La Polynésie bientôt indépendante de la France ?

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La Polynésie française bientôt indépendante ?

AUTOUR DU MONDE – Le président de la Polynésie française, le sénateur autonomiste Gaston Flosse, a constitué vendredi, quelques heures après avoir été élu, un gouvernement resserré de neuf membres, dont une seule femme, lui même exerçant plusieurs portefeuilles.

C’est la vengeance du vaincu, l’énorme épine dans le pied laissée en partant. Battu vendredi lors des élections par le revenant Gaston Flosse (qui, à peine élu président de la Polynésie française, s’est nommé ministre des Affaires internationales et européennes, de la Solidarité, de l’Emploi et de la Lutte contre la pauvreté…), Oscar Temaru tient malgré tout sa victoire. Vendredi, l’assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution qui place la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser. Tahiti et les autres îles de l’archipel rejoignent sur cette liste la Nouvelle-Calédonie, Gibraltar, les Malouines, les îles Caïmans, Sainte-Hélène. Ou des possessions américaines telles que les îles Vierges ou Guam. Trente-cinq ans que Temaru attendait ce moment. Dès 1978, le leader indépendantiste s’était déplacé pour la première fois au siège des Nations unies, à New York, pour demander l’arrêt des essais nucléaires dans le Pacifique. Après avoir soutenu le combat de ses « frères » de Nouvelle-Calédonie, il avait demandé ensuite l’inscription de la Polynésie française sur la liste des pays à décoloniser. Ce qui est chose faite depuis vendredi. Au journal Les Nouvelles de Tahiti, qui l’a interrogé samedi, Temaru a déclaré : « Le droit d’un peuple, ça n’a pas de prix, ça ne s’achète pas. »

À l’ONU, les indépendantistes polynésiens ont affronté l’ire de l’ambassadeur français mais ont obtenu le soutien discret de pays tels que la Syrie et l’Iran… Adoptée par consensus, la résolution L.56, portée par les îles Salomon, Tuvalu et Nauru, auxquels se sont joints les Samoa, le Timor-Oriental et le Vanuatu, affirme finalement « le droit inaliénable de la population de la Polynésie française à l’autodétermination et à l’indépendance » et invite le gouvernement français à « faciliter et accélérer la mise en place d’un processus équitable et effectif d’autodétermination ». En principe, la résolution ouvre la voie à un référendum d’autodétermination : à terme, la population polynésienne pourrait se prononcer en faveur de l’indépendance, de la départementalisation ou d’un statut intermédiaire d’autodétermination. Mais en pratique, l’indépendance de la Polynésie n’est pas pour demain, l’ONU ne pouvant forcer ni le gouvernement local ni Paris à prendre quelque mesure que ce soit.

Reste que, à Papeete comme à Paris, l’adoption de la résolution fait mauvais genre. Le ministère des Affaires étrangères a d’ailleurs immédiatement dénoncé « une ingérence flagrante » et « une absence complète de respect pour les choix démocratiques des Polynésiens ». Sur ce point au moins, le gouvernement de François Hollande et Gaston Flosse, homme de droite, soutien inflexible de Jacques Chirac mais honni de Nicolas Sarkozy, se rejoignent… Comme l’écrivent les journalistes du Monde Fabrice Lhomme et Gérard Davet*, auteurs d’une enquête sur Flosse, « l’Élysée ne l’avouera jamais, mais la Polynésie française lui pose un énorme souci. Les lieux sont paradisiaques, mais surtout stratégiques. C’est une zone maritime de 5 millions de kilomètres carrés, la porte d’entrée vers l’Antarctique et ses immenses réserves naturelles… »

* L’Homme qui voulut être roi, Stock.

Alexandre Duyck – Le Journal du Dimanche
samedi 18 mai 201

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