L’Afrique décolle-t-elle vraiment ? Un article du principal journal économique allemand
door LIDER – Liberté et Démocratie pour la République (CI) (Notities) op zondag 12 mei 2013 om 19:55
Après des décennies de misère, l’Afrique reprend espoir. Au Forum économique mondial, le continent présente une forte croissance. A l’observation attentive de certains faits, de nombreux espoirs s’avèrent illusoires.
Par Wolfgang Drechsler | Handelsblatt | 8 mai 2013
À première vue, les chiffres peuvent donner lieu à un optimisme prudent pour l’Afrique : La croissance économique du continent s’est améliorée l’an dernier, d’une base faible elle est passée à 4,5%. Cette année, ce sera 5%, et la prévision du FMI pour la décennie jusqu’en 2020 est à 6%. Une raison suffisante pour le Forum économique mondial de placer son 23ème sommet Afrique cette semaine sous le thème « Réaliser la promesse de l’Afrique ». Jusqu’au weekend, les dirigeants politiques, économiques et de la société civile discuteront au Cap, pour savoir si l’Afrique se trouve cette fois vraiment sur la voie d’une croissance durable. Ou si la récente reprise s’avère être un nouveau feu de paille.
Depuis de nombreuses années, l’Afrique n’a joué absolument aucun rôle dans l’économie mondiale. Le mélange Etats à parti unique, économie planifiée, endettement élevé et guerre froide a conduit la communauté internationale des affaires a soigneusement éviter le continent jusqu’au changement du millénaire – et l’Afrique a encore pris plus de retard.
C’est seulement avec la montée de la Chine et le boom des matières premières qui y est associé à partir de 2003 qu’a germé l’espoir d’une croissance robuste. Certains observateurs espèrent d’ailleurs aujourd’hui que l’Afrique devienne la bouée de sauvetage des économies occidentales en difficulté.
Par exemple, Jim O’Neill, l’économiste en chef de longue date de Goldman Sachs déclare au vu des récentes prévisions de croissance que «l’Afrique pourrait être une force dominante de l’économie mondiale pour des décennies». Cet avis ressemble à celui de la firme de consultants KPMG. Dans une étude récente, qui parle de «la renaissance du Phénix», au regard de la hausse des investissements directs au moins à 82 milliards de dollars (2011).
Les consultants sont convaincus que l’Afrique continuera à fournir six des dix économies les plus dynamiques au monde. Le continent chasse plus vite que prévu les fantômes du passé, se réjouit le PDG de KPMG, Klaus Findt.
«Potentiellement imbattable»
Pravin Gordhan le ministre sud-africain des Finances, se montre encore plus enthousiaste à l’ouverture du sommet. Au cours des deux prochaines décennies, il voit le continent noir sur le chemin d’une croissance « potentiellement imbattable » et du développement. Cela mènera à une forte hausse de l’investissement privé. Actuellement, l’Afrique reçoit 5% des fonds privés en circulation dans le monde.
Mais même Gordhan sait que cela nécessite une coopération beaucoup plus étroite entre les 54 pays du continent. Jusqu’ici, elle est peu visible. Ainsi, la part du commerce intra africain dans le commerce total du continent stagne toujours à seulement 12%, selon la Banque mondiale. Bien que Gordhan parle de «nouveaux modèles de croissance africains», qui réduiraient de manière significative l’inégalité et la pauvreté de norme sur le continent, il ne dit pas à quoi ces modèles pourraient ressembler.
Les superlatifs sont depuis longtemps de rigueur dans le débat sur l’Afrique. Les optimistes comme McKinsey parlent de «lions bondissants» ou de «Chine de demain». Toutefois, les perspectives sont beaucoup moins roses que les pom-pom girls de l’Afrique veuillent bien le laisser entendre.
Cette fois aussi, ce sont principalement les matières premières qui ont captivé l’intérêt d’investisseurs amateurs de risque en Afrique. L’attaque d’une centrale à gaz en Algérie par des islamistes radicaux en janvier, les émeutes religieuses dans le nord du Nigeria ou le renversement récent du gouvernement de la République centrafricaine par une soldatesque en maraude ont démontré une fois de plus aux investisseurs l’instabilité du continent et la rapidité avec laquelle le climat politique peut se détériorer en Afrique.
Dépendante des matières premières – et de la Chine
Bon nombre de sceptiques, comme Greg Mills de la Fondation Brenthurst, rappellent que depuis les indépendances, des «aubes» ont été prophétisés plusieurs fois à l’Afrique, sans que le soleil ne se soit jamais levé pour autant. L’on évoque également trop peu souvent que la croissance économique de l’Afrique au cours de la dernière décennie reposait presque exclusivement sur la consommation.
Contrairement à l’Asie, le boom de la consommation en Afrique a été financé presque exclusivement par l’argent provenant de matières premières. Cependant, sans un minimum de l’industrialisation et le développement d’un secteur de la fabrication qui produit des biens pour le monde, il n’y aura guère de révolution industrielle en Afrique à l’instar de la Chine, comme Gordhan croit le reconnaitre.
Bien que la valeur des marchandises produites en Afrique de 2000-2011 ait augmenté de 13 à 33 milliards de dollars, en comparaison internationale, cette somme est encore négligeable.
De manière significative, les exportations de matières premières ont augmenté beaucoup plus rapidement et mesuré trois fois plus en valeur. Une nouvelle baisse des prix de ses matières premières, qui constituent encore environ 80% de toutes les exportations de l’Afrique subsaharienne, selon un rapport publié par la Banque mondiale, la toucherait d’autant plus durement.
Entre temps, des signes croissants indiquent que le boom des matières premières ralentit. Un exemple des conséquences est l’Angola, où le pétrole représente encore près de 90% du total des exportations. Depuis 2009, le taux de croissance du pays a sombré d’environ 20¨% à environ 4%. Au Nigeria, le pétrole et le gaz représentent encore de 80% des recettes publiques totales et 95% des recettes en devises.
La croissance ne stoppe pas la pauvreté
Déjà, de nombreux pays africains ressentent le léger ralentissement économique en Chine. Selon Martyn Davies du cabinet conseil Frontier Advisory, il existe une corrélation très étroite entre la croissance africaine et le développement en Chine. L’Angola, le Botswana et la Zambie sont donc particulièrement en danger, car plus de la moitié de leurs exportations va vers la Chine. L’Afrique du Sud est également considérée comme vulnérable.
Il est particulièrement décevant de constater, que contrairement au reste du monde, le niveau de pauvreté en Afrique a à peine reculer, malgré les récents chiffres de croissance ces dernières années. «Le taux de pauvreté ne baisse pas dans la mesure où la croissance augmente», explique Soren Ambrose du Groupe Action Aid à Nairobi. L’Afrique est la seule région du monde où le nombre de pauvres a augmenté de façon constante et spectaculaire entre 1981 et 2010.
Même la Banque mondiale d’habitude toujours optimiste doit admettre que les taux de croissance enregistrés en Afrique n’ont pas suffisamment réduit la pauvreté sur le continent durant la dernière décennie. Actuellement, 95% de tous les Africains gagnent moins de dix dollars par jour, environ la moitié d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté de deux dollars par jour.
Ces faits rendent d’autant plus étonnante l’affirmation de la Banque mondiale dans sa dernière étude qui estime que désormais, la moitié des pays africains comptent parmi les pays à revenu moyen dans le monde.
Symptomatique pour cela, le Nigeria, deuxième économie en Afrique sub-saharienne après l’Afrique du Sud, où les dirigeants ont gaspillé les recettes pétrolières de l’ordre de 400 milliards de dollars au cours des 40 dernières années. Durant la même période, le nombre de Nigérians vivant en dessous du seuil de pauvreté a fortement augmenté de 19 millions en 1970 (sur une population de 70 millions) à environ 100 millions aujourd’hui (pour un total d’environ 165 millions d’habitants).
Pareil pour la Côte d’Ivoire. L’ancien modèle de développement en Afrique de l’Ouest a perdu, en raison de troubles internes, douze ans durant lesquels l’économie s’est contractée de près de moitié – et le nombre d’Ivoiriens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté a explosé pour passer de 18 à près de 50%.
Au Zimbabwe, l’ancien modèle en Afrique australe, l’économie a considérablement diminué de façon similaire. Seuls environ 10% des gens sont employés dans l’économie formelle.
Même Jim O’Neil limite donc son optimisme. Premièrement, l’Afrique doit réaliser des grandes contributions préalables, telles que la construction d’un système d’éducation raisonnable et de l’Etat de droit. Ce n’est qu’alors que la croissance espérée pourrait être effectivement atteinte.
(Traduit de l’allemand par LIDER)
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