Je pense que l’arrestation d’Amadé est une satisfaction des gens de l’Ouest, notamment les pro-Gbagbo. Maintenant, il faut que cette arrestation devienne une enquête. Ça, c’est la question essentielle.
Est-ce qu’Amadé Ouérémi, selon vos enquêtes, est un électron libre ou bien il a été intégré dans un dispositif militaire plus centralisé ?
Pendant la crise post-électorale, lui et ses hommes ont combattu aux côtés des forces républicaines. Ce qui est sûr, il y a une relation entre lui et les forces régulières.
Et ces derniers mois ?
Bon, je pense que pendant les deux années, il semblait qu’il était protégé par les forces républicaines. Mais aujourd’hui, l’arrestation donne le signal que les jours de protection d’Amadé sont terminés.
Matt Wells, pensez-vous que l’avenir judiciaire d’Amadé Ouérémi va se jouer en Côte d’Ivoire ou il sera transféré à La Haye?
Je pense que ça c’est une décision qui incombe à la CPI et aux autorités ivoiriennes. Les autorités ivoiriennes ont dit, pendant les deux derniers mois, que le système judiciaire en Côte d’Ivoire peut faire les poursuites contre les deux camps. Avec Amadé, c’est un cas qui est lié à un crime très grave et ce n’est pas quelqu’un qui est parmi les forces régulières, aujourd’hui. Je pense que si le Gouvernement est sérieux sur ses promesses de donner une justice impartiale, on peut traiter son cas en Côte d’Ivoire.
Amadé Ouérémi a été arrêté, notamment par les hommes de Losséni Fofana (Loss) qui, lui-même, a été pointé du doigt, dans les crimes commis dans l’Ouest ivoirien. Selon vous, Alassane Ouattara va-t-il oser mettre devant la justice les principaux chefs de guerre qui lui ont permis d’accéder au pouvoir ?
Le premier pas, c’est de donner aux procureurs et aux juges d’instruction, la liberté d’enquêter. Jusqu’aujourd’hui, c’est difficile pour eux. Il n’y a pas de protection pour les juges et pour les procureurs. Il n’y a pas de système de protection ou de stratégie en matière de poursuite. Le Gouvernement doit donner le pouvoir aux autorités judiciaires pour enquêter sur les crimes graves dans les deux camps.
Existe-t-il la volonté politique de le faire ?
Il y a deux ans, il semble qu’il n’y avait pas de volonté politique de poursuivre les forces pro-Ouattara. Mais j’espère qu’avec l’arrestation d’Amadé Ouérémi, ça montre que les autorités ivoiriennes ont commencé à tenir des promesses de justice impartiale. C’est une très bonne chose pour la Côte d’Ivoire et pour l’Ouest du pays qui a beaucoup souffert pendant la crise post-électorale.
Propos retranscrits par JB KOUADIO
Source : Rfi
Avec Le Nouveau Réveil
[Facebook_Comments_Widget title= » » appId= »144902495576630″ href= » » numPosts= »5″ width= »470″ color= »light » code= »html5″]
Commentaires Facebook