Présidentielle: Comment Ouattara manœuvre pour sa victoire en 2015
L’Inter par Hamadou ZIAO
Le refus poli de Mabri au chef de l’Etat- » Qui veut aller loin ménage sa monture », dit l’adage. Le président ivoirien Alassane Ouattara en fait sien, dans la perspective des joutes électorales de 2015. Dans une interview accordée récemment au journal Jeune Afrique, le successeur de Laurent Gbagbo a clairement affiché sa volonté de négocier un autre mandat auprès des populations ivoiriennes. « Oui, vraisemblablement, je serai amené à solliciter un deuxième mandat (…) Quand on décide de s’engager en politique, c’est parce qu’on a des objectifs ; le mien était d’être Président pour apporter ma contribution au redressement de mon pays (…) Je ne pense pas qu’il soit possible de redresser la Côte d’Ivoire comme je le voudrais dans les trois années à venir ».
Ouattara veut donc un second mandat. Et pour y parvenir, le président ivoirien élabore déjà des stratégies, afin de s’assurer une victoire sans bavure, qui aurait le chic de le présenter aux yeux de la communauté internationale, comme le choix des Ivoiriens, mais lui permettrait également de dérouler son plan de développement de la Côte d’Ivoire pour en faire le pays émergent qu’il a annoncé pour 2020.
Sur le terrain, Alassane Ouattara positionne déjà ses pions. Les élections municipales et régionales ont clairement démontré cette occupation de la scène politique ivoirienne, que le président-candidat opère avant les élections de 2015, en postant dans les régions et les communes stratégiques, des fidèles lieutenants, qui seront en réalité des directeurs de campagne avant l’heure pour sa victoire à la prochaine présidentielle.
A en croire des sources proches du palais, Alassane Ouattara a bâti sa stratégie, en premier lieu, sur les régions du nord, où il a une assise incontestable. Les régions du Bounkani, du Hambol, du Tchologo, du Poro, de la Bagoué, du Folon, du Worodougou, du Kabadougou, du Béré, le Bafing, sont perçues comme les piliers du système Ouattara. Viennent en appoint d’autres régions moins marquées, telles que le Gontougo, le Gbêkê qui sont encore revendiquées par le PDCI RDA.
En plus de ces régions, le chef de l’Etat voudrait ajouter celles du Tonpki et du Cavally, où il doit être convaincu d’une victoire certaine. Il pourrait alors disputer l’électorat des autres régions avec ses adversaires.
La bataille pour le Tonkpi
Dans cette stratégie, le ministre Dagobert Banzio du PDCI RDA, a déjoué les plans du N°1 ivoirien, en battant la ministre Anne Désiré Ouloto, candidate du RDR, dans la région du Cavally. Dans le Tonkpi en revanche, le président Ouattara a dû jouer des coudes pour arracher cette région et tisser des liens forts avec ses populations. Ses deux visites d’État (avril 2012 et avril 2013) dans cette zone démontrent aisément sa volonté d’y capitaliser les acquis pour les élections de 2015. Au delà des questions de développement, le calcul politique ne vise que cet objectif. « Cette région me tient à coeur », dira-t-il.
Véritable bastion de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI), le Tonkpi était l’objet de tiraillement entre Albert Mabri Toikeusse, président de ce parti créé par feu le général Robert Guei, et Siki Blon Blaise, fils influent de la région des montagnes et dignitaire de l’UDPCI. Cette » guerre » de leadership va continuer jusqu’aux élections régionales.
Selon des sources bien informées, lorsque le problème s’est posé à Alassane Ouattara de choisir un candidat capable de lui donner la région du Tonkpi, il lui avait été conseillé au départ, le » Bulldozer » Siki Blon Blaise. Le président aurait alors appelé Mabri Toikeusse pour obtenir de lui qu’il ne positionne pas un candidat UDPCI dans cette région, et qu’il apporte son soutien à Blon Blaise.
Le patron du parti arc-en-ciel fera comprendre au chef de l’Etat qu’il lui faut d’abord s’en référer à sa base, avant de prendre une décision. Il lui explique que les militants ne comprendraient pas l’absence de candidature UDPCI dans le fief de ce parti. Un refus poli face auquel Ouattara se serait montré hostile, convaincu que cette démarche de son ministre du Plan, ne rencontrerait pas l’assentiment de ses militants.
Le chef de l’Etat, dans sa volonté d’obtenir, coûte que coûte, cette région, va alors mettre le » Bulldozer » dans le starting bloc pour le compte du Rassemblement des Républicains (RDR). Mabri, de son côté, ne restera pas les bras croisés. Il continuera d’installer ses candidats UDPCI dans la région, avec lui-même comme tête de liste du parti arc-en-ciel pour les régionales dans le Tonkpi. Et pour casser Blon Blaise, selon nos sources, il fera comprendre aux populations des montagnes qu’une seconde mort du général Guéi est programmée, avec comme acteur principal, le candidat du RDR, en la personne de Blon. Mabri fera savoir que cette candidature vise à faire disparaître l’UDPCI dans son bastion naturel au profit du parti au pouvoir, notent nos sources. Une façon de voir les choses qui semble avoir joué un sale tour à Blon Blaise.
Les rapports de terrain indiqueront au président Ouattara qu’il ne faut pas aller à la confrontation avec l’UDPCI. Finalement, la poire est coupée en deux. Ni UDPCI, ni RDR. Mabri sera alors engagé dans la bataille sous l’étiquette RHDP. Un deal politique qui a eu l’avantage de contenter, non seulement les militants du parti de feu Robert Guéi, mais aussi ceux des autres partis Houphouëtistes qui résident dans le Tonkpi.
Quant à Blon Blaise, il restera dans la course, mais en tant que candidat indépendant. Au décompte final, les résultats des régionales viendront confirmer que le président Ouattara ne s’est pas trompé dans son choix. Un bon signe donc pour les joutes électorales de 2015. Du coup, l’UDPCI et Mabri se positionnent comme un ensemble avec qui il faut compter pour avoir son « visa » d’entrer dans l’Ouest montagneux. Et le président Alassane Ouattara ne verrait aucun inconvénient à en faire un allié sûr pour la prochaine présidentielle.
En tout cas, dans la configuration politique ivoirienne, le jeu des alliances est déterminant pour remporter l’élection présidentielle. Le sachant, et face à une volonté de plus en plus manifeste du PDCI, de faire cavalier seul, Ouattara pourrait se rapprocher de l’UDPCI. Histoire de se mettre à l’abri de toute surprise à la présidentielle de 2015, au cas où l’alliance avec le PDCI ne fonctionnait pas en sa faveur.
Hamadou ZIAO
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