Organisée par la France et l’Union européenne, une conférence de pays donateurs s’est conclue mercredi à Bruxelles sur la promesse d’engager 3,25 milliards d’euros pour le développement du Mali. Des moyens financiers bien plus considérables que prévus, qui sont toutefois loin d’assurer un retour à la stabilité.
Plus de trois milliards d’euros pour refonder l’Etat malien. C’est l’engagement pris par la communauté internationale mercredi, à l’occasion d’une conférence des donateurs organisée à Bruxelles. Au total, une centaine de pays et d’institutions internationales ont promis d’aider financièrement le Mali.
Ce rendez-vous était jugé indispensable pour « gagner la paix », comme le répète régulièrement le gouvernement français, qui co-organisait l’événement avec l’Union européenne. L’intervention militaire lancée en janvier laisse en effet place à un avenir incertain, sur le plan politique comme sur le plan sécuritaire, qui conditionnera la présence des troupes étrangères dans le pays. « Il faut bien que les politiques de développement durable structurantes, qui redonnent à la fois la capacité à l’Etat et à la société civile, prennent le pas sur le fracas des armes », explique au JDD.fr le socialiste Pouria Amirshahi, député de la 9e circonscription des Français de l’étranger, qui inclut le Mali. A Bruxelles, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a ainsi insisté pour « agir de front sur les trois côtés du triangle : sécurité, démocratie, développement ».
« Toujours un décalage entre les annonces et ce qui est vraiment donné »
Cette somme de 3,25 milliards d’euros annoncée par François Hollande est comprise dans le plan 2013-2014 pour la « relance durable du Mali », évalué à 4,34 milliards d’euros. L’aide promise représente entre 20 à 25% du Produit national brut du pays. L’Union européenne devrait être le principal bailleur de fonds en apportant une aide de 520 millions d’euros sur deux ans. La France, elle, contribuera à hauteur de 280 millions d’euros. Bien plus que les 50 millions d’euros d’aide versés chaque année par Paris avant le coup d’Etat du 22 mars 2012.
Cela ne règle toutefois pas tous les problèmes, loin de là. La précédente conférence de donateurs, organisée fin janvier en Ethiopie, était censée recueillir 350 millions d’euros, dix fois moins que ce qui a été annoncé à Bruxelles. Ces fonds arrivent en retard. « On l’a vu à Addis Abeba, il y a toujours un décalage entre les annonces et ce qui est vraiment donné », affirme au JDD.fr Antonin Tisseron, chercheur associé à l’Institut Thomas More et spécialiste de la région sahélienne. « Un autre aspect de ce problème de décaissement, c’est qu’il y a des projets prévus mais, comme les conditions pour leur réalisation ne sont pas réunies, les sommes allouées ne sont pas dépensées », complète-t-il.
Les mêmes causes pour les mêmes effets?
Surtout, la nouvelle enveloppe de la communauté internationale sera-t-elle suffisante pour reconstruire le Mali? « Le risque, une fois de plus, est de donner de l’argent sans effet durable, c’est-à-dire sans amorcer la pompe du développement économique », explique Antonin Tisseron. Dans une note publiée ce mois-ci, l’Institut Thomas More, un think-tank situé à droite, met en risque contre un éternel recommencement. Jusqu’à aujourd’hui, l’aide versée au Mali a été « jusque-là principalement une forme d’assistance sociale », est-il indiqué.
« Il faut bien comprendre que si on en est arrivé là au Mali, ou au Sahel en général, c’est parce que les 50 années de politiques publiques d’aide au développement n’ont pas du tout modifié l’économie politique des pays en développement », reconnaît également le député PS Pouria Amrishahi. « Ne pas se poser cette question, c’est se donner tous les risques pour que les mêmes causes reproduisent les mêmes effets. »
Gagner aussi « la bataille de la réconciliation »
Dans un rapport du Sénat publié le mois dernier, l’ex-ministre Jean-Pierre Chevènement et l’UMP Gérard Larcher soulèvent également une question, « cruciale » selon eux : « Quelle est la capacité des partenaires maliens, et plus globalement sahéliens, à absorber l’aide internationale? » Pour Pouria Amirshahi, il est en effet « compliqué » de s’assurer que l’argent soit bien destiné à la reconstruction du pays.
Le gouvernement français entend donc mettre en place des mesures pour s’assurer de la traçabilité des fonds engagés. Paris va ainsi lancer un dispositif, avec notamment un site Internet. « Si un projet ne se réalise pas ou est en retard, les gens pourront prévenir par téléphone ou SMS, via une hotline, de ce qui n’a pas encore été fait », a ainsi expliqué mercredi le ministre au Développement, Pascal Canfin.
Les dirigeants maliens ont quant à eux promis que l’aide serait bien utilisée. « Il faut être prudent et attentif face à cette somme engagée », tempère Antonin Tisseron. « Gagner la paix au Mali, ce n’est pas seulement gagner la bataille des fonds internationaux, c’est aussi gagner la bataille de la réconciliation, et ce sera long et compliqué », ajoute-t-il. La France conditionne justement le déblocage de l’aide internationale à ce processus de réconciliation, de même que le respect d’un calendrier politique – des élections doivent être organisées en juillet. « C’est un contrat que nous passons ensemble, un beau contrat », a affirmé François Hollande. Un contrat qui devra être respecté.
Arnaud Focraud (avec A-Ch.D.) – leJDD.fr
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