Linfodrome
Le 4 février 2003, les Français réussissent à obtenir une résolution, par le biais du Conseil de sécurité des Nations-Unies, les autorisant à conduire les opérations pour le maintien de la paix en Côte d’Ivoire, aux côtés des troupes qui devaient être envoyées par la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
L’expression « Opération pour le maintien de la paix » est particulièrement ironique puisqu’elle est utilisée pour masquer le fait que le soulèvement des civils qui a abouti à la crise, était un coup monté et perpétré par l’intervention de la France qui s’est rangée du côté des rebelles.
Le gouvernement de Laurent Gbagbo s’était aperçu qu’il devait libérer l’économie ivoirienne en faisant fi de la domination française. Cela aurait permis à la Côte d’Ivoire de s’ouvrir à tous ceux qui souhaitent lui tendre la main pour relever son économie, et de susciter la libre compétition pour l’achat du cacao qui demeure la principale culture d’exportation du pays.
La France a perçu ce signal d’ouverture comme une menace pour ses intérêts. Elle a préféré à Laurent Gbagbo son adversaire, le général Guéi, qui avait perdu les élections et capitulé lorsque le peuple a réclamé les vrais résultats qu’il tentait de confisquer.
En septembre 2002, quand la rébellion a éclaté, il y avait à peu près 650 rebelles qui avaient occupé la seconde grande ville, Bouaké. Ces rebelles étaient les recrues de Guéi qui n’avaient pas été retenues dans l’armée. Ils avaient peu d’équipements et peu de munitions, car ils s’attendaient à un conflit qui durerait moins de cinq jours. Le président Gbagbo était à Rome pour rencontrer le Pape, et les rebelles, profitant de l’occasion, étaient sûrs qu’ils pouvaient réussir le coup en l’absence du Président. Mais quand l’attaque a été déclenchée, les troupes loyalistes ont répliqué. Elles avaient même réussi à encercler les rebelles en les piégeant dans toute la ville et avaient tué à peu près 320 d’entre eux. Elles s’apprêtaient à lancer l’assaut final sur les 320 rebelles restants quand elles ont été brusquement freinées dans leur élan par le commandant français qui dirigeait les troupes françaises stationnées en Côte d’Ivoire. Ce dernier a demandé 48 heures de cessez-le-feu afin d’évacuer les ressortissants français et les quelques fonctionnaires des Etats-Unis de la ville.
Les troupes loyalistes ont demandé d’attendre qu’elles reprennent d’abord Bouaké des mains des rebelles, mais les Français ont fermement insisté et obtenu le délai de 48 heures. Durant tout ce temps, des soldats français descendaient sur Bouaké à l’aide de parachutes pour prêter main forte aux rebelles. Il était alors devenu impossible pour les loyalistes d’éviter l’affrontement avec les troupes françaises s’ils devaient lancer l’assaut sur les rebelles.
Profitant de ces 48 heures, l’armée française avait commandé trois avions Antonov-12 affrétés qui se trouvaient à Franceville au Gabon. Ceux-ci contenaient tout le nécessaire militaire fourni par la France à partir de l’Afrique Centrale. Des chargements supplémentaires ont été acquis à Durban. Les avions affrétés survolaient la région du Nimba, au Liberia (vers la frontière ivoirienne) et aussi les zones assiégées par les rebelles en Côte d’Ivoire (Bouaké et Korhogo) où ils donnaient un coup de main aux rebelles. Des camions de transport de marchandises déversaient des combattants civils rebelles en provenance du Burkina Faso à destination de Korhogo. Une fois à destination, ces combattants recevaient les équipements que les français avaient fait venir d’Afrique centrale et d’Ukraine.
A partir de ce moment, il y eut 2500 soldats armés du côté des rebelles essentiellement des mercenaires venus du Liberia et de la Sierra Léone, qui étaient aussi embarqués dans les mêmes avions. Ils étaient armés de kalachnikovs et autres armements qui n’avaient jamais fait partie de l’arsenal militaire ivoirien. Par la suite, la France leur a fourni un équipement de communication très sophistiqué. Les officiers ivoiriens savaient que les rebelles étaient toujours informés de leurs actions parce que les Français et les rebelles possèdent les mêmes équipements en communication et écoutent à travers les ondes de fréquences de l’armée ivoirienne.
Une fois les rebelles réarmés et équipés, les Français se sont graduellement retirés, laissant le contrôle des opérations entre les mains de mercenaires recrutés en Europe de l’Est et qui travaillent en coordination avec les Français repliés sur Yamoussoukro. Quand les Français ont fini de positionner les rebelles, ils ont actionné les Nations Unies pour obtenir la résolution les désignant comme chargés de maintien de la paix. La paix n’était pas facile à obtenir d’autant plus que les rebelles armés ouvraient plusieurs fronts et occupaient de grands espaces du pays. Les troupes de la CEDEAO mettaient du temps pour venir et ce n’est que (…) lorsque les troupes ghanéennes ont pris les commandes qu’elles sont arrivées, pratiquement composées de troupes africaines francophones formées, équipées et supervisées par des officiers français.
De nouveaux rapports des services d’information internationaux, cette fin de semaine, citant le commandant des forces françaises pour le maintien de la paix, disaient que les troupes françaises en Côte d’Ivoire avaient découvert des corps et des cas de violence graves sur des civils quand elles sont arrivées dans une ville déserte qui a été attaquée un dimanche par des Libériens armés. Les traces des violences à Bangolo étaient très visibles, y compris les corps. « C’est clair, la violence a affecté beaucoup de gens », disait le colonel Philippe Perret à Abidjan. Il a refusé de dire comment plusieurs corps ont pu être vus alors que l’hélicoptère transportant un détachement de troupes françaises a atterri dans une zone occupée par les rebelles, le samedi soir, à Bangolo, situé au nord-ouest, à 600 km d’Abidjan.
Ousmane Coulibaly, l’un des rebelles, disait qu’il avait demandé à l’hélico français de chercher à voir de près la scène. « J’ai demandé aux Français de venir voir les morts. C’est tout un quartier qui été décimé. Toutes les habitations sont remplies de corps. Seul l’Imam est sorti vivant. Il y avait plus de 200 corps, peut-être 300. Et il y a plusieurs corps dans la brousse ».
La partie ouest de la Côte d’Ivoire est sous le contrôle de deux groupes rivaux de rebelles travaillant séparément. Ces combattants sont respectivement des ethnies Krahn et Gio, des tribus qui ont été spoliées de leurs terres vers la frontière ivoiro-libérienne. Ces soldats irréguliers sont issus du régime barbare et brutal du sergent Samuel Doe du Liberia aux côtés duquel ils ont combattu dans la guerre civile libérienne. Ensuite ils ont déniché leurs suiveurs démoniaques en Sierra Léone là où ils ont combattu aux côtés du RUF. Ils sont réputés dans la mutilation de leurs victimes auxquelles ils coupent les bras, les jambes ; dans le viol et le pillage, la brutalité sur des générations de la jeunesse ouest-africaine qu’ils ont utilisée comme soldats et comme esclaves exploités à des fins sexuelles. Ils forcent ces jeunes à commettre des actes de barbarie sur leurs propres familles et sont nourris au cocktail d’alcool, de drogue et à la poudre de fusil qui les met dans un état second pour pouvoir jouer leur rôle. Ces mêmes soldats irréguliers sont ceux qui ont envahi la Côte d’Ivoire et se font appeler rebelles. La plupart d’entre eux parlent anglais…
Le commandant français a blâmé ce massacre des Libériens fantômes qui sont supposés appartenir à l’armée régulière de la Côte d’Ivoire. Ceci est totalement faux et fortement démenti par le président Gbagbo et les chefs de son armée. Des sources libériennes, sierra-léonaises et ivoiriennes (civiles, militaires, ONG) indiquent que c’est un mensonge grossier que les rebelles ont raconté aux Français qui, à leur tour, le propagent. Raconter ces mensonges, aux yeux du gouvernement ivoirien, n’est pas la meilleure façon de préserver la paix. C’est plutôt un plateau « de maintien de trouble ».
Nombreux sont les réfugiés des zones rurales qui ont déjà afflué vers la capitale, Yamoussoukro. Plusieurs rapports insistent que les brutalités commises par les rebelles sont cautionnées par les forces françaises. Et, au bas mot, les civils tués sont estimés à des dizaines, des milliers. « Ils sont arrivés et ont décimé ma famille pendant que ces soldats les regardaient et riaient », raconte une jeune fille de 12 ans qui a refusé de décliner son identité par crainte de subir des représailles. « Ma mère a plaidé pour que les combattants ne tuent pas mon père, mais ils lui ont donné un coup de pied », ajouta-t-elle. Les journalistes de l’agence Reuters avaient essayé d’aller vérifier le nombre de tués, mais les Français leur ont strictement interdit l’accès aux sites où les atrocités ont été commises. Il semblerait que plus de mille villageois ont péri dans les mains des Français qui supportaient les rebelles dans un village proche du département de Vavoua.
« Nous ne sommes plus une colonie française et demandons à la France de mettre fin à ses aspirations impériales à l’endroit de la Côte d’Ivoire », disait le Premier ministre, Ministre de la Planification du développement, Pascal Affi N’Guessan, qui a ajouté : « Ils veulent absolument contrôler le commerce du cacao et du café qui sont très lucratifs. Combien vont-ils tuer pour satisfaire leur gourmandise ? » La Côte d’Ivoire est le plus grand producteur de cacao dans le monde.
Le mandat accordé aux Français par les Nations Unies expire le 2 juillet 2003. C’est sûrement avec beaucoup d’intérêt que chacun constatera que le mandat des Nations Unies n’est pas renouvelé. Si les Etats-Unis et le Royaume-Uni veulent vraiment gagner la confiance et l’estime des nations francophones (exemple, la Guinée et le Cameroun) pour leurs politiques, ils doivent montrer qu’ils ont la volonté de les soutenir en s’opposant aux intrigues françaises. Refuser à la France une seconde résolution serait une étape positive.
SOURCE : Wikileaks
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